L'ART DÉCORATIF
sereines visions d'un Puvis de Ghavannes,
pour l'art puissant et sobre de Bartholomé.
Cependant, ces indications données, on
peut affirmer sans hésitation que Pauline
de Beaumont ne fut Pélève d'aucun maître.
Le procédé, le métier, la virtuosité pure
tiennent peu de place dans ses préoccupa-
tions et dans son art. A l'exemple et selon
le précepte de Corot, elle crut qu'il suffi-
rait de peindre «sentiment sur sentiment".
fini ", elle se sentit lentement pénétrer, en-
vahir et subjuguer par cette terre qui répon-
dait si bien aux besoins intimes de son âme.
La plaine de Lorraine devint sa terre de
prédilection : c'est à elle que l'artiste dut
ses plus grandes joies, ses plus belles ins-
pirations, ses œuvres les plus fortes et les
plus complètes. Elle y revint souvent et y
resta longtemps à travailler, avec passion,
dans la solitude des champs. Plus tard, dans
Zœ P;'//<3ge
Elle avait, au fond d'elle-même, l'horreur
des ateliers, le dégoût des leçons, la nos-
talgie de la campagne et de la liberté. Elle
dut cependant à ces séjours d'étude à Paris
un dessin plus sûr et plus ferme, une pa-
lette plus claire et plus étendue, une recheche
plus subtile des effets de lumière, un sens
plus intime et plus juste des valeurs.
Chose curieuse! Ce fut un séjour, dû
aux hasards de l'amitié, qu'elle fit en 1889
dans la campagne de Lorraine, dans la
bourgade de Chaîmes, non loin du village
de Chamagne où naquit Claude Lorrain, qui
lui révéla à elle-même, et qui révéla aux
autres, toute la puissance et toute l'étendue
de son art de paysagiste.
Elle ne fut pas prise d'emblée par le
charme profond et mélancolique de cette
plaine lorraine, mais peu à peu, «à regarder
labourer les champs qui s'en vont à fin-
ies dix dernières années de sa vie, l'artiste
ht de longs séjours d'études en Italie, com-
prenant et goûtant maintenant, dans la
plénitude de sa beauté, la grâce sobre, déli-
cate et forte de la campagne toscane, la
couleur intense et la lumière divine de la
Sicile, les belles lignes calmes, graves et
nobles des collines qui entourent Rome. Ses
paysages delà maremme toscane à Montiano,
ses admirables pochades de Naples et de
Messine, ses sommaires et magistrales études
du Monte-Parioli à Rome, montrent chez
elle un rajeunissement de la vision, une
maîtrise plus large de la facture, une sobriété
croissante des movens qui feraient d'elle un
grand paysagiste, si elle ne l'était déjà par
l'intensité de l'émotion intime et du senti-
ment poétique.
C'est dans cette plénitude de son talent,
qu'une maladie implacable vint la saisir à
15o
sereines visions d'un Puvis de Ghavannes,
pour l'art puissant et sobre de Bartholomé.
Cependant, ces indications données, on
peut affirmer sans hésitation que Pauline
de Beaumont ne fut Pélève d'aucun maître.
Le procédé, le métier, la virtuosité pure
tiennent peu de place dans ses préoccupa-
tions et dans son art. A l'exemple et selon
le précepte de Corot, elle crut qu'il suffi-
rait de peindre «sentiment sur sentiment".
fini ", elle se sentit lentement pénétrer, en-
vahir et subjuguer par cette terre qui répon-
dait si bien aux besoins intimes de son âme.
La plaine de Lorraine devint sa terre de
prédilection : c'est à elle que l'artiste dut
ses plus grandes joies, ses plus belles ins-
pirations, ses œuvres les plus fortes et les
plus complètes. Elle y revint souvent et y
resta longtemps à travailler, avec passion,
dans la solitude des champs. Plus tard, dans
Zœ P;'//<3ge
Elle avait, au fond d'elle-même, l'horreur
des ateliers, le dégoût des leçons, la nos-
talgie de la campagne et de la liberté. Elle
dut cependant à ces séjours d'étude à Paris
un dessin plus sûr et plus ferme, une pa-
lette plus claire et plus étendue, une recheche
plus subtile des effets de lumière, un sens
plus intime et plus juste des valeurs.
Chose curieuse! Ce fut un séjour, dû
aux hasards de l'amitié, qu'elle fit en 1889
dans la campagne de Lorraine, dans la
bourgade de Chaîmes, non loin du village
de Chamagne où naquit Claude Lorrain, qui
lui révéla à elle-même, et qui révéla aux
autres, toute la puissance et toute l'étendue
de son art de paysagiste.
Elle ne fut pas prise d'emblée par le
charme profond et mélancolique de cette
plaine lorraine, mais peu à peu, «à regarder
labourer les champs qui s'en vont à fin-
ies dix dernières années de sa vie, l'artiste
ht de longs séjours d'études en Italie, com-
prenant et goûtant maintenant, dans la
plénitude de sa beauté, la grâce sobre, déli-
cate et forte de la campagne toscane, la
couleur intense et la lumière divine de la
Sicile, les belles lignes calmes, graves et
nobles des collines qui entourent Rome. Ses
paysages delà maremme toscane à Montiano,
ses admirables pochades de Naples et de
Messine, ses sommaires et magistrales études
du Monte-Parioli à Rome, montrent chez
elle un rajeunissement de la vision, une
maîtrise plus large de la facture, une sobriété
croissante des movens qui feraient d'elle un
grand paysagiste, si elle ne l'était déjà par
l'intensité de l'émotion intime et du senti-
ment poétique.
C'est dans cette plénitude de son talent,
qu'une maladie implacable vint la saisir à
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