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L' art décoratif: revue de lárt ancien et de la vie artistique moderne — 5,1.1903

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Mauclair, Camille: Jules Chéret
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https://doi.org/10.11588/diglit.34207#0027

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L'ART DECORATIF



étranger, One Tune science sans pédant
étalage de virtuosités, sera une pierre de
touche précieuse pour éprouver par compa-
raison la fausse emphase de certains pré-
jugés sur le dessin, ta couteur, le but même
de ia peinture. C'est scutement depuis que
l'artiste a fait connaître ses grandes déco-
rations que cette importance spéciate de son
œuvre apparait, conclusion considérable d'une
si laborieuse et si attachante carrière: à
l'impressionniste, à l'albchiste qui créa le
sourire sur les murailles, au pastelliste plein
de verve, à l'illustrateur riant et parisien,
se substitue en les continuant un maître à
la pensée intense, au style abondant et gé-
néreux, à l'exemple sain. Chéret peut

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compter parmi les plus décisifs éducateurs
et parmi les personnalités qui détiennent les
lois du présent et de l'avenir de l'école
française.
Il a créé quelque chose, une façon d'ex-
primer qui ne sera confondue avec nulle
autre. Et il l'a trouvée dans un domaine
où personne ne fût entré de nos jours. Avec
la joie, dont l'art ne fait rien, ou presque,
il a formé un monde à lui, voluptueux mais
chaste, galant mais courtois, lyrique mais
pensif. Il le portait en lui. Lorsqu'on le
regarde peindre, on comprend qu'il poursuit
un rêve intérieur. Les yeux mi-clos, il pose
ses touches avec autant de sûreté que de
hâte : épinglés au bord de la toile, les
croquis à la sanguine faits d'après nature le
matin même sont les seules indications qui
guident son travail. La couleur naît sponta-
nément, les tons éblouissants se mettent
à chanter d'eux-mémes. Ainsi Monticelli
peignait : et où donc ce magicien, et où
donc Chéret copieraient-ils leur atmosphère
enchantée, et comment seraient-ils ce qu'ils
sont, s'ils étaient forcés de copier des reflets
d'étoffes ajustés sur des mannequins? Le
solitaire génie de Marseille, l'élégant lyrique
actuel savent par cœur leurs harmonies,
comme des symphonistes composant sans
piano. Les sourcils froncés, la face sérieuse,
ia main preste dardant le pinceau avec une
souplesse d'escrimeur tenant le fleuret, l'ar-
tiste, tel que l'a peint admirablement Jacques
Blanche, mimant par d'imperceptibles flexions
du torse le mouvement dont il accuse la
structure, s'identifie à l'être qu'il ébauche,
et consulte en soi-même l'étincellement de
ses souvenirs. Un fond de rêverie, un per-
pétuel songe d'une nuit d'été dort en cet
homme dont l'extérieur est celui d'un gen-
tleman racé, désinvolte, d'allure un peu mi-
litaire et hautaine. Et lentement Chéret
dérive dans ce songe,

ilesttouràtourCo-
lombine, Pierrot,
Ariel,ils'élanceavec
les ballerines, il s'é-
gare dans les pers-
pectives féeriques, il
planede toute la joie
de son âme allégée
dans le rovaume
aérien du sourire.
CAM1LLK MAt'CLAUU
 
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