AOUT 1902
LE BAISER MATERNEL, PASTEL
procèdent à la OU
des Japonais et de
Degas par Dur bel
aspect d'estampes à
teintes plates et la té-
nuité de leur dessin.
On reste étonné d'une
science qui sait, dis-
crètement ferme, s'ef-
facer devant le naturel
des scènes et ne pas
surcharger leur char-
me immédiat. L'ar-
tiste se fait oublier,
on n'applaudit pas à
sa virtuosité, elle n'est
pas le but du tableau :
tout se coordonne, la
vie apparaît telle que
le peintre l'a surprise,
avec tout juste la sty-
lisation nécessaire à
concentrer l'intérêt là
où il faut que nos
regards le rencon-
trent. C'est après quel-
ques minutes d'examen
qu'on se convainc de
tout ce qu'a nécessité
la présentation si
simple du sujet. On
découvre certaines
finesses psycholo-
giques : tel baby qui
tette, renversé à demi sur les genoux ma-
ternels, a dans l'œil une expression d'ani-
malité béate que seul peut rendre un obser-
vateur sagacement familier. Un autre rit de
tout son être, chaque fossette de son torse
ou de ses coudes exprime le rire autant que
sa bouche et ses yeux, sans afféterie, sans
que la mesquinerie des moyens réduise le
tableau au rang d'une vignette grossie. La
composition reste toujours picturale, large,
servie par une exécution vigoureuse: le
pastel ou le pinceau touche de carmin une
lèvre, illumine un nez ou un œil, précise
une valeur, colore les ombres, dispose les
fonds par de spacieuses hachures massées,
accumulées sans timidité. Tout est à sa place,
les valeurs sont d'une justesse constante, et
les grands plans se présentent avec beauté.
De loin, un tableau de Miss Mary Cassatt
est toujours une tache harmonieuse, décora-
tive. L'influence de Manet se sent dans les
accessoires, et aussi dans certaines composi-
tions, comme par exemple ce tableau inté-
ressant, sobre, plein d'air et de lumière, où
sur une rivière, l'été, glisse un canot portant
à l'avant une jeune femme et son enfant,
tandis qu'au premier plan s'affirme en une
vaste silhouette d'un bleu sombre le rameur
arc-bouté qui s'efforce.
Sur la viridité moelleuse des prairies
anglaises, dans l'enchevêtrement des bran-
chages des vergers enrichis de fruits, dans
le sable jaune des plages que limite le dé-
ferlement de perle d'une vague étale, dans
l'atmosphère emplie des lumières diffuses
que tamise un ciel floconneux et ouaté, les
chapeaux d'été, parasols de paille et de fleurs
rutilantes, versent une pénombre violette à
la limite de laquelle naissent éclatantes des
boucles brunes et blondes, des joues de
i83
LE BAISER MATERNEL, PASTEL
procèdent à la OU
des Japonais et de
Degas par Dur bel
aspect d'estampes à
teintes plates et la té-
nuité de leur dessin.
On reste étonné d'une
science qui sait, dis-
crètement ferme, s'ef-
facer devant le naturel
des scènes et ne pas
surcharger leur char-
me immédiat. L'ar-
tiste se fait oublier,
on n'applaudit pas à
sa virtuosité, elle n'est
pas le but du tableau :
tout se coordonne, la
vie apparaît telle que
le peintre l'a surprise,
avec tout juste la sty-
lisation nécessaire à
concentrer l'intérêt là
où il faut que nos
regards le rencon-
trent. C'est après quel-
ques minutes d'examen
qu'on se convainc de
tout ce qu'a nécessité
la présentation si
simple du sujet. On
découvre certaines
finesses psycholo-
giques : tel baby qui
tette, renversé à demi sur les genoux ma-
ternels, a dans l'œil une expression d'ani-
malité béate que seul peut rendre un obser-
vateur sagacement familier. Un autre rit de
tout son être, chaque fossette de son torse
ou de ses coudes exprime le rire autant que
sa bouche et ses yeux, sans afféterie, sans
que la mesquinerie des moyens réduise le
tableau au rang d'une vignette grossie. La
composition reste toujours picturale, large,
servie par une exécution vigoureuse: le
pastel ou le pinceau touche de carmin une
lèvre, illumine un nez ou un œil, précise
une valeur, colore les ombres, dispose les
fonds par de spacieuses hachures massées,
accumulées sans timidité. Tout est à sa place,
les valeurs sont d'une justesse constante, et
les grands plans se présentent avec beauté.
De loin, un tableau de Miss Mary Cassatt
est toujours une tache harmonieuse, décora-
tive. L'influence de Manet se sent dans les
accessoires, et aussi dans certaines composi-
tions, comme par exemple ce tableau inté-
ressant, sobre, plein d'air et de lumière, où
sur une rivière, l'été, glisse un canot portant
à l'avant une jeune femme et son enfant,
tandis qu'au premier plan s'affirme en une
vaste silhouette d'un bleu sombre le rameur
arc-bouté qui s'efforce.
Sur la viridité moelleuse des prairies
anglaises, dans l'enchevêtrement des bran-
chages des vergers enrichis de fruits, dans
le sable jaune des plages que limite le dé-
ferlement de perle d'une vague étale, dans
l'atmosphère emplie des lumières diffuses
que tamise un ciel floconneux et ouaté, les
chapeaux d'été, parasols de paille et de fleurs
rutilantes, versent une pénombre violette à
la limite de laquelle naissent éclatantes des
boucles brunes et blondes, des joues de
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