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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 14.1888 (Teil 2)

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Chennevières, Henry de: Liotard
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https://doi.org/10.11588/diglit.25873#0276

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226

L’ART.

besoin d’intrigue et de tapage si fort ancré au cœur de tout Génevois. Mais Liotard est encore
celui des cinq à valoir le plus en bonhomie, car c'est par amour de l’art s'il étala, importa et
exporta d’une manière aussi gaillarde ses talents de maître peintre. Au reste, il avait un peu
droit, lui, de s'en faire accroire sur son compte, car, au mérite de Latour près, il put se vanter
d’être le premier portraitiste de sa jolie époque. Tout d’ailleurs étonnait dans cette existence,
même ses succès de cour, surtout ses succès de cour ! Comment, au milieu des mensonges
fardés des Nattier et des Drouais, un homme au pastel et à la gouache implacables, eut-il
raison des minaudières et des petits-maîtres et les força-t-il par le courant de la mode de venir
affronter des pinceaux intraitables et des crayons incapables de la plus légère complaisance,
des crayons décidés à faire laid pour faire vrai? Tel fut pourtant le jeu d’adresse de Liotard,
celui par où sa belle renommée a le plus gagné, car ni sa barbe de faux musulman, ni ses

équipées à travers le monde n’auraient beaucoup servi son souvenir, si le Louvre n'avait eu

occasion, l’une de ces années dernières, d’acquérir trente délicieuses sanguines d’un des albums
de voyage du piquant Génevois. Alors il s’est fait, en présence de ces figurines presque dignes
de Watteau, un travail très rapide de révélation dans le petit monde des amateurs, puis la

surprise a gagné le public, et il est temps de rajeunir, pour une heure, le nom de Liotard
et de rappeler les menus faits et dates de son histoire vagabonde.

Jean-Etienne Liotard naquit en 1702. Son père, boutiquier de Genève, rêva pour l’enfant
les douceurs du commerce, mais, sur un essai malheureux, on laissa le jeune homme libre de
son choix de vie. Ses études de miniature et d’émail chez un arrière-continuateur de Petitot le
mirent vite en état de profiter des conseils d’un vrai maître et, l’année 1725, il se rendait à
Paris pour apprendre sous Massé. L’air du moment et le genre de l’atelier le développèrent tout
de suite, car il s’attaqua aux portraits en petit avec une finesse pénétrante et surtout une

chaleur de vie presque inattendue d’un élève du tranquille et froid Massé. 11 faut même croire
au sérieux de ces premières productions si l’on tient à une anecdote flatteuse. François Lemoyne
se serait prêté à plusieurs séances de pose devant le portraitiste aux débuts et se serait déclaré
fort satisfait de sa ressemblance, heureux d’emporter sa miniature pour la joindre aux autres de
son cabinet de collectionneur.

Cependant l’apprentissage avait eu des jours indécis, témoin l’estampe du Chat malade,
exécutée d’après Watteau par le jeune artiste à une heure d’hésitation. Il était presque naturel
à Liotard, du reste, de se sentir un moment attiré vers la gravure, avec les exemples de Massé
sous les yeux et surtout avec le compagnonnage continuel d’un sien frère jumeau, Jean-Michel
Liotard, l’un des disciples de Benoît Audran et l’aquafortiste délicat des plus coquettes scènes
de Watteau. Un matin, pourtant, Étienne Liotard se reconnut peintre portraitiste et il choisit le
pastel, la miniature et l’émail comme ses moyens les plus habituels d’expression. Il en était là
de ses études et des à-coups ordinaires du début, au moment où le marquis de Puysieux, le
nouvel ambassadeur de France à Naples, en partance pour sa mission, lui offrait une place dans
sa suite. Voir l'Italie en pareil équipage, c’était presque d’un grand seigneur! Sitôt sur le joli
golfe, le voilà chargé de commandes par l’entremise de son protecteur, mais Rome l’attire à ne
savoir pas résister. Aussi s’échappe-t-il vers la cour du pape dès 1736, sans trop s’inquiéter de
l’accueil fait aux beaux fils calvinistes comme lui. Fe pape et nombre de cardinaux en tête le
rassurèrent tout de suite à fond sur l’article tolérance, en lui demandant leur portrait. C’était
la bonne manière de confondre l’hérétique. Beaucoup de noblesse suivirent 1 exemple venu d en
haut et Fiotard se vit en passe de plein succès. Pourtant ses inconstances d’humeur et la tenta-
tion d’un nouveau voyage au loin lui firent abandonner tout à coup cette vogue inattendue.
Un jour, comme il entrait au café de la place d’Espagne, le hasard l’attabla auprès de seigneurs
anglais, en causerie animée sur un sujet d'art. On parlait d'une très belle miniature faite d’après
la Vénus de Médicis, miniature finie avec une perfection invraisemblable par un certain signor
Fiotard. Vous pensez si notre homme lève le nez à ce mot. Eux, de reprendre en détail les
délicatesses du petit chef-d'œuvre avec un enthousiasme des plus chauds. Fui, piqué de 1 envie
de se nommer, se mêle un instant à la conversation pour bien s'assurer de leur langue, puis se
 
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