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L' art ornemental: revue hebdomadaire illustrée — 2.1884

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Nr. 83 (30 Août 1884)
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https://doi.org/10.11588/diglit.19486#0128

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124

L'ART ORNEMENTAL.

Le maître de 1460, dit M. Delaborde, peut être regardé comme le
Finiguerra de l'Allemagne, puisque, le premier dans son pays, il a élevé à
la dignité d'un art ce qui n'avait été avant lui qu'un procédé industriel
manié par des ouvriers sans talent.

La date de 1466 avec les lettres gothiques E. S. sont les seules
données qu'on possède sur la personnalité de ce graveur. Les iconographes
et les érudits se sont ingéniés depuis bien des années à rattacher à ces
mêmes indices des idées plus nettes et des documents plus précis. C'est
ainsi que, pendant quelque temps, M. le docteur Nagler, d'après des

inscriptions en écriture ancienne qu'il trouvait sur deux estampes de la
main de notre maître, s'était persuadé que les initiales E. S. étaient celles
d'un certain Erhard, orfèvre et sculpteur de Munich entre 1460 et 1491.
Le nom du maître Erhard se trouvant inscrit sur les registres de la corpo-
ration de Saint-Luc dans cette ville, et un peintre du nom d'Erhard Schcen
étant mentionné dans un document relatif à un certain tableau d'autel
exécuté pour la famille de Talbeck, le docteur Nagler, rapprochant ces
deux documents, voulut identifier Erhard l'orfèvre avec Erhard Schœn
le peintre, et tous les deux avec le graveur E. S. Plus tard, le même savant

Fleuron composé et gravé par P. A. Ducerceau.

changea d'avis et entreprit de réconcilier deux traditions diverses dont
l'une donnait à notre maître le nom de E. Stern, tandis que l'autre voyait
en lui ce Cornelis Engelbrechtsen qui fut peintre à Leyde, en Hollande,
et dont le fameux Lucas de Leyde fut l'élève.

Un autre savant allemand, M. Harzen, a émis un avis plus plausible
sur le même sujet. Dans les listes des artistes employés au xvc siècle à la
cour de Bourgogne, se trouvent en 1438 le nom de Hans Steclin, et vers
1482 celui de Gilles, son fils. L'un et l'autre étaient orfèvres à Valenciennes.
Nous apprenons en outre, d'après la Couronne margaritique, poème écrit à

Lettre

tirée d'un alphabet gothique attribué au maître E. S. de 1466.

la cour de Bourgogne par Jean Lemaire, que Hans Steclin était né à
Cologne. Or, selon l'avis de M. Harzen, les initiales E. S, ou E, dont l'E
se trouve quelquefois écrit de façon à ressembler à un G, seraient celles du
maître Gilles ou Egidius Steclin le fils, cité avec honneur par Lemaire
comme « ouvrier fort authentique ». D'après cette théorie, le nom de
Steclin serait la corruption de Stechner ou Stecher, mot allemand intro-
duit vers cette époque pour signifier graveur.

Steclin l'aîné étant né à Cologne, cette circonstance nous expliquerait
le caractère allemand beaucoup plus que flamand, qui distingue les ouvrages
de son fils. Il faudrait encore supposer, d'après les indices fournis par
certains détails de sujets et de costumes dans les ouvrages de ce fils, aussi
bien que par certaines variations de dialecte qui se font remarquer dans

leurs inscriptions, qu'il ait mené une vie ambulante, emportant avec lui sa
petite presse à cylindre, et qu'il ait gravé et débité ces estampes en diverses
localités, tant de la Suisse et même de la France, que des Pays-Bas et des
pays rhénans.

Toute hypothèse pareille ne présente autre chose que des possibilités.
L'obscurité qui entoure l'origine de presque toutes les estampes primitives
est le résultat de conditions que nulle science ni nulle recherche ne sau-
raient modifier. « La gravure est le dernier venu des arts gothiques et le
plus hâtif des arts de la Renaissance, de là son humilité, ses tâtonnements

Rinceau d'ornements,
d'après une gravure sur cuivre par le maître E. S. de 1466.

et son attrait. » La phrase est de M. Renouvier et elle est parfaitement
juste. Or, le caractère distinctif de l'art gothique, c'est d'être un produit
collectif impersonnel et par là anonyme, portant l'empreinte non pas d'une
individualité quelconque, mais des sentiments et des traditions de toute
une population, à tout le moins d'une localité ou d'un corps de métier,
pendant que le caractère distinctif de l'époque de la Renaissance consiste
précisément dans le développement des individualités et dans l'affirmation
des tendances personnelles.

G. Dargenty.

Paris. — Imprimerie de l'Art, J. Rouam, imprimeur-éditeur, 41, rue de la Victoire

Le Gérant : EUGÈNE VÉRON.
 
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