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L' art décoratif: revue de lárt ancien et de la vie artistique moderne — 4,2.1902

DOI Heft:
No. 43 (Avril 1902)
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Jacques, G. M.: Le meuble
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https://doi.org/10.11588/diglit.34269#0032

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L'ART DECORATIF


PAUL BEC

MEUBLE D'ANTICHAMBRE

Tous ces objets qui finissent, à force de
chercher le caractère artistique, par n'en avoir
aucun, ont une signification. Ils sont les re-
présentants d'un préjugé. Beaucoup d'hommes
distingués, mais impuissants à secouer le
joug de l'éducation, affirment que c'est seu-
lement par l'étude du latin et du grec que
nous pouvons nous élever aux cultures supé-
rieures. Il existe de même une entente tacite,
en vertu de laquelle le don de policer notre
œil et les lobes du cerveau dont il est
l'avant-garde n'appartiendrait qu'aux choses
saupoudrées de miettes des beaux-arts. L'in-
tellectualité d'un individu ne se mesurerait
pas à l'intérêt qu'il prend à ce qui est la
vie, à ce qui donne la vie, à ce qui sort de
la vie: elle serait en raison de sa curiosité
de certaines petites drôleries.

Ne nous laissons donc pas
conter de ces bourdes-là ! On peut
être un homme intelligent, un
esprit distingué, un grand esprit,
et s'intéresser médiocrement aux
choses de l'art ! Et les choses de
l'art ne méritent l'intérêt qu'autant
qu'elles soient d'un art supérieur,
c'est-à-dire qu'elles réunissent un
ensemble de conditions que seules
des organisations cérébrales très
particulières, partant rares, peuvent
infuser en elles. En d'autres
termes, le véritable art est et res-
tera l'exception. Les grands dis-
coureurs qui nous demandent de
passer notre vie à nous intéresser
aux choses quelconques que Pierre
ou Paul a grattées au ciseau sur
les faces de n'importe quoi, les
apôtres de l'art de commande, nous
les reconnaissons, nous autres
hommes de la génération qui s'en
va, sous le faux nez de «connais-
seurs )> dont ils se sont affublés.
Petit garçon, je les voyais s'exta-
sier sur le chalet découpé par le
montagnard tyrolien dans de
minces plaques de corne blanche
et le noyau de cerise devenu
boucle d'oreille sculptée sous le
couteau de quelque prisonnier
suisse. Ce sont les mêmes, il n'y
a pas d'erreur !
Le bric-à-brac, la curiosité, la
petite machine chipotée, toutes ces
choses enfantines, cela peut être de l'art si l'on
tient à leur donner ce nom, mais ce n'est pas
la beauté ; et la passion de ces choses-là est la
pire ennemie de la beauté. Le connaisseur,
le collectionneur, le maniaque d'art donnent
un exemple funeste à la masse, qui prend
ces hommes pour des autorités et croit de
bon ton de marcher dans leurs bottes clopin-
clopant. Au moment où il serait le plus
urgent de battre en brèche leur influence
pernicieuse, il vient, au contraire, d'appa-
raltre une publication pour la seconder : une
publication qui se donne pour tâche d'en-
seigner à tout le monde à devenir connais-
seur et collectionneur, d'apprendre à dis-
tinguer quelles vieilles loques viennent d'ici,
et lesquelles viennent de là, à apprécier quel
pot de chambre ancien a le plus de prix,

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