L'ART DECORATIF
toutes les fiertés de la grande dame, toutes
les coquetteries de la mondaine, tout Lardent,
inquiet et précieux lyrisme d'une très moderne
Sapho. Peut-être souhaiterait-on voir à cette
hgure une grâce plus spontanée et plus fraîche.
Mais Antonio de La Gandara prête volontiers
à ses portraits une allure baudelairienne,
celle de personnes pâles et morbides, que
des rêves bizarres consument, retiennent un
peu à l'écart du plein jour et de la vie.
Quant au costume il est délicieux, traité
avec la discrétion dont j'ai parlé, harmonie
de bleu et argent, sur fond de velours obscur,
gaze verte oh les bras s'ennuagent, piquet
d'hortensia contre la gorge nue, satin qui
coule à longs plis, en miroitements doux,
tel un ruisseau au clair de lune. Espagnol
de race, Antonio de La Gandara doit à cette
hérédité de peindre le sombre luxe des étoffes
comme Velasquez.
Jacques-Emile Blanche est superbement
représenté au Salon de la a Société Nouvelles,
par des portraits, des études de femmes et
d'enfants, de prestigieuses natures-mortes.
11 a plus de variété que M. de La Gandara,
plus de naturel dans les ar-
rangements, plus de liberté
dans la facture. Lui ne pro-
cède pas de Velasquez, mais
de Lawrence, Reynolds et
Gainsborough. Il aime
comme eux la grâce saine
et fraîche, les gestes souples,
les regards vifs, les joues
roses, les lèvres brillantes,
annonçant la chaleur du
sang. Il a brossé selon leur
manière large et onctueuse,
sur des fonds de paysage
aéré, les plus aimables por-
traits de famille. Il a su ce-
pendant, pour les portraits
isolés, trouver un style
simple et sévère, évoquer
d'une atmosphère obscure,
— en leurs vêtements noirs,
d'où la blancheur émerge
seule aux poignets et au col,
des figures hautement intel-
lectuelles. Après Paul Adam,
Charles Cottet , Maurice
Barrés, Jules Chéret, Lucien
Simon, il nous montre un
Claude Debussy, plein de
vigueur et d'aisance, rêvant
à de subtiles musiques. R
expose aussi un portrait de
M"'° John Lemoine, daté de
i8q8, d'un sentiment grave
et mélancolique, d'une ad-
mirable tenue. A côté de
natures-mortes délicates et robustes, pois-
sons au riche coloris, objets d'argent,
plats, couteaux, cuillers, luisant douce-
ment contre la nappe, il groupe trois
études de "Bérénice devant la psyché" qui
notent les gestes de la coquetterie pué-
rile. Ces trois études sont délicieuses : la
fillette mire dans la glace son manège ingénu;
la couleur se répand sur la toile en couche
mince et fluide, des glacis retiennent à la
surface des choses uu merveilleux reflet d'or.
i 5 8
toutes les fiertés de la grande dame, toutes
les coquetteries de la mondaine, tout Lardent,
inquiet et précieux lyrisme d'une très moderne
Sapho. Peut-être souhaiterait-on voir à cette
hgure une grâce plus spontanée et plus fraîche.
Mais Antonio de La Gandara prête volontiers
à ses portraits une allure baudelairienne,
celle de personnes pâles et morbides, que
des rêves bizarres consument, retiennent un
peu à l'écart du plein jour et de la vie.
Quant au costume il est délicieux, traité
avec la discrétion dont j'ai parlé, harmonie
de bleu et argent, sur fond de velours obscur,
gaze verte oh les bras s'ennuagent, piquet
d'hortensia contre la gorge nue, satin qui
coule à longs plis, en miroitements doux,
tel un ruisseau au clair de lune. Espagnol
de race, Antonio de La Gandara doit à cette
hérédité de peindre le sombre luxe des étoffes
comme Velasquez.
Jacques-Emile Blanche est superbement
représenté au Salon de la a Société Nouvelles,
par des portraits, des études de femmes et
d'enfants, de prestigieuses natures-mortes.
11 a plus de variété que M. de La Gandara,
plus de naturel dans les ar-
rangements, plus de liberté
dans la facture. Lui ne pro-
cède pas de Velasquez, mais
de Lawrence, Reynolds et
Gainsborough. Il aime
comme eux la grâce saine
et fraîche, les gestes souples,
les regards vifs, les joues
roses, les lèvres brillantes,
annonçant la chaleur du
sang. Il a brossé selon leur
manière large et onctueuse,
sur des fonds de paysage
aéré, les plus aimables por-
traits de famille. Il a su ce-
pendant, pour les portraits
isolés, trouver un style
simple et sévère, évoquer
d'une atmosphère obscure,
— en leurs vêtements noirs,
d'où la blancheur émerge
seule aux poignets et au col,
des figures hautement intel-
lectuelles. Après Paul Adam,
Charles Cottet , Maurice
Barrés, Jules Chéret, Lucien
Simon, il nous montre un
Claude Debussy, plein de
vigueur et d'aisance, rêvant
à de subtiles musiques. R
expose aussi un portrait de
M"'° John Lemoine, daté de
i8q8, d'un sentiment grave
et mélancolique, d'une ad-
mirable tenue. A côté de
natures-mortes délicates et robustes, pois-
sons au riche coloris, objets d'argent,
plats, couteaux, cuillers, luisant douce-
ment contre la nappe, il groupe trois
études de "Bérénice devant la psyché" qui
notent les gestes de la coquetterie pué-
rile. Ces trois études sont délicieuses : la
fillette mire dans la glace son manège ingénu;
la couleur se répand sur la toile en couche
mince et fluide, des glacis retiennent à la
surface des choses uu merveilleux reflet d'or.
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