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L' art décoratif: revue de lárt ancien et de la vie artistique moderne — 4,1.1901/​1902

DOI Heft:
No.38 (Novembre 1901)
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Thomas, Albert: Vallgren
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https://doi.org/10.11588/diglit.34268#0068

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L'ART DECORATIF

H a connu, en Finlande, les printemps brusques
et splendides. Il a vu, du jour au lendemain, la
terre se parer et sourire, les feuilles trembler
dans l'air bleu, de Unes vapeurs errer sur les
lacs, des oiseaux agencer leurs nids, les fleurs
épanouir leur vie charmante. Oh ! ces fleurs
toutes d'exquise inconscience et de naïf orgueil !
L'artiste s'est penché sur elles avec tendresse,
avec angoisse aussi. Il a pressenti leur prompte
décrépitude, il lésa plaintes d'être éphémères.Il
les a symbolisées par des femmes, longues et
flexibles, pleines de grâce juvénile, mais averties
de leur sort, pleurant leur brève destinée. H a
créé ce monde exquis de hiles-fleurs, qui
semblent porter dans leurs yeux, sur leurs fris-
sonnantes épaules, les fatalités d'une nature
marâtre, aux inexplicables colères. 11 a donné
des nymphes pathétiques à la douleur.
Est-ce à dire que M.Vallgren soit d'âme
tourmentée ou de corps souffrant? On aurait
tort de se le figurer tel. De taille moyenne, le
torse musclé, les bras solides, il atteint aujour-
d'hui sa puissante maturité. Son visage plein,

frais, coloré dans l'encadrement des cheveux
blonds et de la barbe en pointe, ses yeux clairs,
sa bouche forte et bonne ne trahissent aucune
torture morale. Sa cordialité ne recèle pas
d'amertume. Il a d'ailleurs toutes les satisfac-
tions. Il est illustre à un âge où bien des artistes
se débattent encore dans l'obscurité; un public
délicat l'environne de ferveur ; une exquise
compagne, d'âme haute, de sensibilité profonde,
veille sur son foyer, lui donne le spectacle
d'une activité sœur, créatrice elle aussi d'œuvres
originales, gravures sur bois, bustes d'enfants,
reliures délicieusement conçues que l'Ar? Z)F-
cwWf/A'est plu d'ailleurs à reproduire. Il pos-
sède maintenant l'aise matérielle; il peut voyager,
visiter les cathédrales gothiques dont le mysti-
cisme l'enchante; accroître devant les maîtres la
conscience de sa propre maîtrise; aller tous les
ans retrouver en Bretagne l'atmosphère grise
de la Finlande, sa mélancolie et ses tragiques
beautés. Il peut, au retour, s'enfermer de longs
mois dans son atelier et, du matin au soir, sou-
vent même à la lueur d'une lampe, pareil à
quelque alchimiste, modelant
l'argile, ciselant le métal,
manipulant les acides, faire
éclore, sans effort, avec une
abondance pour ainsi dire
heureuse, les plus expressives
figures de la détresse et du
deuil.
C'est un contraste assez
fréquent que celui d'une ima-
gination triste et d'une par-
faite santé physique, d'une
grande sérénité morale. La
tristesse de M. Vallgren est
naturelle et facile. Dans cet
atelier du faubourg Saint-
Honoré, où le maître m'ac-
cueille avec une bonne grâce
charmante, sur les selles, les
bahuts, derrière les glaces
des vitrines, d'innombrables
ébauches, souvent mutilées,
mais tièdes encore de l'inspi-
ration et de la main du sculp-
teur, des terres exquisement
teintes, comme des Tanagra
quiseraient mélancoliques, des
bronzes aux patines chaudes,
nuancées, savoureuses mêlent
leur sanglotante théorie. La
nuque palpitante, le dos tra-


PLEUREUSE (SOUS DEUX FACES)

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