Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Hinweis: Ihre bisherige Sitzung ist abgelaufen. Sie arbeiten in einer neuen Sitzung weiter.
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
L’ART FRANÇAIS

ALPHONSE DE NEUVILLE

Le monument que nous avons inauguré, le 17 novembre dernier, sur la place Wa-
gram, et qui consacre la gloire du peintre des ‘Dernières Cartouches, s’est littéralement
improvisé. ’

Il y a un an, quelques confrères et moi, nous apprenions, par un mot fort aimable de
M. Edouard Détaillé, que nous faisions partie d’un comité formé en vue de l'érection
d’une statue à Alphonse de Neuville.

Quelques jours plus tard, ce comité fonctionnait avec un succès tel, que déjà l’œuvre
était décidée en principe, les listes de souscription lancées, et les adhésions les plus
flatteuses arrivaient de toute part.

Puisque l’occasion s’en présente, je veux d’abord rendre hommage à l’infatigable dé-
vouement d’un homme actif, intelligent et modeste : M. Thivet-Rapide, l’imprimeur
bien connu, qui eut le premier l’idée d’élever ce monument à la mémoire de son pein-
tre préféré, et, jusqu’à la complète réussite du projet, ne cessa de s’en occuper de la
façon la plus militante.

Le comité se composait ainsi :

Président d’honneur : MM. Meissonier, Alexandre Dumas, général Saussier.

Vice-présidents d’honneur : MM. Ernest Barrias, Bouguereau, Bailly.

Président effectif : M. Edouard Détaille.

Vice-présidents : MM^ Berne-Bellecour, Ferry d’Esclands, Villars.

Délégués de la presse : MM. Escoffier, Philippe Gille, Emile Blavet, H. Chabrillat,
Bertol-Graivil, Firmin Javel.

Secrétaire général : M. Julien Le Blant.

Secrétaires : MM. Larivière, Habert.

Trésoriers : MH. Audbourg, Lacial et Reverdot.

Commissaire-syndic : M. Thivet-Rapide.

Ce groupe d’amis et d’admirateurs du peintre se mit immédiatement au travail, et ce
n’est pas sans un vif sentiment de satisfaction que chacun de nous considère aujour-
d’hui cette vivante image du jeune maître, si habilement restituée par le statuaire,
M. Francis de Saint-Vidal, car je le répète, ce monument a été improvisé grâce à l’effort
de tous. Des acclamations, des applaudissements qui éclatèrent, lorsque s’abattit le voile
tricolore qui le recouvrait, une large part s’adressait au sculpteur qui a cordialement
rendu la hère attitude de son héros, à l’architecte, M. Gravigny,tuais l’écho de cette
ovation, a retenti au cœur d’une femme qui fut la compagne fidèle du peintre, au cœur
d’un 61s qui, lui aussi, a voulu servir sa patrie, gardant pieusement ainsi les traditions
paternelles.

L’inauguration de la statue d’Alphonse de Neuville a donné lieu à plusieurs discours
fort applaudis, parmi lesquels celui de M. Larroumet, directeur des Beaux-Arts, serait à
reproduire tout entier. Mais l’espace nous fait défaut.

Avant de rappeler dans ses grandes lignes l’œuvre considérable du peintre, il convient
de citer un trait caractéristique rapporté par un témoin du fait.

On était allé solliciter Mme de Neuville en faveur des malheureux vieillards sou-
tenus par l’œuvre des loyers du XVIIe arrondissement, et Mrae de Neuville avait envoyé
200 francs. Le trésorier, pour accuser réception de cette somme, envoya un reçu que le
porteur remit à Alphonse de Neuville.Ce dernier, ignorant l’envoi des premiers 200francs,
s’apprêtait à solder le reçu lorsque l’employé lui ht remarquer qu’il ne venait pas tou-
cher cette somme, mais apporter un reçu de celle déjà remise.

L’artiste comprit alors. Mais il avait déjà tiré deux billets de son portefeuille. Il les
remit à l’employé en disant : -

_ Les premiers 200 francs sont l’offrande de ma femme ; voici la mienne, mainte-
nant.

Alphonse de Neuville, qui est mort à Paris, le 20 mai 1885, était né à Saint-Omer,
le 31 mai 1836.

On chercherait en vain, dans les souvenirs de sa première jeunesse, un de ces inci-
dents qui décèlent une vocation et que l’on retrouve dans l’histoire de la plupart des
grands maîtres. Bachelier, ses parents le destinent d’abord à l’Ecole navale, puis au
Conseil d’Etat ; mais le jeune étudiant passe son temps-au Champ de Mars, à voir
évoluer bataillons et escadrons, à prendre des croquis rapides, — sans se douter qu’un
jour on admirera, dans un palais bâti sur cet emplacement même, les pages superbes
qu’il aura signées 1

On le présente à plusieurs peintres dont il voudrait devenir l’élève, mais aucun ne
prend au sérieux les dessins du futur militariste.

Bellangé répond au jeune homme :

_ Croyez-moi, mon garçon, retournez en province, mangez chaud, buvez frais, re-
noncez à la chimère et prenez quelque bon emploi qui vous fasse vivre ignoré, mais
tranquille.

M. Yvon, après avoir regardé les dessins de l’étudiant, aflfrme également qu’il n’y a
là aucun indice de dispositions sérieuses.

Même accueil de la part de M. Picot.

Ces premiers insuccès sont toujours le meilleur encouragement. De Neuville loua un
atelier et se mit bravement au travail. Il avait vingt-deux ans, était plein de conflance

en lui.

Il peignit, en cet hiver de 1858 à 1859, sa t0^e début : Le f0 ‘Bataillon de chas-
seurs à la batterie Gervais (attaque tMalakoff),. qui obtint une troisième médaille au
Salon.

C’est à ce moment (1859) que le jeune peintre est présenté à Eugène Delacroix. Le
maître lui donne de précieux avis et notamment celui-ci : « Rappelez-vous que le dessin
du mouvement l’emporte, et de beàücoup, sur le dessin de la forme ; sans le mouve-
ment, la forme n’est rien. »

Cette parole ne semble-t-elle pas avoir produit, à elle seule, l’œuvre entier d’Alphonse
de Neuville ? Le mouvement, en effet, l’attire, le trouble, i absorbe : mouvement des
figures isolées, mouvement des masses, mouvement des lourds escadrons s’avançant au
galop des chevaux, mouvement toujours et quand même 1

Ceci'dit, bien--des réserves s’imposeraient si l’on voulait pousser plus loin ce parallèle
entre le peintre des Dernières Cartouches et celui du Massacre de Scio. Mais en présence
de cette statue, dans cette atmosphère de triomphe où surgit la mâle figure d’Alphonse
de Neuville le critique se sent désarmé, entraîné par ce courant d’universelle sympa-
thie. Laissons donc de côté la valeur technique de l’œuvre, pour n’envisager que sa
« psychologie ».

La page qui demeurera, à coup sûr, et qui produisit, au Salon de 1873, l’effet sensa-
tionnel distinctif des œuvres magistrales', les Dernières Cartouches, fut, aussi bien, ac-
ceptée sans discussion. Selon un mot d’académicien, on ne songeait guère à le chica-
ner, ce Tyrtée de ia palette qui nous apprenait à nous admirer, nous vaincus, à nous .
relever dans notre propre estime.

Ce tableau a son histoire.

De Neuville avait loué à Paris, dans une rue lointaine, — après être allé prendre
d’innombrables croquis à Balan — un atelier composé de deux chambres pareilles à

çelle où se déroule le drame des Dernières Cartouches. Pendant quelque temps, les voi-
sins stupéfaits entendaient des détonations d’armes à feu, et voyaient des spirales de fu-
mée sortir des fenêtres de ce logis plein de mystère — sinon de silence 1 C’était le
peintre qui tentait de restituer, à coup de revolver, la vérité historique.

" Le premier visiteur qui franchit le seuil de l’atelier (raconte M. Gustave Gœtschy)
recula frappé d’épouvante. Les murs en étaient écorchés par les balles, les meubles bri-
sés, la porte arrachée de ses gonds et ouverte à coups de hache; les fenêtres, avec leurs
vitres brisées .pendaient enlambeaux, le papier était déchiqueté, le plancher couvert de dé-
bris ; au milieu d’une épaisse fumée et dans une atmosphère suffoquante de poudre, de
Neuville, l’œil en feu et les cheveux en désordre, peignait le petit chasseur des Der-
nières Cartouches. »

Tout l’homme est là 1

_ Nous avons vu, dans les dernières années de sa vie si pleine et, sitôt brisée, de Neu-
ville se livrer à des travaux panoramiques où son talent et celui de M. Détaillé, son
éminent ami, se confondirent en une fraternelle collaboration. Le panorama de la ba-
taille de Rezonville est, en effet, le chef-d’œuvre du genre.

Entre temps, de Neuville a produit une quantité prodigieuse de tableaux aujourd’hui
très recherchés des amateurs et parmi lesqüels nous citerons seulement : Chasseurs à
pieds de la garde à la tranchée de Sébastopol (médaille de 2e classe au Salon de\i86i), Com-
bat sur une voie jerrée (1874) ; ^Attaque par le feu d’une maison barricadée et crénelée
(Villersexel, 1875) ; Prisonniers allemands dans l’église de Villersexel ; le Lendemain de la
bataille (1876) ; la Basserelle de l’usine de Styring (1877) ; le Parlementaire. Ce dernier,
inachevé, figurait on s’en souvient, à l’Exposition Centennale, avec la Batterie d’artille-
rie dans la neige, le Grenier de Champigny et les Dernières Cartouches, ainsi que plusieurs
dessins remarquables.

Alphonse de Neuville fut un peintre et un illustrateur de grand talent, mais ce fut,
pai-Iessus tout, un patriote et un homme de cœur.

pGHOs ^Artistiques

L’inauguration du Musée Guimet (musée de religion) a eu lieu mercredi,
20 novembre, en présence de M. Carnot, président de la République.

Nous consacrerons prochainement une étude spéciale au nouveau Musée.

. X

Nous avons le regret d’apprendre la mort de M. Ernest Lefèvre, ancien
vice-président de la Chambre des députés, qui a succombé le 12 novembie
dernier, à une maladie dont il souffrait depuis quelque temps.

M. Lefèvre était, comme on sait, proche parent de notre éminent confrère
du Rappel M. Auguste Vacquerie.

X

Ferdinand Heilbuth, le peintre des élégances parisiennes, est mort subite-
ment mardi, 19 novembre, emporté par une maladie de cœur.

Il était âgé de soixante et un ans.

Heilbuth, qui avait été plusieurs fois médaillé aux expositions, était officier
de la Légion d’honneur. Ses œuvres principales sont Beau temps, le Mont-
de-Riété, Solitude, Souvenirs d'Italie, etc. , ’

Heilbuth était aussi l’un de nos premiers aquarellistes.

X

Nous apprenons également avec regret la mort de François Etcheto, pein-
tre-sculpteur de talent, l’auteur de la statue du poète François Villon qui dé-
.core le square Monge.

Etcheto n’était âgé que de trente-six ans.

X

C’est avec le plus profond regret qu’il nous faut encore enregistrer 1
mort d’Alexandre Rapin, l’excellent paysagiste franc-comtois.

Nous reviendrons sur l’œuvre de ces maîtres, dont la mort sera déplorée
par tous ceux qui s’intéressent à l’art.

X

M. Arsène Alexandre, notre très distingué confrère du Paris et de la
Revue des Musées, l’érudit auteur du beau livre sur Honoré Daumier, vient
de faire paraître un nouvel ouvrage du plus haut intérêt, Y Histoire de la
peinture militaire en France. Ce volume est orné de nombreuses gravures
hors texte.

X

Le sculpteur Pierre Granet vient de terminer la statue d’Alfred de Musset
qu’un comité d’étudiants, d’hommes de lettres et d’artistes a pris l’initiative
de faire élever à Paris.

Sur le piédestal, deux figures sont assises : la Jeunesse et l’Amour. Cette
dernière, dans un geste charmant, tend au poète une branche de saule :

Mes chers amis, quand je mourrai.

Plantez un saule au cimetière...

Le Gérant : SILVESTRE

Paris, — Cryptographie SILVESTRE & G1*, rue Oberkampf, 97.-
 
Annotationen