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L’ART FRANÇAIS

et à force de temps qu’on le chasse de ses veines. Voyez combien de siècles nous nous
sommes débattus sous la tyrannie de l’art italien. Pour éliminer cette influence, notre
effort a été constant, — et elle nous resaisissait sans trêve, — et ce n’est que d’hier
qu’elle est éliminée. Que sommes-nous de tempérament ? Rationalistes et réalistes,
amoureux de la nature, observateurs attendris de la vie vivante. Qu’avait-on fait de nous ?
Des rhéteurs d’académie voués à l’exploitation de certaines formules. Chez quelques-
uns l’indépendance gauloise se révoltait. Il y a toujours des Lenain, des Watteau, des
Chardin en France pour se dérober à la convention et faire de l’art français à leur
guise. JL’académisme, maître de l’éducation publique, détourne les jeunes gens de suivre
leur exemple. C’est à merveille : les médiocrités se donneront carrière ; notre naturelle
originalité mettra plus de temps à se dégager de ce fatras; mais, soyez tranquilles, eile-
finira par se reconquérir. Or, aujourd’hui — j’en prends à témoin tous ceux qui ont
visité l’Exposition — elle s’est pleinement, superbement reconquise. Cette Exposition
marque une date vraiment grande et glorieuse, infiniment plus glorieuse et bien autre-
ment grande que plusieurs ne le croient : celle de notre définitif affranchissement
esthétique.

» Le Français était sorti de sa voie de sincérité et de logique : il y est rentré. Il avait
sacrifié l’humaine simplicité de l’art de ses pères aux complications d’un art étranger ;
il revient, non aux procédés, mais au goût de vérité de ses pères. La beauté qu’on
mettait, hier, dans le tracé d’une arabesque, il la met, à présent, dans le rendu de la
vie totale des êtres, dans l’expression profonde et immédiate de leur activité, de leur
intimité.

» Plus de types généraux : nous entendons faire le portrait de notre temps sous tous
ses aspects. Plus de combinaisons de lignes sacramentelles : tout ce qui n’est pas
imprévu, saisi sur nature, nous est indifférent. Attentifs à la réalité changeante ou per-
manente des choses, rationalistes, observateurs de l’universelle vie et des existences
particulières ainsi qu’autrefois, nous nous abandonnons à l’immense variété des spec-
tacles, et plus rien ne tombe de nos mains où ne s’accuse ce que j’oserai appeler, par
un jeu de mots à la vieille mode, le sentiment de la logique et la logique du
sentiment.

» Je vais au Champ-de-Mars ; je regarde les façades de ces palais qui forment un si
majestueux ensemble. Presque partout éclate honnêtement la rationalité de la cons-
truction. Chaque chose est en sa place normale ; les matériaux se dévoilent d’eux-
mêmes à nos yeux et, par leur juxtaposition très franche, en des cadres bien apparents,
suivant des lignes nettement conduites, contribuant essentiellement à la décoration des
édifices. Puis les couleurs choisies de tous côtés sont claires et transparentes, brillantes
et non brutales, faites pour s’accorder entre elles dans une vaste unité. Pour la première
fois l’oeil éclairci de notre école de peinture a influencé les architectes — et c’est un
grand bienfait. Enfin, si j’envisage la décoration intérieure, j’aperçois en maint endroit,
parmi beaucoup de bananlités et de redites, une tendance très accentuée à caractériser
une industrie ou une province non par de vains attributs, mais par des motifs tirés de
la production de cette province, de l’outillage ét des produits de cette industrie. Sans
doute, vous noterez en cet ordre d’idées des maladresses, des puérilités, des mauvais
goûts et même du ridicule; mais il n’importe : le branle est donné, et c’est un heureux
branle, celui qui des insipides généralités nous mène aux particularités expressives. Et
ne vous y trompez pas, c’est un retour à l’esprit de nos anciens art: .

» Je vais maintenant au Trocadéro : j’y visite une incomparable exposition d’objets
d’art du treizième au dix-huitième siècle. Il y a là d’étonnants chefs-d’œuvre — et en
quantité. Cependant une remarque m’impressionne : ces pièces rares que nous admirons
sont le fait de ce qu’on appelle, -avoc une nuance de dédain, les industries d’art. Nous
voulons y vouloir, si belles qu’elles soient, la main d’un ouvrier, point du tout
celle d’un artiste... et du diable si je sais pourquoi !... Mais, là-dessus, rentrant dans les
galeries du Champ-de-Mars,je suis frappé du nombre et de la quantité de morceaux dits,
précisément, d’art industriel. J’entends, par exemple, s’exalter les enthousiasmes — et
le plus justement du monde — en l’honneur de M. Emile Gallé, de Nancy, verrier,
céramiste et fabricant de meubles. A l’un de mes amis que je savais naguère en des
idées arriérées et que je vois s’échauffer d’admiration, j’objecte, non sans malice —
« Mais ce n’est qu’un céramiste, qu’un verrier, qu’un industiei. « Il me répond sèche-
ment : « C’est un maître... » En vérité, messieurs, le progrès n’est pas seulement dans
la production ; il est aussi dans le public.

» Finissons-en une bonne fois avec le préjugé qu’il n’y a point d’art sérieux, dans
le domaine plastique, en dehors de la peinture et de la sculpture. On peut mettre de
l’art en n’importe quel objet pratique, en un pot à fleurs comme en un bijou, en une
table comme en une pendule. Renonçons de grâce, pour la sculpture et la peinture, à
cette appellation surannée : les beaux-arts. Y a-t-il donc des arts qui sont beaux et
d’autres qui ne le sont pas ? Nous voyons, à l’Exposition, de l’art partout, et du plus
noble et du plus libre — de l’art fait de logique et de sincérité. Comment ne pas
constater qu’à cet égard encore l’esprit français se reconquiert ?

» Que s' l’on pousse aux galeries réservées aux œuvres de nos peintres et de ncs
statuaires depuis cent ans, on y est émerveillé de l’effort, instinctif ou raisonné, mais
ncessant pour échapper aux lieux communs. David, créateur d’une théorie académique,
n’est réellement supérieur que lorsqu’il l’oublie en traitant un sujet moderne. Gros,
Géricault, Delacroix, à des points de vüe divers, cherchent le drame, Ingres, comme
David, son maître, excelle surtout dans le portrait. Corot, Millet, Courbet, Manet, nous
introduisent à l’étude de l’ambiance lumineuse, à la peinture des mœurs de l’histoire
et, finalement, aux recherches de la couleur, de la lumière en plein air. En sculpture,
on revient, avec Rude, David d’Angers, Carpeaux et Barye au naturel, au mouvement,
à l’intime pénétration des caractères. Que dirai-je ? C’est partout le triomphe de la vie
sur les formules. Les classiques ont fait de leur mieux pour empêcher l’avènement de
ces idées, si françaises puisqu’elles dérivent de l’esprit d’analyse, et peut-être les derniers
tenants des doctrines italo-romaines n’ont-ils pas encore désarmé. Mais bah 1 Nous n’y
prenons garde. L’Exposition centennale nous montre le développement de notre école,
originale en dépit de tous les obstacles, et cela nous suffit. Nous devions parvenir par

la force des choses, ou plutôt par la puissance de la logique, là où nous sommes
parvenus. La haute rationalité des aïeux a repris possession de l’intelligence française

» Non seulement nous n’imitons plus les étrangers, à cette heure, mais les étrangers
nous imitent.

» Messieurs, je ne crois pas devoir m’étendre davantage. Je voulais indiquer tout
uniment ce point de vue : que cette manifestation solennelle de 1889 consacre notre
émancipation esthétique. Nul d’entre vous, à ce qu’il me paraît, n’en saurait douter
maintenant.

» Mais permettez-moi, en terminant, de vous adresser deux conseils en guise de corol-
laire.

» Quand vous serez de retour dans vos provinces, messieurs, placez au premier rang
des richesses de vos Musées, et dans la plus belle lumière, les œuvres de l’école fran-
çaise. Elle n'a été que trop longtemps méconnue et elle vaut bien qu’on la connaisse.

» Et, en second lieu, étudiez avec amour dans le passé et encouragez autour de vous,
dans le présent, la production des objets d’arts appliqués à la vie. Le peuple le plus
grandement, le plus sainement artiste n’est pas celui qui produit le plus de chefs-
d’œuvre de cabinet, mais celui qui met le plus d’art aux objets pratiques, aux choses
les plus simples. Il faut faire entrer de l’art dans la vie, messieurs. C’est le plus sûr
moyen de faire entrer de la vie dans l’art. »

-$--

pCHOS ARTISTIQUES

On n’a pas oublié le succès obtenu à l’exposition de la caricature française,
par les statuettes et bustes-charges de célébrités du règne de Louis-Philippe,
de Dantan jeune.

Ces bustes et statuettes, donnés par Mme veuve Dantan à la ville de Paris,
vont être exposés au musée Carnavalet.

X

M. Frémiet, auteur des deux statues de Jeanne d’Arc, vient d’adresser la
lettre suivante à M. le maire de Nancy ;

« Monsieur le Maire,

» Je vous remercie bien vivement des sentiments très flatteurs exprimés
dans votre lettre. Mon désir est extrême d’avoir ma statue de Jeanne d’Arc
érigée sur une des belles places de Nancy.

» C’est peu de temps après la guerre que M. Jules Simon, alors ministre,
fit appel à mes sentiments pour que la statue de Jeanne d’Arc, qu’il voulait
me commander, fût d’une dépense aussi restreinte que possible ; je m’arran-
geai, aidé par le bon vouloir de mon fondeur, pour livrer la statue en bronze
au prix de 24,000 fr., sans le socle, bien entendu.

» Les frais exacts, de son exécution totale (déboursés pour sculpture et
fonte), sont de 17,500 fr. C’est pour cette dernière somme que je donnerais
la statue destinée à la ville de de Nancy.

» Quant au socle, je le désirerais très simple et assez bas. Je proposerais de
le Lire en pierre dure de Lorraine, Comblanchien ou autre, et je voudrais
que la moulure inférieure fût en forme de banc, sans grille, afin que le pu-
blic pût venir s’asseoir sur ce banc et faire ainsi du monument un endroit
hospitalier et vivant. Ce socle coûterait de 4,600 à 5,000 francs.

» Je n’ai plus, maintenant, qu’à vous exprimer tous mes vœux pour la
réalisation de notre projet, qui a, pour moi, le double attrait d’espérer voir
voir mon œuvre placée dans un centre aussi artistique que la ville de Nancy,
et, pour ainsi dire, dans le pays de Jeanne d’Arc ».

Ajoutons que la souscription ouverte à Nancy, pour l’érection, dans cette
ville de la statue de Jeanne d’Arc, par M. Frémiet, réunissait, au 19 août,
une somme totale de 1,641 fr. 50.

X

Le ministre des Beaux-Arts vient de commander au sculpteur Ludovic
Durand le buste en marbre de l’amiral de Gueydon, pour le musée histori-
que de Versailles.

X

Maurice Sand, fils de Georges Sand, de son vrai nom Maurice Dudevant,
vient de mourir à Nohant, des suites d’une maladie de langueur, à l’âge de
soixante-six ans.

Ecrivain et artiste de talent, Maurice Sand a publié de nombreux livres :
«Callirohé, Miss Mary, la Fille du Singe, etc.); il fut l’élève de Delacroix et
exécuta entre autres une série de compositions pour une édition encore à
paraître de Rabelais. C’est à lui qu’on doit l’invention des marionnettes fran-
çaises qui obtinrent un grand succès au théâtre de Nohant.

En 1850, il fut nommé maire de Nohant-Vie. En 1862, il avait épousé
Mlle Lina Calamatta, fille de l’éminent graveur.

Entre autres collections, M. Maurice Sand, qui fut un dessinateur distin-
gué, ainsi qu’en témoignent ses « Masques et Bouffons », avait réuni une
collection des plus intéressantes, au point de vue artistique, de boutons de
tous les âges et de tous lés pays.

Les obsèques ont eu lieu au château de Nohant. Une foule émue et recueillie
a suivi jusqu’à sa dernière demeure le fils de celle que les habitants du pays
appelaient «la bonne dame».

Le Gérant : SILVESTRE

Paris, — Glyptograpliie SILVESTRE 4 C“, rue Übcrkampf, 07
 
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