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L’ART FRANÇAIS

L’EXPOSITION DÉCENNALE

(suite)

MM. Edouard Détaillé et Benjamin-Constant se partagent
l’admiration des visiteurs de la salle V. Le premier expose entre
autres ouvrages, une grande toile que nous voyons pour la pre-
mière fois : les Cosaques de P Al aman, garde impériale russe, et qui
appartient à l’Empereur de Russie.

Un régiment de cavalerie, musique en tête, s’avance sur un
chemin que bordent, de chaque côté, des prairies et des champs
de labour. Les hommes sont fièrement campés sur leurs montures
et la petite troupe s’ébranle d’une allure cadencée, rhytmique.
Rien n’est plus harmonieux que le contraste des tuniques bleues
avec le ton uniformément roux delà robe des chevaux. Sur la
droite, on aperçoit, au loin, un village dont le soleil d’été dore les
angles supérieurs des toits.

La disposition générale du tableau est simple, le dessin en est
précis sans sécheresse, et la couleur en êst séduisante. C’est là
une oeuvre considérable, dont l’intérêt documentaire suffirait à
justifier le succès.

M. Détaillé n’est pas moins heureux dans une autre composi-
tion, également destinéeauczar, Bivouac du bataillon des tirailleurs
de la famille impériale. C’est l'heure du concert en plein air. Assis
sous un toit de chaume, les officiers écoutaient la musique; parmi
eux, Je jeune maître s’est représenté lui-même observant et jetant
sur son album les croquis à l’aide desquels il devait restituer cette
pittoresque vision.

L’exposition de M. Edouard Détaillé comprend encore le Rêve,
cette page importante qui valut au jeune maître la médaille d’hon-
neur du Salon de 1888, et qu’on reverra ici avec le plus vif
intérêt; Un officier du je régiment de hussards en 1S06, et une scène
de genre intitulée « Son ancien régiment » : un ouvrier, au bord
d’une route, salue respectueusement un régiment qui passe, le
régiment auquel il est fier d'avoir appartenu.

Ces œuvres, choisies avec goût dans les dernières productions
de M. Edouard Détaillé, montrent sous des faces diverses un
talent aujourd’hui incontesté, et expliquent la haute situation que
le peintre du Rêve a si rapidement conquise.

A côté de M. Détaillé, triomphe également, comme je l’ai dit,
M. Benjamin-Constant. Le peintre des Cherijas est, lui aussi, un
jeune, et iui aussi est un maître. N’eût-il jamais exposé que cet
étonnant tableau de la Soif, qu’il eût déjà pris rang parmi nos
premiers « orientalistes ». Mais il a produit bien d’autres œuvres
de mérite, et on verra ici rassemblées les principales; les Schérifas,

— la Justice du Schérif., — le Passe-temps d’un Kalife, —■ le Lende-
main d’une victoire à VA lhambra,—deux portraits de femmes,
d’une saisissante originalité, — et enfin, la Soif dont je parlais
tout à l’heure.

Je me souviens que cette xoWtfit sensation au Salon de 1878 !
(comme on dit dans le jargon des ateliers). Et je me rappelle aussi
avec quel enthousiasme l’accueillit Paul de Saint-Victor, qui en
donna la description suivante ;

« Une troupe enchaînée de prisonniers marocains vient de rencontrer dans
le désert une flaque d’eau saumâtre étalée entre deux bandes de sable jau-
nâtre. Ils s’y précipitent à plat ventre, ils boivent avidement, furieusement,
comme des damnés devant qui jaillirait une source échappée des sourtrières
de l’Enfer : on entend claper leurs lèvres brûlées. L’aga qui conduit leur
chaîne les regarde boire du haut de son cheval gigantesque, avec une fiére
arrogance. Plus loin, un argousin subalterne, accroupi dans une posture de
canapé égyptien, laissant pendre ses bras de singe sur son burnous blanc,
un long fusil en arrêt entre ses genoux, fait sur le sol blafard la tache et la
grimace d’un Djinn malfaisant.

» Le dessin est celui d’un croquis sommaire ; la rangée des buveurs

ne fait qu’un paquet de jambes enchevêtrées et de dos plaqués, sans qu’une
attitude contraste avec l’autre. Lé cavalier se dresse sur leur file aplatie,
comme un point d’exclamation à ia fin d’une ligne. A l’autre bout du tableau,
le petit moricaud assis s’étale entre deux longs vides, comme un pâté d’encre
sur une page blanche. Mais cette exécution bizarre, et qui doit être d’une
vérité bien locale, ne fait qu’aviver ici l’étrangeté du morceau. On est saisi
et on est mordu ; la scène se grave à l’eau-forte sur la mémoire et n’en sera
plus effacée. »

Il y a dix ans et plus que ces lignes furent écrites, et l’éloge est
encore, aujourd’hui, absolument justifié.

M. Benjamin-Constant, et c’est bien ce dont je le féliciterai,
s’est — qu’on me passe l’expression — relevé de ce premier succès,
ainsi que le prouvent ses autres ouvrages dont j’ai transcrit les
titres tout à l’heure. Combien, à sa place, eussent été étouffés sous
cette pluie de fleurs !... Mais le peintre de la Justice du Schérif est
doué d’un talent robuste et d’une incomparable virtuosité.

__»________yg____— _ . .

DONS DE TABLEAUX

L’un des plus importants tableaux de J.-F. Millet, les Glaneuses,
qui figure à l’exposition centennaie du Champ-de-Mars, a été
acheté dernièrement par Mme veuve Pommery, de Reims, à
M. Bischoffshcim et offert au Musée du Louvre.

Mme veuve Pommery avait fait pousser les enchères d’un autre
tableau de Millet : Y Angélus, jusqu’à 300,000 francs pour l'offrir
à l’Etat.

Le tableau les Glaneuses a figuré au Salon de 1857. Il a été
peint deux ans avant Y Angélus. Il est beaucoup plus important
que ce dernier tableau : il mesure 82 centimètres de hauteur sur
1 m. 10 en largeur.

Son sujet a été vulgarisé par la gravure ; trois glaneuses ramas-
sent des épis; au fond, les moissonneurs lient les gerbes, les
chargent sur une charrette et font des meules, sous l'œil du
fermier à cheval.

On nous informe, d’un autre côté, que Mme veuve Maurice
Cottier a légué au musée du Louvre son admirable collection de
tableaux modernes comprenant, entre autres chefs-d’œuvre, la
Bataille des Cimbres, l’œuvre la plus importante de Decamps ; les
Murs de Rome et Y A nier, du même maître.

Citons encore une œuvre remarquable de Troyon, Pâturage de
la Touraine près Château-Lavallière ; ce tableau, qui mesure plus
de 1 m. 25, a été peint en 1853.

Dans la collection de Mme veuve Cottier figurent, en outre : le
Soir, par Corot ; le Roi de Thulé, par Ary Scheffer ; !e Polichinelle,
de Meissonier, et trois œuvres de tout premier ordre par Eugène
Delacroix ; Jeune tigre jouant avec sa mère, Hamlet et les deux
fossoyeurs, du Salon de 1839, et la Mort de Valentin, du Salon
de 1848.

I! y a quelques semaines, une autre généreuse donatrice,
M1Ie Granjean, informait le Président de la République, à l’inau-
guration de l’Exposition rétrospective du Trocadéro, de son
intention de léguer au Musée de Cluny toute son importante
collection d’objets d’art.

Enfin, on annonce qne Mrae Rœderer, qui a refusé 100,000 fr.
de l’admirable pastel fait par Millet de son tableau Y Angélus et
qui figure également à l’Exposition universelle, se dispose à
l’offrir à l’Etat.

Ce pastel, qui n’avait été payé au grand artiste que 150 francs,
est la réduction exacte de la fameuse toile payée 553,000 francs à
la vente de la collection Secrétan et qui est la propriété de l’Art
American Association.

Le Gérant ; S1LVESTRE

Paris, — Glyptographie SÎLVESTRE 4 Cu, rue Obcrkampf, Ü7
 
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