L'ART DÉCORATIF
Vers la Un du XVe siècle apparaît le
décor Horal, et chacun sait quels incompa-
rables chefs-d'œuvre ont produits les fabriques
de Damas et de l'Asie-Mineure, fabriques
mal déterminées encore, car il est peu vrai-
semblable que l'ile de Rhodes, par exemple,
ait joué dans l'histoire de la céramique le
rôle qu'on a prétendu lui attribuer ; c'est
C/zmzA?/zez* de CMzàre zzzcz*zzxA
AfüXXOZ//, /z;z dzz AY/A xz'èc/e (Collection de M. Edmond
sans doute entre des fabriques d'Anatolie
qu'il faut répartir les innombrables pièces
baptisées de son nom. Quoi qu'il en soit,
rien n'a jamais été fait de plus somptueux
que ces revêtements de murailles où, comme
à Damas, dans certains bains que l'avidité
des marchands n'a pas encore dépouillés,
des gerbes entières de Heurs sortent de
grands vases et s'épanouissent sur des pan-
neaux entiers, à moins que, comme dans
les mosquées de Brousse et de Constanti-
nople, ce soient des semis de roses, de
jacinthes et de tulipes, tantôt pris libre-
ment et plus souvent enserrés dans les ré-
seaux d'un dessin régulier. Mais ces Heurs,
l'artiste syrien ne les a pas copiées scrupu-
leusement, comme eût Dit un Chinois ou
un Japonais, désireux d'en rendre jusqu'au
moindre pétale ou à la plus Hne nuance; le
caractère décoratif seul l'intéresse, et quand
il les a bien déformées à son gré, mais tou-
jours dans l'eyjprzY de la plante, sa fantaisie
les pare des couleurs les plus éclatantes,
sans avoir cure de la réalité, tulipes bleues,
roses turquoise et mauve. Et avec cela
l'ensemble, prodigieusement décoratif,
paraît vrai. Qu'on jette un regard sur
un de ces plats de Damas où quelques
Heurs soigneusement nouées par la tige
forment le plus riche et en même temps
le plus invraisemblable des bouquets :
il faudra quelque temps pour distinguer
les invraisemblances, tant l'œil est sé-
duit par la composition et par le colo-
ris, tant la stylisation surtout est juste
et ingénieusement conçue en vue du dé-
cor. Rarement, certes, les plats de Rho-
des se peuvent comparer à ceux de
Damas, mais toujours le sens de la styli-
sation décorative s'y remarque, et par-
fois avec une étonnante acuité.
Les qualités qui nous font admirer
les cuivres incrustés d'argent et d'or
sont différentes, et c'est la beauté des
formes qui nous séduit dans ces ai-
guières, ces chandeliers et ces bassins,
en même temps que la somptuosité des
matières, auxquelle les temps a donné
parfois une patine d'une extraordinaire
profondeur ; mais le décor est toujours
conçu d'après un système analogue, et
ce sont encore des rinceaux et des Hgu-
Guérin) res stylisées. Le décor Horal, en effet,
n'existepassurlescuivres, car il n'ap-
paraît qu'à l'extrême Hn du XV^ siècle, et à
ce moment l'industrie du cuivre, dont le
beau moment a été le XIIL siècle et le
XlVy particulièrement à Mossoul et à Da-
mas et un peu plus tard en Perse et au
Caire, est en pleine décadence. Ces rinceaux
sont d'ordinaire inspirés des anciens arts de
l'Asie occidentale, de ceux que Byzance
porta à sa perfection, et l'extrême minutie
du travail n'enlève rien à la grandeur de
leur style; ils n'ont rien de géométrique,
comme on l'imagine parfois, mais sont au
contraire d'une incroyable souplesse et for-
ment des fonds parfaitement appropriés soit
aux frises d'inscriptions qui se détachent si
nettement en argent sur leurs enroulements
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Vers la Un du XVe siècle apparaît le
décor Horal, et chacun sait quels incompa-
rables chefs-d'œuvre ont produits les fabriques
de Damas et de l'Asie-Mineure, fabriques
mal déterminées encore, car il est peu vrai-
semblable que l'ile de Rhodes, par exemple,
ait joué dans l'histoire de la céramique le
rôle qu'on a prétendu lui attribuer ; c'est
C/zmzA?/zez* de CMzàre zzzcz*zzxA
AfüXXOZ//, /z;z dzz AY/A xz'èc/e (Collection de M. Edmond
sans doute entre des fabriques d'Anatolie
qu'il faut répartir les innombrables pièces
baptisées de son nom. Quoi qu'il en soit,
rien n'a jamais été fait de plus somptueux
que ces revêtements de murailles où, comme
à Damas, dans certains bains que l'avidité
des marchands n'a pas encore dépouillés,
des gerbes entières de Heurs sortent de
grands vases et s'épanouissent sur des pan-
neaux entiers, à moins que, comme dans
les mosquées de Brousse et de Constanti-
nople, ce soient des semis de roses, de
jacinthes et de tulipes, tantôt pris libre-
ment et plus souvent enserrés dans les ré-
seaux d'un dessin régulier. Mais ces Heurs,
l'artiste syrien ne les a pas copiées scrupu-
leusement, comme eût Dit un Chinois ou
un Japonais, désireux d'en rendre jusqu'au
moindre pétale ou à la plus Hne nuance; le
caractère décoratif seul l'intéresse, et quand
il les a bien déformées à son gré, mais tou-
jours dans l'eyjprzY de la plante, sa fantaisie
les pare des couleurs les plus éclatantes,
sans avoir cure de la réalité, tulipes bleues,
roses turquoise et mauve. Et avec cela
l'ensemble, prodigieusement décoratif,
paraît vrai. Qu'on jette un regard sur
un de ces plats de Damas où quelques
Heurs soigneusement nouées par la tige
forment le plus riche et en même temps
le plus invraisemblable des bouquets :
il faudra quelque temps pour distinguer
les invraisemblances, tant l'œil est sé-
duit par la composition et par le colo-
ris, tant la stylisation surtout est juste
et ingénieusement conçue en vue du dé-
cor. Rarement, certes, les plats de Rho-
des se peuvent comparer à ceux de
Damas, mais toujours le sens de la styli-
sation décorative s'y remarque, et par-
fois avec une étonnante acuité.
Les qualités qui nous font admirer
les cuivres incrustés d'argent et d'or
sont différentes, et c'est la beauté des
formes qui nous séduit dans ces ai-
guières, ces chandeliers et ces bassins,
en même temps que la somptuosité des
matières, auxquelle les temps a donné
parfois une patine d'une extraordinaire
profondeur ; mais le décor est toujours
conçu d'après un système analogue, et
ce sont encore des rinceaux et des Hgu-
Guérin) res stylisées. Le décor Horal, en effet,
n'existepassurlescuivres, car il n'ap-
paraît qu'à l'extrême Hn du XV^ siècle, et à
ce moment l'industrie du cuivre, dont le
beau moment a été le XIIL siècle et le
XlVy particulièrement à Mossoul et à Da-
mas et un peu plus tard en Perse et au
Caire, est en pleine décadence. Ces rinceaux
sont d'ordinaire inspirés des anciens arts de
l'Asie occidentale, de ceux que Byzance
porta à sa perfection, et l'extrême minutie
du travail n'enlève rien à la grandeur de
leur style; ils n'ont rien de géométrique,
comme on l'imagine parfois, mais sont au
contraire d'une incroyable souplesse et for-
ment des fonds parfaitement appropriés soit
aux frises d'inscriptions qui se détachent si
nettement en argent sur leurs enroulements
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