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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 4)

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Arnaud, Angélique: Fragments biographiques sur François del Sarte, [2]
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FRAGMENTS BIOGRAPHIQUES SUR FRANÇOIS DEL SARTE1

I P 1 N )

C'est ainsi que del Sarte, supérieur à sa science même,
nous montrait l'artiste dans la pleine possession de tout ce qui
s'acquiert et le charme intime de ce qui se révèle. Dans l'exé-
cution, il prouvait cette vérité : que, si le talent peut naître de
la science, c'est le génie seul qui constitue les hautes person-
nalités ; de plus, que pour mériter le titre de haute personnalité
artistique il faut recéler en soi une parcelle de ce je ne sais
quoi, impalpable, inénarrable, qui fait l'auréole des grands
fronts et le signe lumineux des grandes œuvres d'art.

Ainsi que lu vertu, l'art a donc s.'s degrés !

Il est, dans son expression la plus simple, la fidèle repré-
sentation de la nature.

Si la conception d'une œuvre ou d'un type s'élève à un
degré de perfection qui satisfasse à la fois le sens plastique, le
sentiment et la raison, nous le nommerons le grand art.

Enfin, si nous sommes en présence d'une création réali-
sant la parfaite harmonie — qui va au-delà de la proportion
parfaite; — si l'œuvre provoque en nous ce sentiment contem-
platif, sorte d'extase qui donne l'impression et comme la
vision de l'idéale beauté, ne reconnaîtrons-nous pas l'art
suprême ?

J'en ai dit assez, je l'espère, de la science créée par del
Sarte, pour mettre sur la voie les intelligences aptes au sujet
et douées d'assez de pénétration pour se l'assimiler; mais, il
ne faut pas se le dissimuler, alors même que l'ensemble du
travail serait recueilli, cette science attendra encore son exa-
men, son contrôle, ses compléments ; car une science à son
aurore est pour ainsi dire un programme livré à l'étude des
générations présente et futures. Del Sarte travaillait encore à
la sienne pendant ses dernières années ; chaque jour il abor-
dait des aperçus nouveaux; il ajoutait des embranchements,
des accessoires. Toutefois, les critiques de détail qui survien-
dront plus tard — alors même qu'elles seraient justifiées —
n'enlèveront pas à del Sarte le mérite de sa création scienti-
fique. Au génie d'inventer, aux savants de poursuivre les
découvertes; si le génie découvre seul, la science se fait à
plusieurs.

De la méthode. — Il me reste à parler de la méthode pro-
prement dite du maître, de ses préceptes ou maximes, de ses
opinions, de ses jugements touchant l'art. Ici encore une
stricte concision m'est imposée.

Del Sarte considérait l'art comme le bien le plus sûr, le
plus constant, le plus pur de la vie ; il le regardait comme
essentiellement moralisateur, à la condition qu'il s'élevât assez
haut.

11 disait : « Il ne faut pas préoccuper l'auditoire de sa
personnalité ; il n'y a pas de chant vrai, simple et expressif,
sans abnégation.

« Le prélude, la ritournelle, sont l'expression animique du
chant; nous devons profiter de cet exorde pour orienter, pour
prédisposer les auditeurs, leur faire pressentir, par l'expression
de notre physionomie, la pensée et la parole qui vont suivre.

« L'esthétique détermine les formes immanentes du senti-
ment en vue des effets; elle apprécie la justesse des rapports.

« La séméïotique étudie les formes organiques en vue du
sentiment qui les produit...

« Persuadez-vous que, dans votre auditoire, se trouvent des
sourds et des aveugles qu'il faut également émouvoir, inté-
resser, persuader ! Il faut que vos inflexions deviennent une

I. Voir l'Art, 7« année, tome IV, page iq6.

mimique pour l'aveugle et que votre mimique remplace
les inflexions pour le sourd.

« L'accent est la modulation de l'âme; l'artiste qui n'aime
pas est par cela même stérilisé; si vous voulez émouvoir, mettez
votre cœur à la place de votre larynx.

« Rien n'est plus déplorable qu'un geste qui n'a pas sa
raison d'être.

« Nous sommes en droit de demander à une œuvre d'art,
par quels côtés elle prétend nous émouvoir, par quels moyens
elle compte nous intéresser et nous convaincre.

« Le beau purifie les sens; le vrai illumine la pensée; le'
bien sanctifie l'âme.

o Plus l'esprit s'élève, plus la parole se simplifie. (Ainsi de
l'art.)

« La science et l'art forment deux moyens d'assimilation;
par la science, l'homme s'assimile le monde; par l'art, il s'assi-
mile au monde; si la science perpétue les choses en nous, l'art
nous perpétue dans les choses et nous v fait survivre... »

Pour l'art lyrique, surtout, del Sarte avait des théories
toutes personnelles. Le chant n'était pas seulement pour lui
un moyen de mettre en valeur la voix et la personne du chan-
teur : c'était une langue supérieure, chargée de rendre, avec
son charme spécial, tout ce que la littérature et la poésie ont
crée de plus grand, tout ce que l'être humain peut ressentir de
sentiments doux, tendres, cruels...

Ce maître avait aussi ses vues propres sur tous les acces-
soires ou movens pratiques qui doivent concourir à l'exé-
cution parfaite. La respiration, l'attaque du son, la vibration,
le déchirement, la préparation de la consonne initiale, l'appog-
giature, avaient été pour lui l'objet de sérieuses études.

Sa manière de phraser ne s'éloignait jamais de cette pro-
sodie de notre langue française, qui en est le génie même en
ce qui concerne la diction.

Avec quel art il usait de l'inflexion'. Il avait des nuances
innombrables pour caractériser, avec les mêmes mots, les
divers degrés de l'émotion et du sentiment, les signes les plus
fugitifs de leur diversité.

Je regrette de ne pouvoir insister sur la théorie des degrés
qui est l'un des points les plus élaborés et les plus nouveaux
de la méthode du maître. Pour la rendre plus compréhensible,
il avait composé une grammaire à l'usage de ses élèves. Ce
travail n'a nul rapport à l'orthographe et à la lexicologie ; il traite
de l'essence même du langage en ce qui concerne les parties
constitutives du discours. C'était d'après l'importance de cha-
cune de ces parties que del Sarte déterminait la quantité de
degrés, c'est-à-dire la tenue qu'on devait accorder à un mot
dans telle ou telle phrase donnée. A défaut des définitions
techniques adoptées par le maître et que l'espace ne me per-
met pas de transcrire, je citerai un exemple qui pourra au
moins donner l'idée de cette conception.

Il faut noter d'abord que ces degrés se chiffrent de un a
neuf; et que, de toutes les valeurs grammaticales définies, l'ad-
verbe, la conjonction, l'interjection, sont les plus haut classes.

Del Sarte fit un jour au Cercle des Sociétés savantes, dans
une conférence, l'expérience que je vais raconter.

« Quel est, demanda-t-il, interrogeant l'auditoire, le mot
qui exige le plus d'intention dans ces vers :

« L'onde approche, se brise et vomit à nos yeux,
« Parmi des Ilots d'écume, un monstre furieux! »
 
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