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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 4)

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Heulhard, Arthur: Art dramatique, [2]
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ART D RAM ATI QJJE

Théâtre des Nations : le Duc de Kandos. — Ambigu :■
l'Assommoir. — Athénée : le Cabinet Piperlin. —
Odéon : les Suites d'un bal masqué ; la Belle Affaire.

Le Duc de Kandos est le titre d'un drame que repré-
sente actuellement le Théâtre des Nations. M. Ballande,
le directeur de cette scène à prétentions internationales,
nous abreuve de poison et de sang avec le calme d'un
procureur. Les pièces qu'il nous donne contiennent la
matière de dix pièces ordinaires, commencent à sept
heures du soir et finissent à deux heures du matin. Il en
coûte la vie à quinze ou vingt hommes de tous pays, et
c'est par là que son théâtre mérite le nom de Théâtre des
Nations. Toutefois, on ne peut pas dire que les nationaux
y soient protégés : depuis la chute du troisième Théâtre-
Français, M. Ballande, désabusé des charmes de la litté-
rature, est devenu cent fois plus sanguinaire qu'un chef
feugien. Il a pour lieutenants des auteurs qui ne deman-
dent également que sacrifices humains, et, au premier rang,
MM. Théodore Harry, Pierre Zaccone et Arthur Arnould.
Le Duc de Kandos est de ce dernier. Dumolard, inspire-
moi ! Tropmann, prête-moi tes accents! Avinain, viens à
mon aide ! Un des vôtres, Louis Clermont, forçat de son
métier, passe les mers et échoue à Buenos-Ayres, loin
des Argus de la haute police. Ce Clermont, qui a du flair
et de l'imagination comme tous les gens de son espèce, ne
tarde pas à remarquer qu'un de ses confrères, nommé
Cuchillo, ressemble à s'y méprendre à un noble exilé
français, le marquis Paul de Kandos. (Ne cherchez pas la
généalogie des Kandos dans d'Hozier ou La Chesnaye
des Bois, elle n'y est pas). Conseiller à Cuchillo de tru-
cider Paul de Kandos n'est pour Clermont qu'une
fadaise, et Cuchillo obéit d'autant plus volontiers qu'il a
pour maîtresse la femme légitime du marquis, la Senora
Maria Antequerra, pour le moment danseuse de corde ;
c'est ainsi qu'on joue avec la dignité de la particule dans
l'antique famille des Kandos. Mais laissons là ces ques-
tions de dérogation. Le coup fait, Cuchillo s'embarque
pour la France, où réside, avec tous ses biens, le duc de
Kandos, père du marquis assassiné. Il n'a pas de peine à
se faire reconnaître par le duc, dont la vue a baissé en
raison directe de l'extinction des facultés. Il en profite
même pour épouser une institutrice, ce qui est d'une
opportunité contestable, et apprend sans pâlir que le
marquis de Kandos qu'il a tué était son propre frère :
Rara concordia fralrum. Que lui importe, après tout ?
Il est marié, et l'administration de ses biens est confiée
au sage et intègre Louis Clermont, rentré dans son ingrate
patrie sous le pseudonyme de Bernard. Nous voyons
ensuite Clermont, trahi par un certain Coco-Tête-de-
Mort, s'enfuir sur les toits où il rencontre son fils; nous
le voyons enfin forcé de s'empoisonner pour éviter le
dernier supplice; nous voyons la danseuse Mariquita
Antequerra précipitée du haut de sa corde, nous voyons...
Quand aurons-nous tout vu ? J'aimerais mieux avoir à
vous expliquer la formation du monde qu'à vous raconter
le dénouement inextricable de cette boucherie. Tout cela,

quoique inénarrable, ne laisse pas d'intéresser le specta-
teur banal. C'est de la clownerie de cour d'assises, de la
fantasmagorie de gibet. M. Arthur Arnould a du métier;
il sait brouiller et démêler les fils de ces intrigues à la fois
barbares et compliquées, il y est à l'aise ; il s'y complaît.
M. Ballande est content, que faut-il de plus ? L'art seul
aurait sujet 'de se plaindre, niais sa voix n'a aucune
chance d'être écoutée par ces suppôts de Ponson du
Terrail et d'Anne Radcliffe.

M. Ballande a recruté une troupe qui n'est ni meil-
leure ni pire qu'une autre; nous ne porterons aucun
jugement de M. Renot qu'une aphonie indurée privait de
tous ses moyens, le soir de la première représentation, ni
de M,lc Automne qui n'a point un rôle à sa taille et à
son goût, mais il nous a paru qu'il y avait en M11<! Des-
corval l'étoffe d'une comédienne excentrique : oiseau rare
au théâtre, en général, et sur nos scènes de genre, en
particulier. J'ignore si son éducation dramatique lui per-
mettrait d'aborder dès maintenant un caractère ou un
type : elle devrait étudier.

M. Chabrillat, en réponse à M. Ballande, a repris l'As-
sommoir, cette pierre de touche du théâtre naturaliste.
L'Assommoir n'avait pas été joué depuis plus d'un an : je
considère cette reprise de l'Ambigu comme décisive pour
l'avenir de cet ouvrage qui souleva, en son temps, de vives
et longues discussions : elle le condamne. Oui, cet Assom-
moir, qui semblait porter dans ses flancs une révolution
littéraire, fait bâiller les adeptes de M. Zola. L'intérêt
d'école qui s'y attachait s'est affaibli; le public, abandonné
à la franchise de ses impressions, s'y ennuie, et les inter-
prètes eux-mêmes, se sentant peu soutenus, ont perdu
le ton de conviction, sinon d'enthousiasme, qui s'impose
par sa sincérité. Sans Mes-Bottes, personnage épisodique
qui ne tient pas au corps du drame, l'Assommoir n'aurait
pas plus de raison d'être aujourd'hui que telle pièce
oubliée de Brisebarre. Sans ce prodigieux Dailly, dont
le rire fait une énorme trouée dans la salle, l'Assommoir
serait impossible ; enlevez Dailly, Zola tombe. Il ne tombe
pas tout entier, puisque le romancier reste et qu'il se suTit
à lui-même, mais le rêve du théâtre naturaliste s'évanouit
en fumée. Il ne convient pas de rallumer les polémiques :
je constate simplement un fait, l'indifférence du public
pour une œuvre qui a passionné la critique. Des débuts
d'artistes nous avaient attiré à l'Assommoir, et particuliè-
rement celui de M. Montigny, qui remplace Gil-Naza dans
Coupeau. Montigny vient de Bruxelles où il était tort
prisé ; il a créé ces dernières années au théâtre du Parc
les principaux rôles de nos comédies modernes avec un
succès marqué. C'est un grand garçon, de brave mine
et bonne prestance, qui a la voix chaude, le jeu net, sans
aucun vice rédhibitoire apparent. Il a plu, moins que son
devancier, il est vrai, mais enfin il a réussi. Certaines
parties du rôle conviennent moins à son tempérament
qu'à celui île Gil-Naza qui avait une bonhomie exquise IlÉS^-'*!^
dans la scène du chantier, avant l'accident de l'échafau-
dage : Montigny n'a pas l'effusion paternelle qu'avait

I

Encadrement composé et dessiné pour « l Art » par John Watkins.
 
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