L'ART DECORATIF
de sculpture ou de couleur. Indépendamment
de la ligne sculpturale ou du dessin de dé-
coration plane, il y a la ligne purement
architecturale, que l'école viennoise ne semble
pas sentir suffisamment, et de laquelle pro-
cède pourtant le caractère des édifices, de
quelque époque qu'ils proviennent. L'archi-
tecture dont se réclame M. d'Aronco étouffe
la ligne sous le décor, et c'est par là sur-
tout qu'elle nous parait s'avancer dans une
voie tout à fait fausse. La décoration n'est
dans l'architecture que l'accessoire et l'acci-
dent, strictement assujetti à la ligne générale
et non usurpant par lui-même l'intérêt. L'es-
sence de l'architecture, c'est la ligne pure;
trouver le caractère nouveau, non du décor,
mais des proportions, des courbes, des formes,
telle est l'œuvre de l'architecte moderne.
Parmi les ornements qui rehaussent les
constructions de M. d'Aronco, mettons pour-
EXPOSITION DE TURIN PAVILLON DE L'ADMINISTRATION
tant à part les groupes de femmes enlacées,
de M. Rubino, d'un très grand charme
souple et alangui. Voilà qui est de l'art mo-
derne et de l'art italien, et en même temps
le sculpteur a eu, pour sa part, le sens de l'ar-
chitecture ; les formes s'attachent et se replient,
sans gestes débordants, dans un rythme par-
fait. Nous aurions aimé pouvoir formuler ce
même éloge au sujet de nos propres palais
de l'Exposition universelle. Les qualités
viennent donc se mêler dans les œuvres aux
défaillances; mais la recherche même est à
elle seule une qualité : en s'affirmant avec
hardiesse, elle déblaie le chemin pour l'avenir.
Pour être rendues acceptables dans le
milieu où on cherche à les acclimater, ces
formes d'art auraient donc grand besoin de
subir des modifications; on les sent trop
étrangères d'inspiration art sol où on les
implante. Nous examinerons, au contraire,
dans une prochaine étude, les œuvres ita-
liennes qui proviennent d'un point de départ
traditionnel, et par lesquelles les artistes
locaux peuvent le mieux mettre en valeur
leur tempérament propre. Œuvres de grâce,
d'élégance instinctive, de sentimentalité vo-
luptueuse et aussi d'ingéniosité, ces concep-
tions diverses, lorsqu'elles ne s'affaiblissent
pas par trop dans de menues recherches d'a-
dresse ou des sous-entendus anecdotiques,
réussissent à exprimer des besoins de race
particuliers, une finesse d'intelligence, une
saveur spéciale de forme et de couleur.
GUSTAVE SOULIER.
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de sculpture ou de couleur. Indépendamment
de la ligne sculpturale ou du dessin de dé-
coration plane, il y a la ligne purement
architecturale, que l'école viennoise ne semble
pas sentir suffisamment, et de laquelle pro-
cède pourtant le caractère des édifices, de
quelque époque qu'ils proviennent. L'archi-
tecture dont se réclame M. d'Aronco étouffe
la ligne sous le décor, et c'est par là sur-
tout qu'elle nous parait s'avancer dans une
voie tout à fait fausse. La décoration n'est
dans l'architecture que l'accessoire et l'acci-
dent, strictement assujetti à la ligne générale
et non usurpant par lui-même l'intérêt. L'es-
sence de l'architecture, c'est la ligne pure;
trouver le caractère nouveau, non du décor,
mais des proportions, des courbes, des formes,
telle est l'œuvre de l'architecte moderne.
Parmi les ornements qui rehaussent les
constructions de M. d'Aronco, mettons pour-
EXPOSITION DE TURIN PAVILLON DE L'ADMINISTRATION
tant à part les groupes de femmes enlacées,
de M. Rubino, d'un très grand charme
souple et alangui. Voilà qui est de l'art mo-
derne et de l'art italien, et en même temps
le sculpteur a eu, pour sa part, le sens de l'ar-
chitecture ; les formes s'attachent et se replient,
sans gestes débordants, dans un rythme par-
fait. Nous aurions aimé pouvoir formuler ce
même éloge au sujet de nos propres palais
de l'Exposition universelle. Les qualités
viennent donc se mêler dans les œuvres aux
défaillances; mais la recherche même est à
elle seule une qualité : en s'affirmant avec
hardiesse, elle déblaie le chemin pour l'avenir.
Pour être rendues acceptables dans le
milieu où on cherche à les acclimater, ces
formes d'art auraient donc grand besoin de
subir des modifications; on les sent trop
étrangères d'inspiration art sol où on les
implante. Nous examinerons, au contraire,
dans une prochaine étude, les œuvres ita-
liennes qui proviennent d'un point de départ
traditionnel, et par lesquelles les artistes
locaux peuvent le mieux mettre en valeur
leur tempérament propre. Œuvres de grâce,
d'élégance instinctive, de sentimentalité vo-
luptueuse et aussi d'ingéniosité, ces concep-
tions diverses, lorsqu'elles ne s'affaiblissent
pas par trop dans de menues recherches d'a-
dresse ou des sous-entendus anecdotiques,
réussissent à exprimer des besoins de race
particuliers, une finesse d'intelligence, une
saveur spéciale de forme et de couleur.
GUSTAVE SOULIER.
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