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L' art décoratif: revue de lárt ancien et de la vie artistique moderne — 4,2.1902

DOI Heft:
No. 43 (Avril 1902)
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Thomas, Albert: René Ménard
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https://doi.org/10.11588/diglit.34269#0016

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L'ART DÉCORATIF



L'ESTUAIRE

les ëphèbes aux boucles harmonieuses
reposer dans ieur couche, il n'écarta pas
d'une main sacrilège, selon l'admirable
expression d'Ernest Renan, « le linceul de
pourpre où dorment les dieux morts H. Il
peignit la ((Terre Antique)) dévastée, cou-
verte de décombres, à l'heure où le soleil la
vét d'une gloire somptueuse et funèbre. Il
peignit l'Ag*rz^U7zû? actuellement au Musée
du Luxembourg. En Sicile, dans le pays de
Théocrite qui entendit la syrinx des pas-
teurs et vit fleurir la grâce des Syracusaines,
un temple debout sur un plateau désert
atteste seul l'existence d'une ancienne AD.
La nuit envahit les plans rocheux du ter-
rain, gagne de relief en relief les assises du
sanctuaire ; mais, au ciel, des nuages splen-
dides, couleur d'ambre, d'améthyste, de to-
paze, flottant dans une sombre vapeur, con-
centrent les dernières ardeurs du couchant.
Un reflet caresse le fronton calciné et le
sommet des colonnes rougeâtres. Et la grande
silhouette obscure, avec cette lueur à son
faîte, se dresse grave, impressionnant sym-
bole. J'y vois la figure de l'Idéal antique,
d'un idéal de simplicité, de raison, d'hon-

nêteté parfaite, de vraie et naturelle noblesse
qui disparait peu à peu de la conscience du
monde et que le regret des songeurs illu-
mine d'un suprême rayon !
Souvent, au bord de mornes rivages,
avec la complicité des ténèbres, le peintre
évoque des formes charmantes. Je ne sais
rien de plus tendrement mystérieux que
ces apparitions. Puvis de Chavannes seul
eût pu concevoir le groupe des Muses, sous
les pins, faisant chanter aux cordes de la
lyre les harmonies du soir, du silence et
de la solitude. Mais les Muses de Puvis
évoluent dans une atmosphère d'argent, où
pleuvent des roses pâles et des violettes
fanées. Celles de René Ménard naissent
et se perdent au sein des brumes crépuscu-
laires. Oh ! leurs beaux corps à peine aper-
çus, à la fois denses et fluides, encore moites
de la chaleur du jour, imprégnés déjà de la
fraîcheur et des parfums nocturnes, nacre
vive absorbant la lumière, pulpe fondante
comme la pulpe des fruits! Parfois d'une
grâce toute spirituelle, ces nus ont parfois
la sensualité des nus d'Henner et de Prud'hon.
Sensualité chaste et mouillée de larmes! Car

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