L'ART DECORATIF
Elles, complétaient l'envoi, et à cette époque
M. Jacques Blanche produisit énormément,
pris d'une véritable hèvre, jamais content et
jamais découragé. Des natures-mortes, de
petites figures, des liseuses, des fillettes furent
les motifs de son inlassable recherche,
obsédée du souhait d'une exécution tout à
fait simple où nulle touche ne fût mise pour
elle-même, hors de son immédiate utilité
expressive. Il est telle de ces études qu'on
assimilerait vraiment à une écriture cursive,
tant le dédain de l'effet y est flagrant, tant
on sent que l'artiste désire la concision, s'in-
terdisant même l'idée du « régal de palette ».
En i8qy, un TorfruR ùeyvmA/A plaisait par
ses noirs fumeux et mats sur un fond de jar-
din. L'année suivante le beau portrait de M. et
LW Henry Gauthier-Villars assis sur un
banc, dans des feuillages, avait grand air
par la facture large et les souples passages
de tons autant que par la finesse compré-
hensive des attitudes. Et enfin le portrait
de Jules Chéret était peut-être la meilleure
œuvre de M. Blanche. Chéret
apparaissait là tel que ses amis
intimes seulement l'ont pu bien
connaître , alors qu'ils le
voyaient travailler en fumant
une cigarette. A peine assis
au quart du tabouret, le torse
élancé, une jambe nerveuse-
ment crispée, l'autre détendue
comme dans la projection de
la fente à fond de l'escrime,
le grand corps svelte, gainé
de drap noir, se cambre : la
tête hne, dont la moustache
blanche étonne dans ce sur-
prenant visage frais, se penche
pour viser l'endroit exact où
va poser la touche la main qui
sur la palette la prépare, les
bras ramenés au corps.
Comme un Aeuret va jaillir le
pinceau du jet vif de la Aé-
vreuse main dont les doigts
fuselés le darderont: on sent
l'énergie, la décision, l'achar-
nement du grand décorateur
lyrique, en tout son orga-
nisme invraisemblablement
jeune. Dans cette vaste sym-
phonie sombre, la note rose
et blanche de la tête brille au
des neiges et des eaux vives! Là M. Blanche
était enAn pleinement lui-même, un peintre
sachant atteindre au décoratif par les moyens
les plus naturels, un beau virtuose franc et
sobre. Il ne retenait plus des leçons de son
maître que l'essentiel, la simplicité large de
la touche, l'exécution avec peu de pâte, des
dessous de tons entiers et des glacis trans-
parents, des coulées d'essence teintée sans
lourdeur, se superposant à ces dessous et
donnant le miroitement de la lumière sur
les valeurs et sur les plans sagement établis.
Au même Salon l'artiste s'afArmait un
maître par d'autres portraits, celui de M""
Blanche, en noir, celui du jeune peintre
Aubrey Beardsley, mort à vingt ans après
avoir laissé espérer par ses dessins d'une
précocité presque effrayante un indubitable
génie décoratif. Peut-être moins bien peint
que les autres, hâtivement brossé au hasard
d'un voisinage de villégiature, ce portrait
reste une œuvre exquise de jeunesse et de
caractère. Des efAgies d'enfants, de jeunes
TETE D'ETUDE
2 Jo
Elles, complétaient l'envoi, et à cette époque
M. Jacques Blanche produisit énormément,
pris d'une véritable hèvre, jamais content et
jamais découragé. Des natures-mortes, de
petites figures, des liseuses, des fillettes furent
les motifs de son inlassable recherche,
obsédée du souhait d'une exécution tout à
fait simple où nulle touche ne fût mise pour
elle-même, hors de son immédiate utilité
expressive. Il est telle de ces études qu'on
assimilerait vraiment à une écriture cursive,
tant le dédain de l'effet y est flagrant, tant
on sent que l'artiste désire la concision, s'in-
terdisant même l'idée du « régal de palette ».
En i8qy, un TorfruR ùeyvmA/A plaisait par
ses noirs fumeux et mats sur un fond de jar-
din. L'année suivante le beau portrait de M. et
LW Henry Gauthier-Villars assis sur un
banc, dans des feuillages, avait grand air
par la facture large et les souples passages
de tons autant que par la finesse compré-
hensive des attitudes. Et enfin le portrait
de Jules Chéret était peut-être la meilleure
œuvre de M. Blanche. Chéret
apparaissait là tel que ses amis
intimes seulement l'ont pu bien
connaître , alors qu'ils le
voyaient travailler en fumant
une cigarette. A peine assis
au quart du tabouret, le torse
élancé, une jambe nerveuse-
ment crispée, l'autre détendue
comme dans la projection de
la fente à fond de l'escrime,
le grand corps svelte, gainé
de drap noir, se cambre : la
tête hne, dont la moustache
blanche étonne dans ce sur-
prenant visage frais, se penche
pour viser l'endroit exact où
va poser la touche la main qui
sur la palette la prépare, les
bras ramenés au corps.
Comme un Aeuret va jaillir le
pinceau du jet vif de la Aé-
vreuse main dont les doigts
fuselés le darderont: on sent
l'énergie, la décision, l'achar-
nement du grand décorateur
lyrique, en tout son orga-
nisme invraisemblablement
jeune. Dans cette vaste sym-
phonie sombre, la note rose
et blanche de la tête brille au
des neiges et des eaux vives! Là M. Blanche
était enAn pleinement lui-même, un peintre
sachant atteindre au décoratif par les moyens
les plus naturels, un beau virtuose franc et
sobre. Il ne retenait plus des leçons de son
maître que l'essentiel, la simplicité large de
la touche, l'exécution avec peu de pâte, des
dessous de tons entiers et des glacis trans-
parents, des coulées d'essence teintée sans
lourdeur, se superposant à ces dessous et
donnant le miroitement de la lumière sur
les valeurs et sur les plans sagement établis.
Au même Salon l'artiste s'afArmait un
maître par d'autres portraits, celui de M""
Blanche, en noir, celui du jeune peintre
Aubrey Beardsley, mort à vingt ans après
avoir laissé espérer par ses dessins d'une
précocité presque effrayante un indubitable
génie décoratif. Peut-être moins bien peint
que les autres, hâtivement brossé au hasard
d'un voisinage de villégiature, ce portrait
reste une œuvre exquise de jeunesse et de
caractère. Des efAgies d'enfants, de jeunes
TETE D'ETUDE
2 Jo