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L’ART FRANÇAIS

d’une façon intéressante pour tout le monde. C’est si beau l’antiquité 1 » L’éducation
qu’il avait reçue ici lui permettait cette profession de foi ; il n’avait pas besoin d’ériger
l’ignorance en esthétique.

Les facultés dont nous venons de constater l’éveil, l’école des Beaux-Arts et l’atelier
les développèrent avec une rapidité dont je ne connais pas d’exemple aussi surprenant
dans l’histoire des maîtres les plus précoces. Ses portraits, ses natures mortes ou
vivantes, ses paysages, ses études historiques de ce temps-là sont plus que des essais ;
plusieurs sont des œuvres définitives.

La passion de la lumière et de la couleur s’était réveillée en lui : « Si le poète, écrit-
il, aime l’hiver, les veillées au coin du feu, nous autres peintres nous abhorrons tout
ce qui n’est pas la lumière, la belle lumière, le beau soleil, la belle chaleur qui nous
permet de travailler en chemise et en pantoufles. Nous ne pouvons pas peindre, les
pieds dans une chancelière; il nous faut la liberté de nos mouvements, il nous faut le ciel
bleu. Peut-être plus tard, dans mes voyages, trouverai-je un climat plus égal que le nôtre,
où le bleu sera toujours au-dessus de moi. Haine au gris ! C’est là mon cri de guerre.»

J’admire comme vous, messieurs, cette profession de foi pleine d’élan. Pourtant, je
serais tenter de discuter un peu le « cri de guerre » final. A le mal comprendre, on
risquerait de s’égarer. Régnault voulait dire que les tableaux doivent être colorés, et il
avait raison ; mais il ne faut pas proscrire absolument le gris. Ce peut être une jolie
couleur et capable de grands services. Sans elle, en effet, il n’y a ni demi-teintes, ni
clair obscur, ce double charme de la peinture ; il n’y a pas davantage de modelé éner-
gique, car le relief s’obtient par la gradation des valeurs, l’opposition des ombres et de
la lumière, la distinction des plans, et tout cela c’est du gris. La palette d’où le gris
est absent ne connaît guère la délicatesse et risque de fournir de la brutalité lorsqu’on
lui demande de la vigueur. Or, si j’avais à apprécier complètement le talent de
Régnault, je serais bien obligé de vous dire que le relief et la perspective lui ont
manqué parfois. Aimons la couleur et la lumière, qui sont la vie de l’art, mais ne détes-
tons pas le gris qui peut en être le charme; soyons forts, si nous pouvons, mais
tâchons d’être fins ; sans cela, nous ne serions qu’à moitié français.

Mais je ne veux pas discuter, messieurs; je ne songe pas même à vous dire ce que
fut la glorieuse carrière de votre camarade, avec quelle fécondité et quelle force, en
quatre ans, de l’école des Beaux-Arts au champ de bataille de Buzenval, il obéit aux
trois inspirations qui se partagèrent la direction de son talent : l’antiquité, avec Vêturie
et Coriolan, Orphée aux enfers, Thétis et Achille, ^Automédon, Judith et Holopherr.e ; ’a
vie contemporaine, avec le Portrait de Mme Duparc, la Madrilène, le Toréador, Juan
Prim ; l’Orient avec Salomé, le Départ pour la fantasia, l’Exécution à Grenade, la Sortie
du pacha. Après Ingres et Delacroix, on pouvait espérer que cette succession d’œuvres,
dont plusieurs sont des chefs-d’œuvre, allait inaugurer une nouvelle école de l’art
français ; ce qui était certain, c’est qu’il y avait là un génie déjà maître de lui-même,
possédant au suprême degré le sens de la couleur et de la lumière, la science de la
composition, l’amour de la vie et de la vérité, qualités communes en tout temps chez
nos peintres, mais auxquelles il joignait l’originalité profonde qui fait les novateurs.

Si vous voulez bien connaître Régnault, adressez-vous aux maîtres qui ont jugé
chacune de ses œuvres dès leur apparition et aux écrivains attirés par cette noble
figure ; et puissé-je simplement vous inspirer le désir de l’étudier avec eux.

Il ne me reste donc plus qu’à vous dire comment il est mort. La nouvelle de la
guerre fatale le surprit en Afrique, à Tanger, où il comptait passer de longs mois avec
Georges Clairin, méditant et préparant de grands travaux. Exempté du service militaire
par le prix de Rome, il n’a plus qu’une pensée : courir au secours de la patrie, si la
victoire ne lui est pas fidèle. Vous savez quelle série de revers la fortune nous réservait en
quelques jours ; il les pressent et se prépare au départ : « Je voudrais bien être à mon
poste, écrit-il, et, si les choses vont mal, je n’y serai pas le dernier I Un être inutile à
son pays ne doit plus se rencontrer en France, sous aucun toit. Il est du devoir de tous
de marcher et de soutenir honorablement son titre de Français, qui ne doit pas devenir
synonyme d’égoïsme, de lâcheté, de mollesse. »

Quelques jours après cette lettre, il est à Paris, et s’engage dans les bataillons de
marche. Tandis que ses camarades, soldats improvisés comme lui, apprennent leur
métier à la hâte, cette attente est trop longue pour son impatience ; il brûle de voir
l’ennemi de près. Il passe donc dans une compagnie de francs-tireurs et fait le coup de
feu aux avant-postes, puis, lorsque ses premiers compagnons d’armes sont en état d’entrer
en ligne, il reprend sa place au milieu d’eux et refuse le grade qui lui est offert ;
« Vous avez en moi un bon soldat, dit-il à son capitaine, ne le perdez pas pour en faire
un officier médiocre. » C’est, en effet, un bon soldat, acceptant tout, besognes, fatigues
et dangers, tantôt avec une résignation stoïque, lorsque l’inutilité de l’effort lui apparaît
dans une heure de clairvoyance, le plus souvent avec la bravoure insouciante et la
bonne humeur de notre race, avec cette confiance obstinée que nous avions tous au
cœur et qui nous défendait de mettre en doute les destinées de la patrie.

Le siège se prolonge, au milieu de la neige et du froid; Régnault couche dans la
tranchée, au milieu de ses camarades que l’on relève gelés. Dans les intervalles des
combats, il court à Paris et reprend ses pinceaux pour exécuter de merveilleuses aqua-
relles où il s’efforce, par l’évocation de l’Orient et du soleil, d’oublier le ciel livide qui
pèse sur sa tête. Puis, un matin, dans les brouillards de janvier, il monte à l’assaut
d’un mur qui vomit le feu et, sans reculer d’un pas, combat sous Buzenval, aux cotés
de Clairin. Ne croit-on pas voir dans ces deux jeunes hommes, unis d’une amitié si
étroite, braves avec tant de simplicité, le groupe antique de Nisus et Euryale ? Le
jour passe, la nuit tombe, et la position n’est pas emportée. Un dernier effort, cepen-
dant, pourrait assurer la victoire et voilà que la retraite sonne au bas du coteau ; il
faut descendre, il faut abandonner le terrain conquis, fouler aux pieds nos morts dont
le sacrifice reste inutile. Régnault pleure de rage et ne veut pas suivre la retraite ; il se
résigne à obéir, cependant, et dit à Clairin : « Il me reste une cartouche, je la brûle et
je reviens. » A la lueur des derniers coups de feu, il s’enfonce dans l’ombre grandis-
sante et on ne le revit que mort, frappé d’une balle à la tempe, le front haut et tourné
vers l’ennemi.

Pendant un jour et une nuit Clairin parcourut le champ de bataille retournant les
morts, explorant les fossés et refusant de croire à la nouvelle qui circulait dans le
camp. Le lendemain il ne pouvait plus douter. Jules Claretie, Carolus Duran et Jacques
Grancey avaient vu le cadavre couché sur le dos et la face vers le ciel. Enfin, cinq
jours après, Clairin le retrouvait au Père-Lachaise, et faisait la toilette funèbre du
cadavre, encore couvert des feuilles mortes sur lesquelles il était tombé et de la boue
sanglante du champ de bataille ; puis, au son des tambours voilés, ses camarades, en
tenue de combat, lui rendaient les derniers honneurs, tandis qu’à Rome le sculpteur
Mercié, sous le coup de la nouvelle qui consternait les pensionnaires de l’Académie de
France, creusait dans la glaise l’esquisse de son Gloria victis.

-*-?-•

jïLCHO s Artistiques

On remarquait, au Salon de cette année, une statue de Voltaire à l'âge de
soixante ans, tel que ses portraits nous le montrent lorsqu’il vint s’établir à
Ferney, en 1758, déjà courbé et amaigri, appuyé sur une canne, mais le
visage souriant avec finesse.

L’auteur de cet ouvrage, M. Emile Lambert, propriétaire du château de
Voltaire, sur la demande qui lui en a été faite, l’a offert gracieusement à la
commune de Ferney-Voltaire, reconnaissant que la place naturelle de cette
statue était au centre de la petite ville dont Voltaire est le fondateur. La
statue, de deux mètres de hauteur, vient d’être coulée en bronze et sera
bientôt érigée sur la place de la mairie, à Éerney, qui deviendra « place
Voltaire ».

M. Lambert,, élève de Franceschi, est l’auteur de la statue de Voltaire à
vingt-cinq ans qui a été érigée dans la cour de la mairie du 9e arrondisse-
ment. Ce sera la ,huitième représentation de Voltaire en France; il existe
déjà les statues de Pigalle à l’Institut, de Houdon à la Comédie-Française,
celles de la rue Monge, du boulevard Voltaire et du quai Malaquais à Paris,
enfin celle de Syamour à Saint-Claude ; mais toutes l’offrent à nos regards
sous les traits d’un vieillard octogénaire. Les deux statues de la mairie
Drouot et celle qui va être inaugurée à Ferney comblent une lacune et nous
donnent Voltaire à vingt-cinq et à soixante ans.

Le conseil municipal de Ferney s’est incrit pour 1,000 francs en tête de la
souscription ouverte pour le piédestal.

X

On commence à s’occuper, à la direction des Beaux-Arts, du projet déjà
connu, tendant à compléter les peintures murales du Panthéon par une
décoration sculpturale, dans laquelle entrerait la construction de plusieurs
monuments commémoratifs, entre autres celui de Hoche et de Kléber, dont
le président de la République a posé l’autre jour la première pierre.

D’après le projet qui est à l’étude, les oeuvres d’art à exécuter seraient
divisées en deux parties : les unes confiées directement à des artistes choisis
par la commission de décoration de ce monument, tandis que d’autres
seraient mises au concours.

Quatre grand monuments semblent devoir entrer dans l’ensemble décoratif
sculpturale de l’édifice. Us seraient placés : un, dans chacune des deux
anciennes chapelles, alors que le Panthéon était affecté au culte; le troisième,
à l’extrémité de l’édifice, à la place actuellement occupée par l’orgue, et enfin
le quatrième, au centre même de l’édifice, sous la coupole.

Ce dernier monument aurait des proportions considérables et formerait, en
quelques sorte, l’apothéose des hommes de la Révolution.

X

Après environ quinze mois de travaux suivis pour transformer- l’ancien
hôtel de Chimay en galeries destinées à agrandir l’école des Beaux-Arts, tout
est resté en suspens depuis le commencement de l’année, faute d’argent.

La direction des Beaux-Arts va se mettre en mesure de faire reprendre
cette entreprise pour la campagne d’hiver, les travaux à exécuter devant
porter à peu près exclusivement sur la décoration et l’aménagement des
nouvelles salles.

On sait que, par la face postérieure, l’ancien hôtel de Chimay, qui a son
entrée principale sur le quai, communique avec l’école des Beaux-Arts.

X

Nous appelons l’attention de nos lecteurs sur une publication qui est
appelée à rendre les plus grands services aux collectionneurs et aux amateurs
sérieux ; la REVUE DES MUSÉES.

A partir d’aujourd’hui, la rédaction de la «Revue des Musées» (bi-men-
suelle) est ainsi composée :

Rédacteur en chef : M. Firmin Javel,

Secrétaire de la rédaction : M. Arsène Alexandre.

Archiviste : M. Bernard Prost.

Principaux collaborateurs ; MM. Paul Arène, Henri Bouchot, Robert
Cazin, Ernest Courbet, Edouard Estaunié, Marcel Fouquier, Alexandre
Georget, Paul Ginisty, Félix Jeantet, Gustave Sauger, Henri Soulière,
Albert Tournier, etc.

La première livraison de la nouvelle série qui paraîtra prochainement con-
tiendra les reproductions de six des moins connues et des pius admirables
toiles de Corot, accompagnées d’une étude de notre éminent collaborateur.,
M. Paul Arène, sur le maître de Ville-d’Avray,

Le Gérant : SILYESTRE

Paris, — Glyptographie SILVESTRE & G", rue Obe.karopf, 91
 
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