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Chesneau, Ernest: L' art et l'électricité, [1]
DOI Seite / Zitierlink: https://doi.org/10.11588/diglit.18880#0195
Frise composée et gravée par P. A. Ducerceau.
L'ART ET L'ÉLECTRICITÉ
E semble-t-il pas au premier abord qu'il n'y ait ni conciliation ni
môme de rapprochement possible entre les deux ordres d'idées et de
faits que représentent ces mots Y art et X électricité? Que peut-il, en
effet, se rencontrer de commun entre le monde de l'imagination et
du rêve, entre tous les concepts de beauté créés par ce qu'il y a de
plus immatériel dans l'homme, entre les félicités purement intellec-
tuelles dont l'art est le sujet en même temps que l'objet, et cette
force extraordinaire, à peine connue, si mal réglée encore, excessive
et démesurée, mais qui a pour objet précisément de substituer Faction
mécanique à la libre action de l'individu : l'une inflexible, infaillible,
uniforme ; l'autre variée à l'infini par la variété du génie humain,
qui se renouvelle incessamment à travers les siècles, inégale et faillible sans doute, mais si
attrayante par son inégalité même et si touchante jusqu'en ses erreurs ?
Cependant, fermement convaincu qu'il ne saurait se produire dans notre civilisation un
phénomène nouveau qui n'apporte au peintre, au statuaire, à l'architecte, au graveur même —
au moins dans le matériel de leur art — de nouveaux éléments d'observation et d'action, nous
avons étudié à ce point de vue l'Exposition d'électricité ouverte en ce moment au palais des
Champs-Élysées.
Le problème de l'éclairage des peintures par la lumière électrique est-il résolu ? Dans le
concours des nombreux systèmes mis en présence, la question était de celles qui sollicitaient le
plus vivement notre curiosité. — Eh bien, il faut répondre nettement : Non, le problème de
l'éclairage des peintures par la lumière électrique n'est pas encore résolu. Sans entrer dans le
détail scientifique des procédés employés, nous devons dire pourtant que ces procédés peuvent
être classés en deux groupes distincts. La lumière électrique peut être obtenue : ]° Au moyen de
Yarc voltaïque; 2° Par incandescence.
Quelles que soient la variété, la valeur et la supériorité relative des combinaisons par
lesquelles on règle l'arc voltaïque, nous donnerons une idée suffisante du genre de lumière
qu'elles procurent en prenant pour type la lampe Jablochkoff, que les expériences de l'avenue de
l'Opéra ont rendue familière à chacun. C'est une lumière brutale, froide, où abondent les
rayons violets. Klle décompose sensiblement les rayons jaunes et dénature d'une façon absolue
l'aspect des tableaux, en particulier des paysages où domine la couleur verte. — Ajoutons en
outre que, dans les différentes installations tentées au Palais de l'Industrie pour éclairer des
galeries de tableaux, on n'a tenu aucun compte de l'éblouissement causé par le foyer lumineux.
Ou il faut absolument le dissimuler par un écran opaque qui servirait en même temps de
réflecteur ■— et rien ne serait plus facile à disposer, une simple bande d'étoffe, courant à une
certaine hauteur autour de la galerie, y suffirait; — ou bien il faudrait que les lampes fussent
accrochées à une très grande élévation au-dessus des tableaux, ce qui n'est praticable que par
exception, étant donnée la dimension moyenne des salons. Peut-être encore serait-il possible de
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L'ART ET L'ÉLECTRICITÉ
E semble-t-il pas au premier abord qu'il n'y ait ni conciliation ni
môme de rapprochement possible entre les deux ordres d'idées et de
faits que représentent ces mots Y art et X électricité? Que peut-il, en
effet, se rencontrer de commun entre le monde de l'imagination et
du rêve, entre tous les concepts de beauté créés par ce qu'il y a de
plus immatériel dans l'homme, entre les félicités purement intellec-
tuelles dont l'art est le sujet en même temps que l'objet, et cette
force extraordinaire, à peine connue, si mal réglée encore, excessive
et démesurée, mais qui a pour objet précisément de substituer Faction
mécanique à la libre action de l'individu : l'une inflexible, infaillible,
uniforme ; l'autre variée à l'infini par la variété du génie humain,
qui se renouvelle incessamment à travers les siècles, inégale et faillible sans doute, mais si
attrayante par son inégalité même et si touchante jusqu'en ses erreurs ?
Cependant, fermement convaincu qu'il ne saurait se produire dans notre civilisation un
phénomène nouveau qui n'apporte au peintre, au statuaire, à l'architecte, au graveur même —
au moins dans le matériel de leur art — de nouveaux éléments d'observation et d'action, nous
avons étudié à ce point de vue l'Exposition d'électricité ouverte en ce moment au palais des
Champs-Élysées.
Le problème de l'éclairage des peintures par la lumière électrique est-il résolu ? Dans le
concours des nombreux systèmes mis en présence, la question était de celles qui sollicitaient le
plus vivement notre curiosité. — Eh bien, il faut répondre nettement : Non, le problème de
l'éclairage des peintures par la lumière électrique n'est pas encore résolu. Sans entrer dans le
détail scientifique des procédés employés, nous devons dire pourtant que ces procédés peuvent
être classés en deux groupes distincts. La lumière électrique peut être obtenue : ]° Au moyen de
Yarc voltaïque; 2° Par incandescence.
Quelles que soient la variété, la valeur et la supériorité relative des combinaisons par
lesquelles on règle l'arc voltaïque, nous donnerons une idée suffisante du genre de lumière
qu'elles procurent en prenant pour type la lampe Jablochkoff, que les expériences de l'avenue de
l'Opéra ont rendue familière à chacun. C'est une lumière brutale, froide, où abondent les
rayons violets. Klle décompose sensiblement les rayons jaunes et dénature d'une façon absolue
l'aspect des tableaux, en particulier des paysages où domine la couleur verte. — Ajoutons en
outre que, dans les différentes installations tentées au Palais de l'Industrie pour éclairer des
galeries de tableaux, on n'a tenu aucun compte de l'éblouissement causé par le foyer lumineux.
Ou il faut absolument le dissimuler par un écran opaque qui servirait en même temps de
réflecteur ■— et rien ne serait plus facile à disposer, une simple bande d'étoffe, courant à une
certaine hauteur autour de la galerie, y suffirait; — ou bien il faudrait que les lampes fussent
accrochées à une très grande élévation au-dessus des tableaux, ce qui n'est praticable que par
exception, étant donnée la dimension moyenne des salons. Peut-être encore serait-il possible de
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