NOVEMBRE 1902
l'orteil au front, sans être « Unis " comme
ceux de l'Ecole. Ils ne sont pas « Unis H
parce que tout ce qu'ils donnent à penser
les proroge, et là où le sculpteur s'est arrêté,
là commence notre méditation. Ces seins,
ces chevelures, ces ventres au pli charmant
sont caressés moins par le regard que par
l'àme. Ils sont vus par un homme qui pense
à leur hn et s'attendrit de les voir si beaux
et si proches de la mort. Et tous ont un
air d'attente et de contrition, une mysticité
infuse, qu'on ne retrouve chez aucun sta-
tuaire de ce temps.
Le groupe d'A&nn que le sculpteur
s'apprête à grandir, donne la synthèse de ce
que M. Bartholomé pense de la vie et de
son expression par le nu. Là tout se réfugie
dans l'expressivité des bras et des têtes : de
grandes verticales pures suffisent aux jambes
et aux torses, et seules les mains entre-
mêlées disent la douleur et la honte, alors
que, les coudes serrés au corps et comme
se ramassant en leur peureux frisson, les
mains mutuellement s'avancent pour cacher
les visages. Eve, ineffablement, pose ses
doigts avec douceur sur les yeux d'Adam, et
lui essaie le même geste ; et c'est encore
une des trouvailles spéciales à l'artiste, cette
Je A've/r" R-
délicatcsse psychologique qui lui fait penser
que la femme amoureuse, moins repentante
qu'heureuse du bonheur qu'elle donna, songe
moins à se cacher de l'homme qu'à se dis-
simuler à elle-même la confusion qu'il ressent.
En vérité, les mots deviennent lourds pour
traduire de telles nuances : M. Bartholomé
excelle à enclore dans de pareilles combi-
naisons de gestes une série de déductions
purement intellectuelles, diversement offertes
à l'interprétation. Ce geste d'Eve est pro-
fondément complexe : on y pourra voir
aussi la pudeur de la femme restant debout
Jeun àe A. C.
l'orteil au front, sans être « Unis " comme
ceux de l'Ecole. Ils ne sont pas « Unis H
parce que tout ce qu'ils donnent à penser
les proroge, et là où le sculpteur s'est arrêté,
là commence notre méditation. Ces seins,
ces chevelures, ces ventres au pli charmant
sont caressés moins par le regard que par
l'àme. Ils sont vus par un homme qui pense
à leur hn et s'attendrit de les voir si beaux
et si proches de la mort. Et tous ont un
air d'attente et de contrition, une mysticité
infuse, qu'on ne retrouve chez aucun sta-
tuaire de ce temps.
Le groupe d'A&nn que le sculpteur
s'apprête à grandir, donne la synthèse de ce
que M. Bartholomé pense de la vie et de
son expression par le nu. Là tout se réfugie
dans l'expressivité des bras et des têtes : de
grandes verticales pures suffisent aux jambes
et aux torses, et seules les mains entre-
mêlées disent la douleur et la honte, alors
que, les coudes serrés au corps et comme
se ramassant en leur peureux frisson, les
mains mutuellement s'avancent pour cacher
les visages. Eve, ineffablement, pose ses
doigts avec douceur sur les yeux d'Adam, et
lui essaie le même geste ; et c'est encore
une des trouvailles spéciales à l'artiste, cette
Je A've/r" R-
délicatcsse psychologique qui lui fait penser
que la femme amoureuse, moins repentante
qu'heureuse du bonheur qu'elle donna, songe
moins à se cacher de l'homme qu'à se dis-
simuler à elle-même la confusion qu'il ressent.
En vérité, les mots deviennent lourds pour
traduire de telles nuances : M. Bartholomé
excelle à enclore dans de pareilles combi-
naisons de gestes une série de déductions
purement intellectuelles, diversement offertes
à l'interprétation. Ce geste d'Eve est pro-
fondément complexe : on y pourra voir
aussi la pudeur de la femme restant debout
Jeun àe A. C.