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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 4)

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Heulhard, Arthur: Art dramatique, [5]
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ART DRAMATIQUE

Comédie-Parisienne : le Testament de Mac-Farlane. — Gym-
nase : les Premières Armes de Richelieu. — Ambigu : Nana.

e vous ai entretenus, en temps opportun, de la Co-
j médie-Parisiennc : ce gentil théâtre, élevé, comme
on sait, sur les ruines des Menus-Plaisirs, est-il
voué aux fatales aventures de son devancier, et l'exploitation
de M. Dormeuil déjà vacillante va-t-ellc repasser par les vicis-
situdes des directions précédentes? Les docteurs en matière
théâtrale hochent la tête avec tristesse. Lorsque M. Dormeuil
se mit à la tête de la Comédie-Parisienne, allumé par un
regain d'activité qui semblait de bon augure, il annonça le
projet de relever dans la faveur publique la pièce à ariettes
délaissée et hors de mode. Que le voilà loin de l'idéal qu'il
défendait à l'ouverture de son théâtre ! La pauvre Comédie-
Parisienne est actuellement la proie des clowns. Il est vrai
qu'elle ne tardera pas à s'en débarrasser : cette coquette
petite scène, cambrée dans son corset d'or, ne se prête point
à des exercices tumultueux bons pour la piste du cirque Fer-
nando. C'est pourquoi, et pour beaucoup d'autres raisons à
déduire, le Testament de Mac-Farlane a été reçu avec une
froideur significative. Ce Testament de Mac-Farlane est qua-
lifié de vaudeville-pantomime en trois actes, tiré de l'anglais et
adapté à la scène française par M. William Busnach. La pièce
tient à peu de chose : c'est proprement un tremplin pour les
sauts périlleux d'Agoust et des Caruthers qui occupent la place
d'honneur dans le spectacle. En voici toutefois la donnée. La
colonie balnéaire de Villette-sur-Mer apprend un beau jour
que M. Mac-Farlane, richissime Écossais qui a doté le village
de ses monuments essentiels, est mort laissant un testament
où il institue une certaine demoiselle Picquoiseau son héri-
tière, à la condition expresse de se marier dans un délai déter-
miné. Malheureusement la famille Picquoiseau se divise sur
le choix d'un gendre : M. Picquoiseau tient pour le cousin
Gaétan, Madame pour le vicomte de Bel-Air, et Caroline
Picquoiseau, l'héritière, pour Àrchibald Mac-Farlane, neveu
du défunt.

On finirait néanmoins par s'entendre, mais la nouvelle se
répand qu'il existe un second testament caché dans l'hôtel de
la Plage. A quel endroit ? C'est ce qu'il s'agit de savoir et c'est
le moment psychologique où la dextérité des jongleurs, la
célérité des clowns, et l'audace des grimpeurs entrent en
ligne. A l'aide d'un décor mobile qui représente la coupe ver-
ticale de l'hôtel de la Plage, nous voyons Archibald, les Pic-
quoiseau, les prétendants, les marmitons eux-mêmes fouiller
les cuisines, inspecter les caves, forcer les armoires, et monter
sur les toits, se suspendre aux gouttières et aux cheminées,
comme des gens que les plombs de Casanova empêchent de
dormir. Enfin on met la main sur un papier qui annule les
clauses du premier testament et avertit les intéressés que le
texte définitif des dernières volontés de Mac-Farlane est en-
fermé dans le salon du pensionnat où Caroline Picquoiseau
poursuit son éducation. Ces deux actes, outre le vide absolu
du dialogue, sont médiocrement réglés au point de vue de la
pantomime. Les habitués des cafés-concerts et des Bouffes du
Nord sont depuis longtemps fatigués du truc du portrait : qui
n'a vu cent fois sur les tréteaux ce personnage qui, ne sachant
où se cacher, passe la tête dans une toile à la place du por-
trait commencé ? Le propriétaire du chevalet arrive sur ces
entrefaites, saisit un pinceau et se met tranquillement à pein-
dre la figure du pauvre diable; c'est une farce centenaire qu'il
fallait éviter dans une pantomime datée de 1881. Les specta-
Tome XXVII.

teurs des Folies-Bergère se rappellent aussi le /n/cdu papillon
qui se pose sur le nez des gens et qu'on chasse inutilement de
la main. Pourquoi l'avoir reproduit à la Comédie-Parisienne?
D'autres inconvénients, et plus graves, pourraient être signa-
lés : des fausses manœuvres inexcusables devraient être rele-
vées. Le décor de l'hôtel de la Plage est engagé si avant dans
les frises que les spectateurs des baignoires ne voient ni le
toit ni les scènes qui s'y passent. Le troisième acte a paru le
meilleur, en ce sens qu'on y retrouve intercalée la fameuse
excentricité musicale Do mi sol do que les Hanlon-Lee exécu-
taient naguère aux Folies-Bergère et aux Variétés avec un
humour si étourdissant. Encore que cette bouffonnerie ait
dépassé trois cents représentations à Paris, on s'en est amusé
comme à son apparition. Il s'en faut cependant de beaucoup
que les Caruthers atteignent à l'intensité d'effets qu'obtenaient
les Hanlon; Agoust, qui remplit dans cette charge inénarrable
le rôle éminent du chef d'orchestre, paraissait déconcerté
comme un général peu sûr de ses troupes et qui perd confiance
en lui-même.

Si vous êtes curieux de savoir ce qu'il advient du testament
authentique de Mac-Farlane, apprenez qu'Archibald, en dé-
gringolant d'une armoire à la suite d'un coup de feu tiré par
le manche de son violon, agite triomphalement un papyrus
par lequel il est déclaré l'unique héritier de son oncle; et ad-
mirez la logique des choses ! Peu vous importe ensuite qu'il
épouse ou non Caroline Picquoiseau. M. William Busnach n'a
pas cherché à empiéter sur le domaine des clowns : son vau-
deville ne charmera ni notre génération ni la postérité. Inven-
tion, esprit, gaieté, tout y manque à la fois. Les rôles parlés
sont tenus par MM. Montbars et Fugère, M"lcs Adèle Cuinct,
Bade et Georgina Dupont. Dans les rôles à grimaces, le mime
anglais Desmont a fait apprécier la malice de ses jeux de phy-
sionomie. Ce n'est ni Deburau ni Paul Legrand, et il y a de
l'autre côté de la Manche des artistes plus extraordinaires ; tout
en restant inférieur à ces hautes comparaisons, il s'est agréable-
ment acquitté de son personnage de domestique formaliste.

Ainsi cette pantalonnade est la grosse nouveauté de la
semaine, car il ne faut compter pour rien la reprise des Pre-
mières Armes de Richelieu, au Gymnase, et celle de Nana, par
les comédiens ordinaires du naturalisme, à l'Ambigu.

Les Premières Armes de Richelieu font revivre en nous le
souvenir de Déjazct, et rappellent cet art exquis, fait de nuan-
ces bien observées et d'intentions délicates, dont Déjazct et
Bouffé se partageaient l'empire. Cet art est loin de nous ; les
instruments d'optique et les appareils de lumière dont nous
nous servons, en ce temps d'électricité grandiose, ont effacé
cette pénombre de la lampe à huile douce aux natures patientes
et bienveillante aux tempéraments subtils. La force et l'éten-
due ont tué le rayonnement tranquille sous lequel on vivait
moitié à la flamande moitié à la française. (Songez-y bien!
la vieille bourgeoisie, le gros de la nation, s'éclairait à cette
lumière!) Déjazct, dans le raffinement de son jeu, rendait bien
cette caractéristique de notre société. Le rôle de Richelieu
était pour elle une évocation de l'ancien régime; elle le com-
prenait ainsi et le jouait talon rouge. Le bourgeois, épanoui
dans sa stalle, égrenant sa chaîne de montre entre ses doigts,
se sentait poudré comme par le coiffeur de la reine et, pour
une vétille, eût tiré l'épée hors du fourreau; ce sentiment nais-
sait spontanément en lui. Au bout d'un quart d'heure, il se
regardait comme un heureux coquin, s'avouait ses bonnes for-
tunes et se pardonnait ses cruautés envers les belles marquises.
Voilà une illusion que Jeanne Granier n'a pas réussi à nous

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