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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 4)

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Heulhard, Arthur: Art dramatique, [1]
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ART DRAMATIQUE

Porte-Saint-Martin : la Biche au bois. — Odéon : Un Rival
pou?' rira ; Voyage de noces. — Gymnase : On demande un
gouverneur ; Brut us, lâche César ! — Nouveautés : la Vente
de Tata.

i j'étais astreint à une comptabilité rigoureuse,
je n'aurais pas moins de vingt actes anciens et
nouveaux à vous compter. Vous me permettrez
bien de faire un choix et de tout ramener à syn-
thèse.

Voici d'abord la Biche au bois. La direction de la Porte-
Saint-Martin a confié le rajeunissement de cette vieille féerie
des frères Cogniard à MM. Blum et Toché, deux acteurs
qui ont la main légère, et très propre à accommoder les
choses. La féerie n'a qu'un faible lien avec les belles-lettres :
c'est une détente pour l'esprit et un régal pour les yeux. Cela
rapproche de nous nos joies d'enfance : on croit ouvrir un
Perrault grand in-folio, avec des planches luxuriantes de
Gustave Doré. Gautier adorait la féerie avec une sorte
d'égoïsme d'écrivain décorateur : il a laissé, sur le genre, des
pages ruisselantes d'une fantaisie tout orientale. En vain des
critiques moroses chargent leur plume jusqu'à la gueule pour
fusiller à bout portant les Pilules du diable, le Pied de mouton
et ladite Biche au bois, le public, en dépit de ces saintes
colères, se rue à ce spectacle comme à des courses de tau-
reaux, et bien fort sera qui l'en empêchera. Je n'ai pas besoin
de dire que la prose de la Biche au bois n'a d'autre but que de
commander la manoeuvre au machiniste : les trois règnes de la
nature, avec tous leurs dérivés, traversent la scène en triomphe.
Vous y verrez, dans un ordre inconnu du créateur lui-même,
des forêts de sycomores et des marches de haricots vivants
défilant sur des accompagnements de bassons, des torrents
couronnés de pins et des apothéoses de sirènes à induire en
tentation la personne du bienheureux Labre, des royaumes de
poissons d'une couleur vertigineuse et des régiments de cre-
vettes follement diaphanes, des Vénus blanches comme l'ivoire
ou noires comme le jais, des amazones de ballet aux harnois
aveuglants, le pays des Sonnettes convoqué jusqu'à l'arrière-
ban (souvenir de l'Isle sonnante du bon Rabelaisl, la gent
indomptable et pourtant domptée des lions du désert ; vous
y verrez enfin tout ce que comporte une bonne et brave féerie,
bâtie à chaux et à sable, avec les mille agréments qu'y adapte
le génie des peintres, des dessinateurs et des costumiers. Vous
y entendrez, et c'est par là que se manifeste la collaboration
de MM. Blum et Toché, quantité d'airs à la mode, arrangés
sur des vers faciles, jusqu'aux scies des cafés-concerts, à
commencer par la fameuse, l'inénarrable, la sans rivale :

Titinc file à Bruxelles,
Tant mieux pour elle.

C'est Gobin qui chante cette glorieuse insanité, et tout
annonce qu'il la chantera trois cents fois de suite devant un
auditoire en délire. Le sympathique Alexandre lui fait cortège
avec de jolies femmes, Van Ghell, Donvé, Gélabert entre
autres. La Biche au bois ne quittera pas l'affiche de l'hiver, et
les prudhommes enrageront.

M. de la Rounat ouvre à deux battants les portes de
l'Odéon et livre passage aux jeunes, que dis-je? aux inconnus.
On ne lui reprochera pas de viser aux succès d'argent comme
son prédécesseur et de laisser en souffrance les intérêts de la
génération actuelle. M. de la Rounat n'exécute pas seulement

à la lettre les termes de son cahier des charges, il en applique
libéralement l'esprit, c'est un hommage que nous lui rendons
avec la critique tout entière. L'événement ne justifie pas
toujours ses choix, mais on ne saurait lui en faire un crime,
le hasard ayant une part tyrannique dans les destinées du
théâtre. Le petit acte en prose qui précède en ce moment la
pièce de résistance a pour titre : Un Rival pour rire. 11 est
signé de M. Grenat-Vancouet, auteur de plusieurs monologues.
C'est, à proprement parler, une berquinade d'un ton timide
mais non déplaisant. On a pris plaisir à la scène de l'employé
qui ne paraît à son bureau que pour y fabriquer des charades
au nom de son chef. Au théâtre, une silhouette d'employé, lors-
qu'elle se détache bien, fait toujours rire. Henry Monnier
connaissait à fond ce monde des ministères et des grandes
administrations! Un Rival pour rire est joué à ravir par
Amaury, Brémont et MUo Raphaële Sizos. Il nous prépare
sans ennui au Voyage de noces, drame en quatre actes de
M. Louis Tiercelin, jeune homme dont le nom brille en tête
d'un volume de poésies édité par Lemerre. Avant de formuler
mes réserves sur le fond même du Voyage de noces, je veux
vous mettre au fait de la pièce. Un peintre, Jean Desnovers, a
pour maîtresse Stefana, une Napolitaine qui lui sert de modèle ;
après six ans de ménage, il en a une petite fille. Sur ces entre-
faites, il est rappelé au chevet de sa mère mourante qui, bon
gré mal gré, le fiance à une jeune personne qui répond au
doux nom d'Hélène. Moitié par respect pour la volonté mater-
nelle, moitié par un subit élan de convoitise, Jean se laisse
marier, et abandonne Stefana sans autre forme de procès. Les
époux vont fêter leur lune de miel en Italie. En route, Hélène,
subjuguée par la beauté d'un site charmant, propose à Jean,
qui accepte, de ne pas pousser plus loin et de s'arrêter là.
Vous devinez sans peine ce qui va se passer. Hélène rencontre
Stefana et sa jolie fillette, se fait conter l'aventure du peintre
et de son modèle, et finit par s'intéresser à une infortune tant
imméritée. Les circonstances mettent en présence Hélène,
Jean, Stefana et l'enfant. Devant la femme légitime de son
ancien amant, Stefana se tait, l'enfant tendant les bras vers
Jean crie : Papa ! » puis, se ravisant sur le conseil de sa mère,
dit simplement : « Embrassez-moi, monsieur. » A ce mot Jean
éclate : « Appelle-moi ton père », s'écrie-t-il.

Son père!... Son amant 1 Voilà la vérité
J'étouffais à la fin sous tant de lâcheté!

Le troisième acte se termine sur cet aveu, et, au quatrième,
Stefana, sacrifiant héroïquement sa vie au bonheur d'Hélène,
confie sa fille à Jean et se tue. Maintenant, si je vous demande :
« La main sur votre conscience, et les responsabilités pesées,
que pensez-vous de ce peintre qui, après avoir vécu six ans
avec une fille sans tache (elle nous est représentée ainsi),
l'abandonne misérable et méprisée avec un enfant sur les
bras? » Je connais d'avance votre réponse : « C'est un immonde
personnage et nous regrettons qu'aucune pénalité ne puisse
l'atteindre. » Ceci posé, quelle sympathie voulez-vous qu'on
ait, au théâtre, pour le héros de M. Tiercelin? On a de lui, à
la scène, la même opinion qu'on en aurait dans la vie privée.
La conduite délicate et courageuse de Stefana dans toute cette
action ne fait qu'accroître notre rancune contre le mauvais
père et le mauvais homme qu'elle ne cesse d'aimer. On sou-
haiterait qu'il fût au moins mal marié en punition de sa faute,
et il se trouve au contraire qu'il a pour femme une créature
douce et sensible dont il est absolument indigne. La mort de
Stefana dénoue la pièce matériellement, mais les questions
 
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