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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 4)

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Leroi, Paul: L' Exposition de Lille, [2]
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L'ART.

XIV

Puisque j'ai parle de ventes, il n'est pas hors de propos de
signaler que la Commission du Salon de Lille — Salon qui a
été sous presque tous les rapports un complet succès — a
été littéralement écœurée de voir trop d'exposants accepter
avec le plus navrant empressement des rabais de cinquante
pour cent et bien pis encore !

XV

Avant de reprendre mes notes d'où je n'extrairai que ce
qui comporte un intérêt artistique général, il ne faut pas
oublier d'enregistrer le vote unanime de la Société des Sciences
et Arts de Lille, ratifiant le pas de clerc de sa commission à
propos de ses mille francs à décerner en prix « à l'œuvre de
l'Exposition jugée par elle la plus remarquable». Pas forte,
mais pas forte du tout la jugeotte artistique de cette très scien-
tifique Société !

XVI

II y avait à Lille nombre d'oeuvres intéressantes que l'on
avait déjà eu l'occasion d'apprécier ailleurs et sur lesquelles il
n'y a plus lieu de s'arrêter ici.

Il y avait aussi bien des ouvrages nouveaux dignes du
plus attentif examen, par exemple, ces Fleurs grassement
peintes par un jeune artiste belge, M. Frédéric Tschaggeny
qui devrait toujours peindre de ce pinceau-là ; il y en avait
d'autres, nouveaux également, qui confirmaient avec une trop
lamentable éloquence les sévères jugements portés sur des
œuvres antérieures, le Portrait de M. Van Imscoot, pour ne
citer que celui-là, un portrait où M. Comerre nous montre à
l'affût pour le restant de ses jours, un chasseur diligent bien
qu'à la figure d'ivoire; en revanche, il y a beau temps que ses
mains n'ont connu l'usage du savon. Un chien phénoménal

— qui ne me pardonnerait pas de l'oublier — complète
ce magistral ensemble.

XVII

Mais progrès et défaillances me paraissent, à l'heure où
les portes du Palais Rameau se sont refermées, devoir céder
la place aux artistes plus en vue et de plus ancienne notoriété,
dont il y a lieu de s'occuper spécialement au point de vue de
l'avenir de l'école.

Jamais M. Jules Breton, dont les deux meilleurs tableaux

— ils ne datent pas d'hier — se voient au Musée de Lille et
au Musée du Luxembourg, jamais M. Jules Breton, que
Millet a hanté, n'a démontré aussi clairement combien le
poète qu'il y a en lui l'emporte considérablement sur le
peintre. Il n'avait à Lille que sa carte de visite, me direz-vous,
et je vous répondrai que cette carte n'était qu'une simple
pochade, mais de ces pochades où les maîtres mettent la griffe
du lion. Rien, absolument rien de pareil dans le Portrait de
Mmc A. G. Vous y chercheriez en vain un de ces accents
qui vous empoignent, ainsi que c'est le cas même pour ces
œuvres dernières de Franz Hais, où le pinceau tremblait
aux mains octogénaires de ce praticien de génie. C'est que
Franz Hais ne songeait qu'à sa peinture, et que M. Breton
n'y songe guère. Le mérite du peintre ! le cœur du très

excellent mari, le poète fasciné a mis tout cela à néant
■— en tout bien tout honneur — pour ne s'occuper que de son
modèle. Il en est résulté un semblant de portrait — terreux,
sans esprit ni caractère, — brossé par une main que la pensée
absorbée ailleurs n'a pas guidée un seul instant. Vous qui
connaissez le modèle, vous m'objecterez qu'il n'a pas vingt ans.
Le beau secret ! Il s'agit d'une femme qui a été fort belle, qui
est demeurée très élégante d'allures, qui sera toujours char-
mante, quel que soit son âge, et qui vous crie par-dessus les
toits qu'elle est grand'mère et plus d'une fois grand'mère.
M. Breton, avec son double regard de poète et d'artiste, sait,
il est vrai, que ces grand'mères-là sont des plus capiteuses,
qu'elles ont le feu, qu'il ne couve pas sous la cendre, que la
flamme en jaillit à chaque instant et vous embrase, quoique
vous en ayez, et avec cela tant d'esprit qu'on a celui de se
taire, et qu'il n'y a pas moven de se risquer à répondre à qui
ne vous interroge pas, fût-ce un madrigal galamment risqué
tel que celui du marquis de Saint-Aulaire à la duchesse du
Maine :

La divinité qui s'amuse

A me demander mon seeret,
Si j'étais Apollon, ne serait pas ma Muse,
Elle serait Thétis et le jour Unirait.

Je me réjouis de ce portrait manqué sur la toile; le poète
l'a mieux gravé ailleurs, et il en résultera — si ce n'est chose
déjà faite — de beaux vers qui seront la joie des lettrés sans
être un déplaisir pour leur inspiratrice. Je suis de ceux qui
ont la conviction que la postérité tiendra en plus grand hon-
neur le poète que le peintre. Après Millet, ce géant, il n'y a
pas place pour sa statuette.

XVIII

Avec M. Carolus Duran, on est, malgré les innombrables
talents de société qu'on lui accorde, on est avant tout en pré-
sence d'un tempérament de peintre. Rendons-en grâce aux
dieux, tout en maudissant un peu l'artiste qui, rrerveilleusé-
ment doué, semble se complaire à gaspiller ces dons admi-
rables en les compromettant chaque jour davantage. Avec ce
diable d'homme on est toujours tenté de se fâcher, ainsi qu'il
le mérite, mais, c'est l'éternelle histoire de tous les enfants
gâtés, on se retient, malgré soi, au moment même où Ton se
sent le plus légitimement en colère. A Lille, sa ville natale,
on était, moins que partout ailleurs, tenté de lui ménager la
vérité tant est grand le fétichisme qu'on lui témoigne, mais, en
s'apercevant à quel degré ce fétichisme était, en bien des cas,
de commande, le souvenir du magistral Portrait de M"" la
comtesse Vandal1, du portrait qui fera vivre le nom de M. Ca-
rolus Duran, ramenait à l'indulgence et à l'espoir de voir
l'enfant prodigue renoncer de nouveau à ses égarements, se
mettre une fois encore sérieusement à l'étude et nous donner
quelque magnifique pendant à son œuvre maîtresse, la seule
qui soit, sans réserves, absolument digne de lui.

Pour moi, j'ai préféré laisser ses concitoyens ■— on a
l'esprit mordant à Lille — le « bêcher » en catimini, le traiter
de père barbare et rappeler le sacrifice d'Abraham en montrant
de quelles jambes et de quelles mains il a affublé sa fille
Marie-Anne, faire des gorges chaudes à propos de l'étrange
entourage de pluche bleue dont il avait orné le cadre de son
Futur doge, ■— cela n'empêchait pas, non plus qu'à Paris, de
voir que le corps du bambin est trop court, — de tenir enfin
le buste en bronze de sa femme pour très inférieur à la sculp-
ture de M. Gustave Doré. J'ai mieux aimé, après m'être long-
temps arrêté à la pochade qu'il a intitulée : « Portrait de ma
mère », et qui pour n'être qu'une pochade très avancée n'en

i. Voir l'Art, 5« année, tome IV, page 3t2
 
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