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L' art décoratif: revue de lárt ancien et de la vie artistique moderne — 5,1.1903

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Besnard, Albert: Madame Besnard: la femme artiste, ce qu'en pensent le monde et les hommes
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https://doi.org/10.11588/diglit.34207#0068

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L'ART DÉCORATIF

ta maison et, à ce propos, querelles ami-
cales. Je prétendais qu'une oeuvre céramique
devait être traitée en exagération de la forme
et des accents. Ma femme, au contraire,
soutenait que, la forme devant être recou-
verte de peinture, celle-ci devait assumer
un rôle plus important que celui d'un
simple badigeon ; et très obstinément elle
exécutait ses céramiques dans un modelé si
Hou qu'il allait jusqu'à n'indiquer des traits
que les saillies fort adoucies, et puis piquait
ensuite les yeux, la bouche, les sourcils, les
cils, enfin les cheveux, au pinceau.
Ce procédé a donné de fort jolies choses
qu'elle seule a tentées dans cette manière, et
cependant je n'ai pas encore voulu avouer
que j'avais tort. La céramique a vécu. M""
Besnard n'en goûte plus le luisant. Elle
s'adonne depuis l'année dernière à de petites
statuettes en terre cuite, qu'elle reprend en-
suite à l'aide d'une pâte dont elle engraisse
les modelés de ses figurines, qu'elle peint en-
suite à la cire et qu'elle dore quelquefois.
J'aime infiniment ce procédé qui convient
admirablement à la qualité de son exécution.
Ces petites effigies vivent d'une vie étrange
et très charmante.
Mais je devance les événements, car j'en
étais arrivé au moment douloureux de notre
vie. La maladie d'un enfant nous contraignit
à un séjour de trois années à Berck.
Durant ces trois années, j'entrepris la
décoration totale de la chapelle de l'hôpital
Cazin-Perrochaud avec la collaboration de
ma femme. Ce fut pour elle l'occasion d'un
développement définitif.

Dans le grand entrain d'un travail col-
lectif elle entreprit enfin des œuvres consi-
dérables et donna la mesure de son talent.
Son Saint François d'Assise, qui a figuré à
notre Salon et à l'Exposition Universelle, est
une œuvre de réelle beauté, de simplicité tou-
chante et forte. Dans le même style et de
qualité pareille sont là-bas un groupe de
Vierge et d'enfant malade, une Sainte Elisabeth
de Hongrie. A l'atelier, en préparation pour
Berck toujours, une Madone, la ligure même
de la pitié, statue bas-relief que l'on pourra
voir au Salon de l'an prochain.
Et maintenant que nos enfants sont élevés,
que notre vie est redevenue paisible, l'heure
a sonné pour la femme de la possession de
soi-même, et voici ce que me dit cette mo-
deste artiste: «Je crois pouvoir enfin travailler.
Fais-moi construire un atelier. R Et près du
mien s'élève l'atelier rêvé où vont se rassem-
bler les œuvres éparses, tandis que le mien
abrite encore nombre de ses œuvres. Il y en
a partout un peu.
Voilà donc ce qu'a fait cette femme pen-
dant ces vingt-deux ans de travail et de ma-
ternité: ceci est le produit des heures dérobées
aux soins de la vie, au dévouement de la
mère et de l'épouse, aux mille soucis que la
femme sait détourner sur elle pour protéger
notre travail.
Oh ! il y a eu de tout cela pétri dans
cette glaise, et je m'incline devant ce petit
sanctuaire de l'art pour Lart et de l'amour.
Là une femme a semé de la grâce sur
les étapes du travail.
ALBERT BESNARD.


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