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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 4)

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Arnaud, Angélique: Fragments biographiques sur François del Sarte, [2]
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2 14

L'ART.

L'absence de toute règle applicable au sujet causa, parmi
les interpellés, la plus complète anarchie. L'un voulait que le
mot à effet fût monstre, comme indiquant un objet de terreur;
— l'autre demanda la préférence pour l'adjectif furieux; — à
tel autre, vomit, par la laideur de ce qu'il exprime, réclamait
la plus expressive accentuation.

Del Sarte dit les vers :

« L'onde approche, se brise, et... vomit à nos yeux...

C'est sur et que s'est concentrée toute la puissance de son
accent; mais c'est en donnant par le geste, la voix, la physio-
nomie, la signification qui manque à cette particule, d'elle-
même incolore. Pendant qu'il le prononce, ce mot. la fixité du
regard, les mains tremblantes, le corps qui rentre en lui et
cherche à reculer, tandis que les pieds semblent rivés à la
terre, tout fait pressentir quelque chose de terrible et d'affreux.
Ce qu'il va raconter, il le voit, il vous le fait sentir. La con-
jonction — aidée de la mimique de l'acteur —• a ouvert à
l'imagination des perspectives infinies; les mots n'auront plus
qu'à préciser le fait et à justifier l'émotion qui s'est accrue
dans l'attente.

Mais cette particule, qui comporte ici huit degrés, est de
beaucoup amoindrie lorsqu'elle remplit la fonction de simple
copulative. La durée du mot, ou de la syllabe, est toujours
subordonnée au sens de la phrase ; dans le dernier cas, il ne
lui est attribué que le chiffre deux.

Quelques années avant sa mort, François del Sarte rem-
plaça les concerts par des conférences où il exposait ses doc-
trines scientifiques et sa philosophie de l'art. Le chant était
suppléé aussi par la récitation de quelques fables choisies de La
Fontaine. Il n'était pas moins parfait dans ce genre que dans
l'interprétation des rôles importants de la tragédie et des grands
poèmes lyriques; mais, il faut bien le reconnaître, sous cette
forme nouvelle son talent ne pouvait se produire dans toute
son expansion. Là, sauf l'action du regard qui donnait aux
leçons de l'apologue une variété d'aperçus auxquels La Fon-
taine lui-même n'avait peut-être jamais songé, et malgré
l'accentuation fine et savante qu'il savait donner à tant de
bêtes spirituelles, l'artiste était en grande partie privé de sa
puissance et de son prestige; comment en effet, doter un lion
des fières attitudes d'Achille... et la folle Cigale, du charme
satanique d'Armide!

Au lieu des poses nobles ou terribles, le geste se bornait à
quelques mouvements de l'avant-bras ou de la main; des
doigts, quand les intentions étaient plus subtiles, plus raffinées.
Cependant, il y avait toujours grand plaisir à l'entendre.
C'était del Sarte restreint, et non pas amoindri. Si l'on ne
retrouvait plus dans sa voix parlée cette sorte d'incantation
dont son timbre légèrement voilé pénétrait l'âme, son accent
était si pur, si intentionnel, qu'on en demeurait ravi.

Lorsque dans la fable des Deux Pigeons, il prononçait :

L'absence est le plus grand des maux.......

Non pas pour vous, cruel !...

il trouvait des nuances, jusqu'alors inconnues, pour peindre le
reproche mêlé à la douleur.
Et quand il disait :

La fourmi... n'est pas prêteuse!

un sens plus affïrmatif, plus saisissant, du caractère attribué
à notre économe, se dégageait de ce silence, rempli par un
mouvement de tête négatif du conteur.

Compositions musicales. — Inventions. — L'esprit de del
Sarte travaillait incessamment; l'étude de l'art, de la science,
de la philosophie à son point de vue religieux, ne suffisait pas
à son activité... A ses loisirs, il s'occupait de compositions
musicales. Les plus importantes sont : une messe qui a été
chantée dans plusieurs églises; le Dies ira:, chant avec accom-
pagnement d'orchestre ; six vocalises remarquables. De plus,
une foule de chansons naïves, romances, chants religieux,
dont il faisait ordinairement les paroles.

On doit à réminent chanteur d'avoir recueilli sous ce
titre : Les Archives du chant, les chefs-d'œuvre lyriques
des xvic, xvne et xvme siècles; des chants du moyen âge, des
hymnes, proses et antiennes de l'Eglise, « disposés conformé-
ment au type consacré par les plus anciennes traditions ».

François del Sarte ne fut pas sans payer son tribut au
génie de l'invention. Ce fut surtout vers la fin de sa vie. Il
avait pris, entre autres, un brevet pour un instrument de pré-
cision applicable aux observations astronomiques, et cela sans
études préalables. Des gens compétents ont reconnu une
grande valeur à cet instrument qui reste enfoui dans les cartons
d'un ministère.

Cependant le novateur, soit pour ce fait, soit pour d'autres
causes, a reçu une médaille de la Société des arts et des
sciences. Des récompenses, des marques honorifiques lui
furent aussi offertes en province et à l'étranger.

Une seule de ses conceptions en mécanique a été réelle-
ment appliquée, celle du guide-accord ; elle lui valut une
médaille d'or à l'exposition de 1.855. Dublin lui décerna le
même hommage. Berlioz écrivait à propos de ce guide-accord
dans son livre A travers chants : « M. del Sarte a rendu aisé-
ment praticable l'accord du piano, surtout, au moyen d'un
instrument qu'il appelle le phonoptique... le résultat de l'opé-
ration est, pour quiconque en veut prendre la peine, une
justesse telle, que l'oreille la plus exercée n'en saurait atteindre
la perfection... l'emploi de ce guide-accord ne saurait tarder à
devenir populaire. »

Les honneurs et la fortune semblaient venir au-devant de
del Sarte alors qu'il s'acheminait vers la mort. L'Amérique lui
offrait d'immenses avantages pour fonder un conservatoire
dans l'une de ses villes ; une rue de Solesmes prenait son nom.
Le roi de Hanovre lui envoyait comme artiste la croix des
Guelfes et, comme ami, sa photographie et celle de sa famille ;
c'est à ce prince, protecteur des arts, que del Sarte écrivait à
propos des Épisodes révélateurs : « Je médite en ce moment
un livre curieux à plus d'un titre, et dont la forme ne sera
pas moins neuve que le fond... Je ne sais quel sort sera réservé
à cette œuvre et si, de mon vivant, je parviendrai à la voir
imprimée... »

Il n'a pas réalisé ce rêve.

Au moment de la guerre de 1870-1871, del Sarte se réfu-
giait à Solesmes. Déjà souffrant, il y vécut triste et accablé des
malheurs de la patrie. Il travailla néanmoins pendant ce séjour,
et développa quelques points de sa méthode, indépendam-
ment des Épisodes plus haut mentionnés. Son intelligence
n'avait rien perdu de sa vigueur, mais son caractère s'était
assombri.

Lorsque François del Sarte rentra dans Paris après son
exil volontaire, il ne tarda pas à succomber à une douloureuse
maladie, regrettant sans doute de ne pas avoir parachevé son
œuvre, mais courageux et résigné.

Angélique Arnaud.
 
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