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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 4)

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Véron, Eugène: Le ministère des arts, [4]
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Heulhard, Arthur: Art dramatique, [6]: Odéon: Le Diner de Pierrot: Marie Touchet
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https://doi.org/10.11588/diglit.18880#0178

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ART DRAMATIQUE.

des déboires pareils à ceux que nous avons éprouvés, il y a
dix ans, sur les champs de bataille proprement dits. »

Malheureusement il est bien à craindre qu'il nous faille
encore une leçon du même genre; et, à dire vrai, il ne m'est
pas absolument démontré que même cela suffise à dissiper nos
illusions. Nous possédons une puissance d'infatuation qui est
depuis longtemps passée dans le sang; il nous faudra peut-
être plusieurs siècles d'épreuves et d'humiliations pour nous
en corriger, si nous nous en corrigeons.

Les désastres militaires de 1870 n'ont pas pu nous déci-
der à réorganiser sérieusement notre armée; les désastres
industriels au-devant desquels nous courons d'un cœur si
tranquille ne pourront également nous ouvrir les yeux que
quand ils se seront répétés, et peut-être nous auront mis assez
bas pour que nous ne puissions plus même profiter des dou-
loureuses expériences.

M. Marius Vachon, dans la France, signalait à ce propos
le fait que les importations en France des produits des indus-
tries artistiques étrangères se sont élevées, en 1879, à la
somme de 33 millions de francs, tandis qu'en 1869 elles n'at-
teignaient que le chiffre de 11 millions.

Ce fait a une signification considérable que le Temps
s'applique à faire ressortir. 11 montre non seulement que
l'étranger tend à s'affranchir de notre production artistique,

mais qu'il nous fait une concurrence véritablement redoutable
jusque sur notre propre marché.

11 serait vraiment utile de suivre dans le détail l'étude des
variations qui se sont produites depuis vingt ans dans la pro-
portion de nos exportations et de nos importations en ce qui
concerne les produits des industries ' artistiques. On verrait
que la balance tend de plus en plus à se rompre à notre détri-
ment, et cela, suivant une progression des plus inquiétantes.

L'Administration des Beaux-Arts a vu le danger. Elle a
fondé dernièrement deux écoles d'art industriel, à Limoges et
à Roubaix. Il en faut fonder partout; c'est, nous l'espérons
bien, ce qui se fera, quand nous aurons un Ministre des Arts,
qui aura disposé les choses de telle sorte qu'il n'ait plus à
craindre de voir ses propres fondations confisquées par son
collègue des Travaux Publics ou de l'Agriculture et du Com-
merce fi

Et quand il y en aura partout, que le goût public sera
formé, et que nos industries artistiques seront partout mises
en état de lutter avantageusement contre la concurrence étran-
gère, alors le Ministère des Arts aura fait son œuvre, et il
pourra sans inconvénient céder la place aux initiatives privées
que le développement même des industries artistiques aura
suscitées.

Eugène Véron.

ART DRAMATIQUE

ODÉON : LE DINER DE PIERROT; MARIE TOUCHE!

eux petites pièces, en un acte et en vers, toutes
deux issues de l'Odéon, l'une visant au drame,
l'autre confinant à la comédie, c'est la seule
originalité de la quinzaine.

Le drame de M. Gustave Rivet, Marie

Touchet, n'aurait en soi rien d'extraordinaire si l'auteur n'affi-
chait pour l'histoire un dédain tout au moins déplacé dans un
ouvrage historique. M. Rivet nous déclare dans la préface de
Marie Touchet qu'il a reçu, en temps utile, une foule de
bons avis sur sa pièce, et qu'il ne les a pas suivis, croyant
entendre d'en haut des voix contraires. M. Rivet inaugure sans
s'en douter une poétique nouvelle : l'Art de ne pas vérifier les
dates. Il a peu de chances d'être écouté, même en ce siècle où
l'ignorance de l'histoire fait tant de progrès. Et pourtant il a
pour lui M. Auguste Vacquerie, qui a écrit quelque part :
« Défigurez, mais transfigurez ! » Ce qui revient à dire : « Ayez
du génie à défaut de vérité ». Nous allons voir dans quelle
proportion Marie Touchet allie le génie à la vérité.

La toile se lève au bruit du tocsin sonné à toute volée, et
sur une pédale de détonations et de cris qui décèle une des
pires époques de nos annales. En effet, c'est ainsi qu'il faut inter-
préter les choses, et cet orage qu'on entend gronderait dehors
s'appelle la Saint-Barthélemy. Une femme est là, tremblante
au fond de sa demeure, veillant sur un berceau au-dessus
duquel nous voyons passer un souffle d'enfant : c'est Marie
Touchet, maîtresse du roi Charles IX. Il ne s'agit pas ici de
cette Marie, fille de Jean Touchet, sieur de Beauvais et du
Quillard, lieutenant du bailliage d'Orléans; de cette Marie
Touchet qui depuis plusieurs années partageait la couche

secrète du roi, mais bien d'une autre Marie Touchet, poussée
inopinément dans le cerveau de M. Rivet, sans aucun scrupule
de légende ou d'histoire, une Marie Touchet, toute neuve, qui
ne connaît point Charles IX, et qui aime tout uniment Charles,
qu'il soit roi de France ou garçon de café. Or son Charles a
disparu depuis trois jours; peut-être a-t-il disparu dans la
boucherie catholique; s'il avait été tué ! si son cadavre mutilé
était étendu près du cloître Saint-Germain-l'Auxerrois ! Elle ne
peut tenir contre cette atroce pensée qui l'obsède, elle va se
couvrir d'un manteau et se jeter, dans la rue, à la recherche
de Charles, lorsque soudain on frappe à la porte. Si c'était lui !
mais non, celui qui entre n'est pas Charles. C'est Saint-Bris,
un jeune huguenot, un compagnon d'enfance de Marie, pour-
suivi par une bande d'égorgeurs. A bout de subterfuges et
confiant dans le hasard, il est venu là réclamer le droit d'asile.
Pourquoi avoir décoré du nom d'un ligueur forcené, et illustré
par Scribe lui-même, un gentilhomme de la Religion ? C'est le
secret de M. Rivet. Du reste, le pauvre Saint-Bris a tous les
malheurs ; non seulement il est serré de près par un gros
d'assassins, mais encore, nouvelle complication ! il aperçoit
un berceau chez celle qu'il aimait au doux temps de l'enfance,
chez cette Marie qu'il s'était habitué à regarder comme une
fiancée. Hélas! Marie a tout oublié, et les jeux du printemps,
et les premiers serments, et le reste. Elle est toute à Charles,
à tel point qu'elle supplie Saint-Bris de garder l'enfant, pen-
dant qu'elle ira, au péril de ses jours, chercher quelques
nouvelles du bien-aimé. Tout à coup, 011 frappe encore à
l'huis. Cette fois, c'est Charles, le regard sombre, perdu dans
un rêve de sang. Saint-Bris le voit, le reconnaît, et l'épée

1. On raconte que quand M. Turquct fut parvenu a faire voter les fonds nécessaires à la création des deux écoles d'art industriel à Limoges et à Roubaix,
le Ministre du Commerce, considérant que Limoges produit de la porcelaine et Roubaix des étoffes, en conclut que ces deux écoles devaient lui appartenir et afficha
nettement cette prétention. On eut. parait-il, beaucoup de mal à lui faire comprendre qu'ici la question commerciale était primée par la question d'art.
 
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