AOUT 1902
qu'il est dans toutes ses manifestations. La
richesse sobre des colorations, la simplicité
du travail et la robustesse calme de la com-
position font de ses plaques de merveilleux
morceaux, mais ce qu'on leur reproche jus-
tement c'est d'être des joyaux précieux et
d'être présentés comme tels. Pourquoi ces
encadrements épais et parfois de couleur
brutale ? Ils soulignent l'évi-
dente disproportion d'intérêt
entre le livre devenu l'occasion
et le panneau devenu le prin-
cipal. Pourtant le relieur avait
beau jeu de mettre en œuvre
plus simplement la matière si
logiquement traitée par l'artiste
avec une belle simplicité de pro-
cédé; combien il est fâcheux que
l'enveloppe du livre ne soit pas
d'une seule venue ! Que les
mosaïques les plus rutilantes
sont donc froides à côté de ces
beaux morceaux ! Les unes sont
gravées au burin, plusieurs sont
traitées à la pointe incandescente ;
la pyrogravure est bien vengée
des sauvages amateurs.
Prouvé n'est représenté que
par une carte de visite et c'est
dommage, car il est l'un des
meilleurs champions de la re-
liure libérée du doreur; et puis,
cette histoire de la Bastille est
alourdie d'un fermoir de bronze
encombrant qui détourne l'at-
tention du cuir pourtant belle-
ment traité.
L'usage du cadre me gâte
encore le plaisir des beaux morceaux de
Rudaux et de MQe Vallgren ; je ferai à ces
intéressants artistes le même reproche qu'aux
précédents : ils n'ont pas fait un vêtement au
livre, ils lui ont imposé un joyau, le joyau re-
tient l'intérêt au détriment de celui qu'il pare.
L'intérêt des reliures de M. dénient
Mère c'est précisément qu'on ne saurait sans
dommage les détacher du livre qu'elles ha-
billent, elles sont dans ces jolis tons im-
précis et fragiles que l'on connaît et ornés
discrètement de ces profils féminins carac-
térisés qu'il aime et nous a habitués à aimer.
M. Pierre Roche, l'artiste fin et curieux,
a ses reliures églomisées; ce sont des petits
médaillons peints en transparence sur du
parchemin dit idré, celui dont on se sert
pour les tambours de basque, et sous lesquels
il introduit des petites plaques de paillon.
Cela fait des émaux très doux sur de l'ivoire
joliment vieilli et c'est exquis. M. Roche
cède volontiers à l'attrait des procédés rares,
on peut sans arrière-pensée y prendre le
plaisir qu'il y trouve lui-même, car le talent
de l'artiste et son goût sûr l'empêcheront
toujours de s'égarer dans les chemins de la
fantaisie où tant d'autres trouvent facilement
le fou ou le niais en cherchant le bizarre.
Ces derniers sont souvent de simples
inhabiles qui cherchent à faire diversion sur
leur maladresse, et parfois y réussissent.
Il est fâcheux que M. Bénédictus soit
représenté par un unique volume, deun eï
qui est bien, mais moins bien que
beaucoup d'autres œuvres que nous con-
naissons de lui.
M. Séguy, du Locle et Martin-
Sabon sont dans le même cas et méritent le
même reproche. Martin-Sabon a quelque
peu compliqué la décoration de son (( Ben-
r-f
Q y——-yg—
; ' y - - _
... : - .: - -*-* y.
E. BELVILLE
qu'il est dans toutes ses manifestations. La
richesse sobre des colorations, la simplicité
du travail et la robustesse calme de la com-
position font de ses plaques de merveilleux
morceaux, mais ce qu'on leur reproche jus-
tement c'est d'être des joyaux précieux et
d'être présentés comme tels. Pourquoi ces
encadrements épais et parfois de couleur
brutale ? Ils soulignent l'évi-
dente disproportion d'intérêt
entre le livre devenu l'occasion
et le panneau devenu le prin-
cipal. Pourtant le relieur avait
beau jeu de mettre en œuvre
plus simplement la matière si
logiquement traitée par l'artiste
avec une belle simplicité de pro-
cédé; combien il est fâcheux que
l'enveloppe du livre ne soit pas
d'une seule venue ! Que les
mosaïques les plus rutilantes
sont donc froides à côté de ces
beaux morceaux ! Les unes sont
gravées au burin, plusieurs sont
traitées à la pointe incandescente ;
la pyrogravure est bien vengée
des sauvages amateurs.
Prouvé n'est représenté que
par une carte de visite et c'est
dommage, car il est l'un des
meilleurs champions de la re-
liure libérée du doreur; et puis,
cette histoire de la Bastille est
alourdie d'un fermoir de bronze
encombrant qui détourne l'at-
tention du cuir pourtant belle-
ment traité.
L'usage du cadre me gâte
encore le plaisir des beaux morceaux de
Rudaux et de MQe Vallgren ; je ferai à ces
intéressants artistes le même reproche qu'aux
précédents : ils n'ont pas fait un vêtement au
livre, ils lui ont imposé un joyau, le joyau re-
tient l'intérêt au détriment de celui qu'il pare.
L'intérêt des reliures de M. dénient
Mère c'est précisément qu'on ne saurait sans
dommage les détacher du livre qu'elles ha-
billent, elles sont dans ces jolis tons im-
précis et fragiles que l'on connaît et ornés
discrètement de ces profils féminins carac-
térisés qu'il aime et nous a habitués à aimer.
M. Pierre Roche, l'artiste fin et curieux,
a ses reliures églomisées; ce sont des petits
médaillons peints en transparence sur du
parchemin dit idré, celui dont on se sert
pour les tambours de basque, et sous lesquels
il introduit des petites plaques de paillon.
Cela fait des émaux très doux sur de l'ivoire
joliment vieilli et c'est exquis. M. Roche
cède volontiers à l'attrait des procédés rares,
on peut sans arrière-pensée y prendre le
plaisir qu'il y trouve lui-même, car le talent
de l'artiste et son goût sûr l'empêcheront
toujours de s'égarer dans les chemins de la
fantaisie où tant d'autres trouvent facilement
le fou ou le niais en cherchant le bizarre.
Ces derniers sont souvent de simples
inhabiles qui cherchent à faire diversion sur
leur maladresse, et parfois y réussissent.
Il est fâcheux que M. Bénédictus soit
représenté par un unique volume, deun eï
qui est bien, mais moins bien que
beaucoup d'autres œuvres que nous con-
naissons de lui.
M. Séguy, du Locle et Martin-
Sabon sont dans le même cas et méritent le
même reproche. Martin-Sabon a quelque
peu compliqué la décoration de son (( Ben-
r-f
Q y——-yg—
; ' y - - _
... : - .: - -*-* y.
E. BELVILLE