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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 4)

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Heulhard, Arthur: Art dramatique, [6]: Odéon: Le Diner de Pierrot: Marie Touchet
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Vandalisme
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i6o

L'ART.

haute, emporté dans un élan de colère impétueux, il se pre'pare
à immoler le grand ordonnateur du massacre. Marie, en qui
l'amour parle plus fort que la vertu, se précipite alors entre
les deux hommes. Charles est sauvé! Il n'en est point de même
de Saint-Bris que Charles, redevenu roi de France, fait arque-
buser sans pitié ni remords, cinq minutes après la scène.
« A revoir », dit le roi à Marie, et Marie répond : « Adieu ».
Bien que cet adieu puisse passer pour une improbation, nous
ne nous en contentons pas. Le seul intérêt du drame eût été
d'ouvrir la lutte dans le faible cœur de la femme entre le
devoir et la passion. Il eût été curieux d'assister à ce débat
intime qui eût prêté à de violents contrastes et qui eût allumé
l'inspiration d'un poète. M. Rivet ne l'a point compris de cette
façon, et à la faute d'avoir traité l'histoire en écolier, il a joint
celle d'avoir écourté l'action en dramaturge embarrassé de son
sujet. Quant à la question de savoir si la coupe en un acte
suffit à l'entier accomplissement d'une proposition drama-
tique, elle peut être controversée. Dumas fils a victorieusement
résolu la difficulté dans la Visite de Noces, mais on contestera
sans doute que la Visite de Noces soit un drame pur; lors même
qu'on l'admettrait dans cette catégorie, l'exemple ne serait pas
convaincant. Il est constant que nous n'avons pas besoin d'être
préparés à une action moderne, dont nous pourrions être au
besoin les témoins, comme à une action ancienne, fût-elle
consacrée par les relations historiques. Je crois sincèrement
que toute situation scénique datée doit être présentée comme
un tableau d'histoire, c'est-à-dire dans les conditions d'exacti-
tude requises par le genre. S'il doit en être autrement, qu'on
n'impose plus de frein à l'imagination des auteurs dramatiques,
et qu'ils soient libres d'associer à une action commune Ver-
cingétorix et Marie-Amélie, Pharamond et Marie-Antoinette,
Ramsès II et la Dubarry ! Hervé, le compositeur toqué, avait
une folie plus honnête quand il annonçait Molière à Henri III;
ce Valois avait au moins le bon goût de s'étonner et de s'écrier:
« Déjà ! »

Ces réserves faites sur le fond de la pièce, il me reste à en
examiner la forme qui n'est pas toujours correcte et qui défi-
gure parfois la grammaire, sans réussir à la transfigurer.
D'ailleurs, la grammaire ne se transfigure pas, et M. Vacquerie
le sait bien, M. Rivet ne l'ignore pas non plus, et il dépend de
lui d'assigner dorénavant à ses personnages un langage digne
du suffrage de Vaugelas. Je citerai la tirade de Saint-Bris,
déclamée avec un grand feu par M. Albert Lambert, comme
un modèle de la bonne manière de M. Rivet :

Cette guerre civile
!)e tous les temps anciens dépasse les horreurs.
J'ai vu par ces bourreaux pleins de basses fureurs

Des hommes mutilés et des femmes souillées;

Kl rien — lilles en pleurs, mères agenouillées —

N'arrête le couteau des reitres forcenés.

Digues valets du roi, monstres par Dieu damnés !

Furieux, la prunelle allumée et rougie

A l'ivresse du feu, du meurtre, de l'orgie,

Je les ai vus courir par les places, les quais,

Poursuivre les passants éperdus et traqués.

Hurlant, le fer au poing, et tuer péle-méle,

Des femmes, des enfants encore à la mamelle!

Que de sang. Dieu vengeur! et que de pleurs versés!

O Charte ! O Médicis ! Nos cœurs se sont lassés ;

là les incres sans (ils, les orphelins, les femmes

Sans mari, tous frappés par vos édits infâmes,

Se dressent contre vous dans leurs afflictions

En couvrant votre nom de malédictions !

F.t les morts, les morts même ouvrant leur froide bouche.

Semblent crier au ciel, avec un air farouche,

Pour condamner votre âme aux flammes de l'enfer !

Mais moi qui suis vivant, sauvé de votre fer,

Je jure, pour punir ta trahison infâme,

O roi, de te percer le cœur de cette lame,

Et, pareil en mon œuvre aux juges d'Israël.

Je veux jeter aux chiens ta mère Jé/abel 1

Il y là dedans un certain mouvement qui voudrait être au
service d'idées plus relevées : M. Rivet, contrairement à ce
qu'il parait croire, a encore besoin de beaucoup de conseils et
de critiques, et il fera bien de s'y ranger avant de livrer ses
ouvrages au public.

Un petit acte, secouant gaiement les grelots de la comédie
italienne, a été représenté le même soir à l'Odéon. Avec des
prétentions plus modestes, il a été accueilli avec des sourires plus
indulgents. Le Diner de Pierrot est signé du nom de M. Ber-
trand Millanvoye dont le tour d'esprit n'a rien d'élégiaque :
s'il continue sur ce ton, on ne le confondra point dans la suite
avec l'auteur de la Chute des feuilles. Vous devinez qu'il n'y a
point d'intrigue dans le Diner de Pierrot et que c'est un duo à
la tierce entre Colombine et son compagnon de chaîne. Pierrot
rentre à la maison, le ventre creux, roulant dans sa tête belles
images de pâtés dorés et fins verres de Capri blanc. C'est le
moment que choisit Colombine pour faire l'aimable. Pierrot
n'entend point de cette oreille, comme vous pensez bien. Alors
Colombine met la nappe et partage avec Pierrot le pâté tant
désiré, dont on arrose à souhait la croûte luisante. Et voici
Pierre qui s'enllamme à son tour, comme en cabinet parti-
culier. Puis le rideau tombe, car Pierrot a de la pudeur et
Colombine aussi. Pas autre chose. Mais de jolis vers, au bout
desquels carillonne spirituellement la rime, avec un peu
d'afféterie dans l'accent général de la pensée. C'est tout. Et
cela suffit, grâce à M"" Sizos et à M. Porel, pour classer
M. Millanvoye au rang des poètes délicats qui travaillent pour
le théâtre. Arthur Heui.hard.

VANDALISME1

xvm

Angleterre. — Les exécuteurs testamentaires de l'acadé-
micien Solomon Hart ont détruit toute la correspondance,
toutes les notes, tous les volumineux papiers que le défunt
avait laissés à leur discrétion. Cet acte de barbarie a eu pour

prétexte le caractère mordant des appréciations du vieil
attiste sur plusieurs des très nombreuses personnes de mérite
avec lesquelles il avait été si longtemps en relations dans le
monde des lettres et des arts.

i. Voir l'Art, 5' année, tome I", pages 153, i51, 2o5 et 274; tome III, page 141 j tome IV, page 23; 6r année, tome III, pages 46 et 2S3; tome IV, pages 41.
110, 1S7 et 3o5; 7* année, tome II, page 01 ; tome III, pages 93, 257 et j8.(,

Le Directeur-Gérant : EUGÈNE VÉRON.
 
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