SANTIAGO RUSINOL
Après l'Alhambra et le Généralife le
peintre séjourne dans d'autres jardins, et ce
sont tour à tour ceux de San Domingo à
Grenade avec leurs lauriers énormes faisant
berceau, ceux de l'Alcazar de Séville, de la
Galiana près de Tolède, ceux de Valence et
de Cordoue, puis ceux moins connus de
Montjuich, de Valldemosa, de Montanya
qu'il fait vivre avec une vibrante intensité, avec
en même temps que la mer les enrichit
presque de sublime. Elle est sans cesse
présente ici. Dans les JurdhM.y Tz'ruite
elle semble avoir imprégné d'azur toutes
choses ; elle est là soyeuse et pâle, la Médi-
terranée d'automne, avec ses voiles blanches,
baignant le pied de la haute terrasse, sur
laquelle fleurit le miracle du jardin embaumé.
Le coin d'une vieille tour au-dessus de
un pinceau qui ne fuit pas les tons simples
et parfois un peu crus au premier abord.
Voilà quelques-uns des sujets que Rusinol
nous montrait chez Bing il y a quelques années.
Il reparaissait à l'avant-dernière exposition
de la Société Nationale avec six toiles plus
belles encore de couleur et plus riches en
sensations, et témoignant d'une plus grande
sûreté dans sa technique. Car s'il est un
reproche qu'on peut faire à ses paysages
d'autrefois, c'est qu'ils sont parfois un peu
étouffés, c'est qu'il n'y a guère en ceux-
ci qu'un premier plan, nous allons voir
par ces nouvelles vues combien sa manière
s'est élargie. Le voici, en effet, dans les
îles Baléares, dont les jardins sont plus
sauvages, plus abandonnés, plus abondants
en vastes perspectives que les jardins arabes,
laquelle un pin parasol épanouit sur le ciel
son dôme vert, des ifs indiquant les restes
des chemins, des saules qui font ici une
tache de vert plus clair, la vasque qui ré-
fléchit un coin de ciel bleu — tels sont
quelques-uns des éléments du tableau, mais
ce que je ne sais y mettre c'est la lumière
que le peintre verse ici à profusion.
Voici dans cette même série un JurahV
qui se rapprocherait un peu
comme sentiment de la villa Médicis de
Velasquez. C'est là encore un coin de
Majorque : un escalier de marbre entouré à
droite et à gauche par de véritables enche-
vêtrements de verdure et qui se rejoignent
en une sorte de portique au haut des marches
en surplombant une terrasse où de sa blanche
nudité un éphèbe domine une fontaine,
125
Après l'Alhambra et le Généralife le
peintre séjourne dans d'autres jardins, et ce
sont tour à tour ceux de San Domingo à
Grenade avec leurs lauriers énormes faisant
berceau, ceux de l'Alcazar de Séville, de la
Galiana près de Tolède, ceux de Valence et
de Cordoue, puis ceux moins connus de
Montjuich, de Valldemosa, de Montanya
qu'il fait vivre avec une vibrante intensité, avec
en même temps que la mer les enrichit
presque de sublime. Elle est sans cesse
présente ici. Dans les JurdhM.y Tz'ruite
elle semble avoir imprégné d'azur toutes
choses ; elle est là soyeuse et pâle, la Médi-
terranée d'automne, avec ses voiles blanches,
baignant le pied de la haute terrasse, sur
laquelle fleurit le miracle du jardin embaumé.
Le coin d'une vieille tour au-dessus de
un pinceau qui ne fuit pas les tons simples
et parfois un peu crus au premier abord.
Voilà quelques-uns des sujets que Rusinol
nous montrait chez Bing il y a quelques années.
Il reparaissait à l'avant-dernière exposition
de la Société Nationale avec six toiles plus
belles encore de couleur et plus riches en
sensations, et témoignant d'une plus grande
sûreté dans sa technique. Car s'il est un
reproche qu'on peut faire à ses paysages
d'autrefois, c'est qu'ils sont parfois un peu
étouffés, c'est qu'il n'y a guère en ceux-
ci qu'un premier plan, nous allons voir
par ces nouvelles vues combien sa manière
s'est élargie. Le voici, en effet, dans les
îles Baléares, dont les jardins sont plus
sauvages, plus abandonnés, plus abondants
en vastes perspectives que les jardins arabes,
laquelle un pin parasol épanouit sur le ciel
son dôme vert, des ifs indiquant les restes
des chemins, des saules qui font ici une
tache de vert plus clair, la vasque qui ré-
fléchit un coin de ciel bleu — tels sont
quelques-uns des éléments du tableau, mais
ce que je ne sais y mettre c'est la lumière
que le peintre verse ici à profusion.
Voici dans cette même série un JurahV
qui se rapprocherait un peu
comme sentiment de la villa Médicis de
Velasquez. C'est là encore un coin de
Majorque : un escalier de marbre entouré à
droite et à gauche par de véritables enche-
vêtrements de verdure et qui se rejoignent
en une sorte de portique au haut des marches
en surplombant une terrasse où de sa blanche
nudité un éphèbe domine une fontaine,
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