Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

L' art décoratif: revue de lárt ancien et de la vie artistique moderne — 4,2.1902

DOI Heft:
No. 43 (Avril 1902)
DOI Artikel:
Thomas, Albert: René Ménard
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.34269#0014

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
L'ART DÉCORATIF

lité. Elles sont habituées aux colères de
l'ouragan, elles ont confiance dans l'échange
des saisons, dans le retour des brises. L'ac-
calmie d'ailleurs est proche; derrière cette
nuée qui crève hltre le sourire d'un ciel bleu
turquoise. Est-ce que ces deux toiles, est-ce
que le le magnifique,
offrant son miroir au vaste cré-
puscule, est-ce que tant d'œuvres fortes,
soutenues, concentrées, émouvantes n'afhr-
mcnt pas une parenté entre René Ménard et
le maître hollandais? René Ménard aussi
bien rappelle et synthétise les efforts des
meilleurs paysagistes : les Van de Velde et
Cuyp, Joseph Vernet, Constable et Gains-
borough, Théodore Rousseau, Jules Dupré,
Cabat, Corot, suave poète de haube, Cazin
et Pointelin, chantres des brumes tristes et


L'AUTOMNE

des soleils couchés. Il a reçu d'eux tous des
leçons de haut savoir, d'incessant travail de
conscience. Il a connu par leur commerce
le prix de l'indépendance et que les meil-
leurs dons ne sont rien sans la sincérité.
Procédant de tant de maîtres, il a su comme
eux demeurer original, il a joint à leur hé-
ritage les trésors d'une âme profondément
éprise de la beauté antique.
M. René Ménard, en effet, naquit dans
un milieu d'érudition et de pensée. Fils
d'un critique fort averti, neveu d'un philo-
sophe poète qui tint des discours dignes de
Platon et qui distilla dans ses vers le miel
des divines abeilles, il fut attiré par l'Italie
et par la Grèce. Il les visita pieusement,
avec un grand élan du cœur, comme la pa-
trie des arts, de la sagesse, de la civilisa-
tion. Il éprouva à leur vue un
ravissement mêlé d'angoisse.
C'était bien, certes, la terre in
comparable, l'air léger et l'agile
lumière, la courbe pure des
montagnes, le resplendissement
des eaux. Mais de la vie qui avait
passé dans cet immortel décor,
de tant de républiques, de tant
de villes, de tant de labeurs, de
jeux, d'amours et de luttes,
d'une activité si riche et si fé-
conde pour l'humanité, il ne
restait rien que des ruines: por-
tiques détruits, statues mutilées,
chapiteaux sous un feston de
lierre, inscription effacée au
marbre d'un tombeau. Gomme
Renan saluant du haut de l'Acro-
pole la divinité de Minerve,
comme Jules Tellier suivant sur
la mer «fertile en naufrages)) la
route parcourue par le vaisseau
d'Ulysse, comme Louis Ménard,
Albert Samain, Hérédia, Pierre
Louys, Charles Maurras, comme
tous ceux qui firent pèlerinage
au berceau de la Beauté, René
Ménard sentit s'élever dans son
âme une invincible mélancolie.
Au contraire des néo-grecs, il
n'essaya pas une reconstitution
des âges disparus. Point de tri-
clinium, point de bacchanales,
point de panathénées. Il laissa
les matrones, les courtisanes,

4
 
Annotationen