L'ART DECORATIF
d'ajouter au substantif quelque qualificatif ou
quelque image propre à en faire saisir la
portée; de spécifier, par exemple, qu'on re-
vient à la tradition à la manière des
hommes d'après Thermidor, qui retournèrent
aux vieux usages en ce qu'ils laissèrent à
chacun la tête sur les épaules.
L'histoire des arts décoratifs depuis
vingt ans est celle de la conquête de la
liberté dans un domaine — le seul restant
—- où la pensée était encore esclave. Con-
quête commencée, comme toutes les révolu-
tions, par l'explosion des utopies, des théo-
ries qui dépassent le but, des folies de tout
genre. Ce fut la première phase; elle est tout
près de Unir. La deuxième, celle du tas-
sement, s'annonce. Des formules décoratives
surgies il y a huit ou dix ans, pauvres petits
trucs qui se prenaient pour des doctrines, il
ne restera bientôt plus que la trace. Mais
elles auront, stériles, laissé quelque chose de
fécond : chez l'artiste, l'audace de penser par
lui-même et la sagesse de discerner ce qu'il
faut prendre et laisser ; chez le public, l'ha-
bitude de regarder tout en face sans frayeur,
et de juger chaque espèce sans le secours
trompeur d'un code.
Les traditions, c'est l'imagination au ser-
vice de la raison et de la science. Elles sont
faites dans chaque temps par ceux qui pos-
sèdent les deux. Les autres les conservent
— parce qu'ils ne peuvent mieux — jusqu'à
ce que de nouvelles les remplacent.
Venant à nos illustrations, nous rencon-
trons d'abord un spécimen des pièces de pe-
tite serrurerie exposées par M. Brindeau
de Jarny, qui s'est spécialisé dans ces tra-
vaux. Les arts touchant au façonnage du
cuivre n'ont jamais pris un grand développe-
ment en France; cela tient sans doute à ce
que notre sol ne renferme pas de minerais de
ce métal. La chaudronnerie de cuivre est
restée un peu négligée, et encore à cette heure,
la main-d'œuvre habile se trouve assez diffici-
lement. M. Brindeau de Jarny a voulu créer un
foyer de production de petite serrurerie fa-
çonnée à la main, dans une note assez en dehors
des préciosités pour rester industrielle, et assez
exempte de vulgarité pour rester artistique.
Il y a réussi. On pourrait peut-être trouver
que ses dessins ont le caractère un peu an-
glais. A part cette remarque, ils satisfont
très bien à ce qu'on doit en attendre. Ils ont
en particulier le mérite de ne pas exagérer
l'importance du rôle de la serrurerie dans
le meuble. Dans les derniers temps, on est
allé très loin dans ce sens; on nous a
montré des meubles littéralement couverts
d'appliques en cuivre découpé, ornements
d'un goût plus que contestable qui dé-
naturent le meuble et trahissent l'impuis-
sance de l'auteur à lui donner son véritable
intérêt : le caractère. La serrurerie doit
rester ce que sa raison d'être indique : un
détail important par la fonction, petit par la
dimension. L'énorme contraste entre sa ma-
tière et la matière principale du meuble, le
bois, sufüt à donner à ce détail une très
grande valeur décorative sous un volume très
faible. Quelques centimètres carrés de cuivre
bien employé habillent la nudité d'un mètre
E. SOCARD VITRAIL D'INTÉRIEUR
2 [ O
d'ajouter au substantif quelque qualificatif ou
quelque image propre à en faire saisir la
portée; de spécifier, par exemple, qu'on re-
vient à la tradition à la manière des
hommes d'après Thermidor, qui retournèrent
aux vieux usages en ce qu'ils laissèrent à
chacun la tête sur les épaules.
L'histoire des arts décoratifs depuis
vingt ans est celle de la conquête de la
liberté dans un domaine — le seul restant
—- où la pensée était encore esclave. Con-
quête commencée, comme toutes les révolu-
tions, par l'explosion des utopies, des théo-
ries qui dépassent le but, des folies de tout
genre. Ce fut la première phase; elle est tout
près de Unir. La deuxième, celle du tas-
sement, s'annonce. Des formules décoratives
surgies il y a huit ou dix ans, pauvres petits
trucs qui se prenaient pour des doctrines, il
ne restera bientôt plus que la trace. Mais
elles auront, stériles, laissé quelque chose de
fécond : chez l'artiste, l'audace de penser par
lui-même et la sagesse de discerner ce qu'il
faut prendre et laisser ; chez le public, l'ha-
bitude de regarder tout en face sans frayeur,
et de juger chaque espèce sans le secours
trompeur d'un code.
Les traditions, c'est l'imagination au ser-
vice de la raison et de la science. Elles sont
faites dans chaque temps par ceux qui pos-
sèdent les deux. Les autres les conservent
— parce qu'ils ne peuvent mieux — jusqu'à
ce que de nouvelles les remplacent.
Venant à nos illustrations, nous rencon-
trons d'abord un spécimen des pièces de pe-
tite serrurerie exposées par M. Brindeau
de Jarny, qui s'est spécialisé dans ces tra-
vaux. Les arts touchant au façonnage du
cuivre n'ont jamais pris un grand développe-
ment en France; cela tient sans doute à ce
que notre sol ne renferme pas de minerais de
ce métal. La chaudronnerie de cuivre est
restée un peu négligée, et encore à cette heure,
la main-d'œuvre habile se trouve assez diffici-
lement. M. Brindeau de Jarny a voulu créer un
foyer de production de petite serrurerie fa-
çonnée à la main, dans une note assez en dehors
des préciosités pour rester industrielle, et assez
exempte de vulgarité pour rester artistique.
Il y a réussi. On pourrait peut-être trouver
que ses dessins ont le caractère un peu an-
glais. A part cette remarque, ils satisfont
très bien à ce qu'on doit en attendre. Ils ont
en particulier le mérite de ne pas exagérer
l'importance du rôle de la serrurerie dans
le meuble. Dans les derniers temps, on est
allé très loin dans ce sens; on nous a
montré des meubles littéralement couverts
d'appliques en cuivre découpé, ornements
d'un goût plus que contestable qui dé-
naturent le meuble et trahissent l'impuis-
sance de l'auteur à lui donner son véritable
intérêt : le caractère. La serrurerie doit
rester ce que sa raison d'être indique : un
détail important par la fonction, petit par la
dimension. L'énorme contraste entre sa ma-
tière et la matière principale du meuble, le
bois, sufüt à donner à ce détail une très
grande valeur décorative sous un volume très
faible. Quelques centimètres carrés de cuivre
bien employé habillent la nudité d'un mètre
E. SOCARD VITRAIL D'INTÉRIEUR
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