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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 4)

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Mongeri, Giuseppe: La résidence d'un patricien milanais au commencement du XVIe siècle
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https://doi.org/10.11588/diglit.18880#0238

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LA RESIDENCE D'UN PATRICIEN MILANAIS

AU COMMENCEMENT DU XVI» SIÈCLE •
(aujourd'hui casa p o n t i )

Quand on parcourt, à Milan, la via dei Bigli, l'une des
moins fréquentées, mais des plus remarquables de cette ville,
on rencontre vers le milieu de la rue, à l'exposition du nord,
une grande porte cintrée encadrée dans une architecture de
marbre, affectant la forme d'un interpilastre corinthien d'une
pureté de dessin singulière.

Aucune date n'y est inscrite, mais il est évident qu'elle est
due à l'inspiration de la plus belle époque de l'art italien. Le
reste de la façade ne fait pas avec elle un contraste trop
marqué; il a cependant l'aspect d'une œuvre moderne. En
effet, cette façade a été restaurée, il y a environ quarante ans,
par un jeune architecte milanais, malheureusement enlevé par
une mort prématurée.

La porte seule doit donc arrêter le regard, et c'est vraiment
une chose tout à fait digne d'attention. Les pilastres sont
d'ordre corinthien et supportent un ensemble complet de
trabéation; ils sont assez finement cannelés et sveltes dans
leurs proportions. Ils se terminent par un chapiteau à feuilles
d'acanthe de pierre brune, qu'on pourrait prendre pour du
bronze. C'est la pierre d'Oira 1, qui, dans ce monument, a été-
employée pour les corniches des pieds-droits, pour la clef de
l'arc et pour toute l'étendue de la frise. Si la base des pilastres
en est dépourvue, c'est qu'elle en fut enlevée lors de la restau-
ration de 1845, sans qu'on ait songé à la remplacer. La pierre
de Crevola, dont se compose le reste de la construction, avec
son ton gris clair, accompagne le ton brun de la pierre d'Oira,
et la double coloration qui provient de cet assemblage ne peut
avoir été combinée que par un véritable artiste.

Quand on considère les diverses parties de cette œuvre,
on y reconnaît les marques d'un art consommé. Sur les tym-
pans triangulaires de l'arc est placé un médaillon de marbre
de la Candoglia, avec le sujet de l'Annonciation sculpté en haut-
relief; à la gauche du spectateur, l'Ange debout; à droite, la
Vierge, à laquelle il porte son message. Ce sont de petites
figures de 3o centimètres environ de hauteur, d'une attitude
élégante et d'un riche costume ; elles ont un caractère qui fait
promptement reconnaître la main d'Agostino Busti aux ama-
teurs familiers avec les œuvres de cet artiste. Ce n'est pas un
fait artistique de peu d'importance que de rencontrer sur le
seuil même de la maison une œuvre du sculpteur que
François Ior chargea, en 1516, du tombeau de son cousin
Gaston de Foix, ce monument dont les restes merveilleux sont
aujourd'hui malheureusement dispersés en quatre ou cinq lieux
différents de l'Europe.

Nous sommes donc bien manifestement en présence d'une
œuvre d'art ; aussi est-il difficile de ne pas se sentir saisi de la
curiosité de connaître le premier possesseur de cette maison,
celui qui l'a parée de tous les attraits qu'un homme pouvait
trouver dans le goût exquis et les habitudes élégantes qui lui
étaient propres, et qui d'ailleurs étaient alors communes à
tous les grands seigneurs qui fréquentaient les cours italiennes.

Mais celui à qui elle était destinée devait être quelque
chose de plus qu'un simple courtisan. La légende gravée sur

la pierre brune de la frise, en caractères romains fort déliés
d'une belle époque :

alta quid m1raris tecta—intus nil nisi benignv et hvmile

éveille d'autres pensées, avec le rythme de son distique à la
manière d'Horace. Il semble qu'on se trouve en présence de
l'un de ces humanistes du xv siècle, qui joignaient à la
noblesse de la naissance l'éclat de la richesse et les manières
de la cour, qui faisaient alterner avec les habitudes de l'homme
de guerre la pratique des lettres et des sciences, en les com-
plétant par l'amour des beaux-arts, quelque chose enfin comme
un de ces merveilleux esprits qu'eut dans son entourage celui
des Médicis qu'on surnomma le Magnifique.

Disons-le tout de suite; cette porte n'est, malgré tout,
qu'une promesse, ou plutôt une invitation à entrer, comme le
dit clairement le mot intvs. Il ne faut donc pas nous croire
indiscrets si nous entrons, pressés de reconnaître ce qu'il peut
y avoir dans cette maison « d'humble et de bienveillant », sui-
vant les indications du distique.

Il y a dix ou quinze ans, elle appartenait à une famille
ancienne et bien connue de la noblesse milanaise, celle des
comtes Taverna. Elle est passée depuis entre les mains du
chevalier Andréa Ponti. Personne de nos jours n'est remonté
plus haut dans cette succession. Le nom des Taverna était
joint à cet édifice depuis près de trois siècles : Torre, qui fait
mention de la maison en 16742, et, plus tard, Latuada, en
1738 3, et Bianconi, en 1787 J', l'attribuent à cette même famille.
D'autres écrits relatifs à Milan, contemporains de ces derniers
ou postérieurs, maintiennent la même attribution. Nous devons
nous en contenter pour le moment; peut-être nos observations
nous révéleront-elles quelque chose de plus.

Pour se rendre dans la cour, il faut suivre un corridor
haut et cintré, capable, à grand'peine, de donner passage
aux chariots et aux carrosses dont on ne faisait pas encore,
au commencement du xvi" siècle, l'usage qui s'en est aujour-
d'hui répandu. Il est certain que les idées de cette époque se
font sentir vivement dans la construction de ce vestibule. La
voûte est en forme de pavillon, renforcée par d'autres petites
voûtes en berceaux triangulaires élevées au haut de murs qui,
pour les recevoir, se courbent en lunettes semi-circulaires.
C'est là le caractère bien distinct des constructions urbaines
de quelque mérite architectural à la fin du xv" siècle.

Ce caractère est confirmé par la décoration murale. La
vo.ûte, les berceaux, les lunettes verticales, tout est peint; c'est
une ornementation rapide, légère, pleine de ramifications, de
spirales, de réseaux de feuillages, qui remplit le cadre et suit le
mouvement des berceaux réunis à la voûte; la couleur est d'un
ton gris sur un fond blanc laiteux, à l'inverse du fond des
lunettes dont la décoration prend, par places, un ton crayeux
sur un brun bleuâtre. Au centre de la voûte, l'ornementa-
tion se divise et laisse libre un espace dans lequel apparaît
l'anagramme du Christ rayonnant dans un nimbe circulaire,
et dans deux petits écussons sur les bas côtés avec les deux

1. Cette pierre, d'un ton gris brun foncé quand elle sort de la carrière, prend une couleur de bronze bien accentuée et devient très dure lorsqu'elle est exposée
à l'air. On la tire d'une montagne située auprès du lac d'Orta; elle fut très employée par liramante dans les constructions qu'il éleva à Milan, pour les chapiteaux et
les bases de colonnes; on en voit des spécimens dans le presbytère de Saint-Ambroise et dans la cour de la maison des Talcorti, via San Giuseppe, 11"4.

•j. Torrc, // Ritratto di Milano, 1674, p. 290.

'}. Latuada, Descri\ione di Milano. t. v, 1738, p. 383.

4. Nuova Guida di Milano (Bianconi), 1737, p. 415.
 
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