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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 4)

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Fouqué, Octave: Le théatre contemporain: Gabrielle Krauss
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https://doi.org/10.11588/diglit.18880#0249

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LE THÉÂTRE CONTEMPORAIN

GABRIELLE KRAUSS

Gabriellc Krauss, voilà un nom qui restera lumineux dans
l'histoire de l'art, et dont le souvenir vivra entouré d'admirations et
d'hommages. Essayons de dire la vie, les travaux et le talent de la
personne qui le porte.

M,le Krauss est une grande personne, presque colossale. Malgré
cette haute taille, il n'y a rien de particulièrement imposant clans la
démarche. A de fortes épaules sont attachés deux bras magnifiques,
terminés par des mains dont le geste toujours noble est véritable-
ment parlant. La figure est surtout remarquable par son air de
puissance : l'œil est petit, enfoncé sous l'arcade sourcilière; l'ovale
allongé se termine par un menton saillant qui donne à la face
une singulière expression d'énergie. Une abondante chevelure fait à
cette tète un peu singulière un souple et vivant diadème. Ce qui
frappe le plus dans le premier abord de M"e Krauss, c'est l'extrême
simplicité de sa tenue, de son port, de ses gestes; mais que la
musique de Meyerbeer ou de Gounod se fasse entendre, et l'admi-
rable artiste, comme touchée par l'Esprit, se transforme aussitôt.
M"« gabrielle krauss gon maSque illumine ; sa bouche sourit ou se contracte; ses yeux

(rôle de Jeanne d'Arc). • f . ,

Dessin de Louis Dupont. lancent des éclairs de fureur ou se voilent du clair-obscur des

tendresses féminines ; la passion agite tout son corps, qui cependant
conserve, avec la sobriété du geste, l'attitude noble qui convient aux reines. Sans l'entendre, et
rien qu'à la voir, on sent qu'on a devant soi une Muse.

Mais M"c Krauss n'est pas seulement une grande tragédienne, c'est aussi une grande canta-
trice. Sa voix, qui parcourt l'échelle ordinaire du soprano dramatique, a dans les notes du haut
une résonnance cristalline d'un timbre pénétrant et doux. Maîtresse absolue de toutes les difficultés,
possédant tous les secrets de l'art du chant, M"c Krauss conduit sa voix à travers tous les périls
de la vocalisation la plus hardie ; mais c'est surtout dans le chant expressif et large que brille
son talent, fait avant tout de sentiment et de passion dramatique. Une émotion intense, qui se
communique à l'auditeur comme par un magnétisme inconnu, vibre dans certaines de ses notes.
Cette émotion parait dominer l'artiste tout le temps que dure une représentation ; elle ne se
manifeste pas seulement dans le chant : il suffit quelquefois d'un geste, d'un cri, d'une inter-
jection pour la mettre à jour. M"e Krauss a le grand art des oppositions, des nuances délicatement
juxtaposées et harmonieusement fondues, avec un goût qui jamais ne se dément.

Qu'est-ce donc qui soutient l'artiste, la guide au milieu des sentiers de l'art, et l'empêche
de s'égarer ? C'est évidemment le profond et sûr instinct qu'elle a reçu de la nature ; mais c'est
aussi, n'en doutons pas, la solidité de son éducation musicale. Gabrielle Krauss n'a pas débuté,
comme d'autres, après des études hâtives et une simple ébauche du travail auquel doit se livrer
l'artiste qui se destine aux théâtres lyriques. Entrée au Conservatoire de Vienne en 1853, elle
n'abordait le cours supérieur de chant qu'en 1858, après cinq années d'études préparatoires. Elle
en sortait en 1860, munie des premiers prix de piano, de chant, d'harmonie, et de la grande
médaille d'or, récompense de travaux poussés dans tous les sens et sur toutes les parties du
doriiaine musical.
 
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