L' art: revue hebdomadaire illustrée (7.1881 (Teil 4))

Frise composée et dessinée par P. P. Choffahd.

NOËL LE MIRE

( 1724-1801)

1

Vers le milieu du xvinc siècle, il y avait à Paris
deux ateliers de graveurs assidûment suivis entre tous
par les élèves et qui justifièrent d'ailleurs par les
succès de ces derniers la vogue dont ils jouissaient.
Ces ateliers ne ressemblaient en rien à ceux que
tiennent les artistes de nos jours. Aujourd'hui les
graveurs, comme les peintres et les sculpteurs, ne
reçoivent que des externes, tandis qu'il y a cent qua-
rante ans environ l'atelier était presque un pensionnat
et se composait surtout de jeunes gens logés, couchés,
nourris et instruits dans la maison sous les yeux du
professeur et de sa femme. On y cultivait complète-
ment la vie de famille. Les externes étaient la mino-
rité. Quand le travail avait bien marché, quand arrivait
la belle saison, le maître proposait une partie de cam-
pagne qui était acceptée avec enthousiasme. Alors tout
Noël Le Mire. le monde prenait sa volée et partait en cavalcade aux

environs de Paris ; la maîtresse de la maison accom-
pagnait son mari et ses pensionnaires; elle s'asseyait et lisait1, tandis que maître et élèves
croquaient les sites pittoresques qu'ils rencontraient sur leur route. 11 ne faut pas demander si
cette jeunesse ainsi en liberté avait des accès de gaieté et de folie. On s'en donnait à cœur joie,
et le soir tout ce monde rentrait heureux eje sa journée. Avant de se coucher, Wille ne manquait
pas de consigner naïvement et bonnement sur son journal les petits incidents de ces excursions.

1. Nous possédions un dessin de .1. G. Wille dans lequel il a représenté sa femme assise et lisant au milieu de ruines. Une note
autographe du graveur indique que ce dessin a été fait dans une excursion de l'atelier et que c'est sa femme qu'il a dessinée.

Tome XXVII. 37