L' art décoratif: revue de lárt ancien et de la vie artistique moderne (2,2.1900)

L'ART DÉCORATIF

nement se détache sur le stuc blanc; ornement
qui n'est pas emprunté directement aux anti-
quités Scandinaves, mais empreint au plus haut
degré de leur esprit.
M. Bindesboell, architecte de cette division, est
l'artiste le plus fécond du Danemark moderne.
Céramiques, menuiseries, cuivreries, orfèvreries,
reliures, son nom s'y retrouve partout. Ses pro-
ductions témoignent d'une puissance et d'une
variété d'imigination extraordinaires. N'essayez
pas d'y reconnaître — comme c'est le cas de
presque tous les artistes — une formule autour
de laquelle l'oeuvre entière pivote. M. Bindes-
boell n'en a pas; chaque dessin de lui est une
invention indépendante des autres. Il ne se
répète jamais ; il est un exemple à peu près


T. BfNDESBOELL GRANDS'PLATS EN GRÈS FLAMMÉ

unique d'extrême variété dans l'unité dépensée;
et d'autant plus remarquable, que ses inven-
tions n'ont pour la plupart d'autre point de
départ que sa fantaisie : les arrangements tirés
de la nature même indirectement y sont rares.
Il faut citer particulièrement parmi les ouvrages
de M. Bindesboell exposés à l'Esplanade des Inva-
lides, et de chaque série desquels nous repro-
duisons quelques unités: les belles pièces d'or-
fèvrerie — principalement des bols et des
gobelets — excellemment exécutées par M. A.
Michelsen, joaillier de la Cour; la série de grands
plats en grès Ranimés, appartenant au Musée des
Arts industriels de Copenhague, où les vigou-
reuses tramées noires se détachent superbement
sur l'éclat sombre du fond; les reliures exposées
dans les vitrines de la Société danoise du livre,
qui sont des œuvres magistrales en cet art. Le
tempérament artistique de M. Bindesboell est
tout en force ; la grâce, a fortiori la mignardise
ne sont pas son fait; son art est un art mâle,
plutôt un peu rude qu'austère, pourtant infini-
ment délicat dans sa rudesse. Un tempérament
dans toute la force du terme. Je voudrais écrire:
un artiste à poigne.
Un certain nombre des reliures de M. Bin-
desboell sont exécutées par M. Anker Kyster,
habile dessinateur lui-même ; nous reproduisons
aussi quelques-uns de ses travaux, ainsi que
de ceux de M. Jerndorff. Du reste, à juger par
les virtrincs de la Société du livre de Copen-
hague, cette capitale abonde en relieurs artistes
plus qu'aucune autre; la collection exposée est
sans contredit une des plus belles qu'on aie
vue jusqu'à ce jour.
La Manufacture royale de porcelaines de
Copenhague tient une place importante dans
la section danoise aux Invalides. Le seul tort
des objets charmants rangés en grand nombre
dans son salon est d'être universellement connus.
Mais faut-il s'en plaindre? Le mieux est l'ennemi
du bien. Si les pâles harmonies de bleu et
de vert virant au gris de la Manufacture royale
sont toujours les mêmes, disons-nous qu'on n'en
trouverait pas facilement d'autres qui vaillent
celles-ci. Pour changer tous les ans, l'art n'a
pas les ressources de la mode, et la mode elle-
même perd à ce jeu plus souvent qu'elle ne
gagne.

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