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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 4)

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Leroi, Paul: L' Exposition de Lille, [2]
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XIII

L'Exposition est fermée et c'est volontairement que j'ai
ajourné la fin de mon compte rendu. J'ai le malheur de
prendre mon métier de critique au sérieux, d'être persuadé
qu'il exige des études approfondies, quelque expérience et une
sincérité à toute épreuve. Je sais qu'il est beaucoup plus
commode, en matière d'art, d'écrire sur que de parler de, la
première méthode n'exigeant que festons et astragales prodi-
gués de manière à ce que le lecteur n'y voie que du feu; la
seconde infiniment plus modeste, obligeant à ne se prononcer
qu'en parfaite connaissance de cause; dire le pourquoi des
choses est moins aisé mais plus utile que de semer les
phrases à grand orchestre, les périodes aussi harmonieuse-
ment fleurîes que spirituellement creuses, ou de pontifier sous
forme de style aigre, rogue et pédant revêtant une égale
absence de savoir. Ce sont ces façons diverses de bavarder
sur l'art, — diverses en apparence seulement, — qui sont le
fléau de la presse; elles ont engendré une légion de critiques
d'occasion qui grisent les artistes de leur épais et vulgaire
encens, et les rendent absolument rebelles à toute observation
vraie dictée par leur seul intérêt et le constant souci de la
dignité de l'art. « Il n'y a que la vérité qui blesse » est de-
venu la presque invariable devise de la majorité des artistes,
et ce sont des lamentations sans fin, des désespoirs immenses
joués à souhait si la voix de la vérité se fait entendre.

Le Salon lillois m'a valu le plaisir d'une expérience de ce
genre à mes dépens. Ayant eu depuis pas mal d'années l'occa-
sion de ne pas être absolument inutile au beau Musée de Lille,
et suivant avec une attention passionnée le mouvement décen-
tralisateur auquel pousse si intelligemment, en cette ville privi-
légiée, un groupe d'artistes dont j'ai eu l'heureux devoir
d'écrire le légitime éloge, je me suis cru plus que jamais tenu
à ne pas m'éearter de la sincérité qui est ma règle.

Je me suis donc avisé de signaler un paysage vraiment
remarquable qui figure au Musée, signé du même nom qu'on
avait la malechance de lire au Palais Rameau au bas de toiles
qui rappellent déplorablement les images d'Epinal, moins la
naïveté toutefois. J'ai regretté et je regrette de plus en plus
que l'auteur ait abandonné ses premiers et excellents erre-
ments pour verser dans la plus niaise, la plus commune plai-
santerie au gros sel, le plus pur sel de Béotie. Et là-dessus
voilà M. Denneulin qui s'en va gémir par la ville et ses fau-
bourgs que c'est Madame une telle, mon ami X et mon ami Y
et même mon ami Z qui m'ont échauffé les oreilles à son
endroit, tant et si bien que j'ai fini par leur faire écho, — une
besogne bien honorable que j'aurais faite là, n'est-ce pas? —
Je me serais contenté de hausser les épaules, sachant que
Madame Trois Étoiles ne descend pas à s'occuper de ces
peintures-là et que mes amis X, Y et Z, tout comme mes amis
A, B, C et D, ont toujours trop bien respecté mon indé-
pendance pour songer à l'influencer si peu que ce soit pour ou
contre qui que ce soit. Mais, hélas ! par un excès provin-
cial de bienveillance pour ma soi-disant victime, ne voilà-t-il
pas qu'ils se sont mis à me relancer à qui mieux mieux en sa
faveur, à me dire et redire leur désolation, leur désespoir de
mes rigueurs, à me démontrer que je nuisais à la vente de ses
produits!... Le dernier argument m'a mis hors gonds; je
devais retourner à Lille ; je n'y ai pas remis les pieds, ce qui ne
m'a point empêché d'apprendre que je n'ai nullement nui à la
question de boutique; les deux méchantes charges à l'huile ont
été vendues l'une trois mille, l'autre deux mille francs; c'était
inévitable; Lille aurait par trop de chance s'il ne s'y rencon-
trait des acheteurs ignorants, aveugles et de mauvais goût; on
en trouve bien à Paris.

Quant à moi, je renvoie M. Denneulin à l'étude de son
Paj'sage du Musée ; lorsqu'il recommencera à peindre de la
sorte, je connais quelqu'un qui sera le premier à l'applaudir.

1. Voir l'Art, 7° année, tome" 111, pages 2S0 u 3o5, et tome IV, p:'g-' 17.
 
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