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Audiganne, Armand; Benoist, Philippe [Ill.]
Paris dans sa splendeur: monuments, vues, scènes historiques, descriptions et histoire$ddessins et lithographies par MM. Philippe Benoist [und 17 weitere] ; texte par MM. Audiganne [und 23 weitere] (3ième volume): Histoire de Paris - environs de Paris — Paris: Henri Charpentier, 1861

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https://doi.org/10.11588/diglit.71015#0063

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HISTOIRE.

PARIS ANCIEN.

33

Ici, pour un moment de courte durée, l’histoire de Paris prit un caractère dramatique dont les révolutions modernes peuvent
seules nous donner l’idée. Alors, en effet, commençait à intervenir dans les grandes luttes sociales ce formidable levier qu’on
appelle le peuple : il apparaissait avec ses besoins légitimes, comme aussi avec ses instincts de sang; longtemps esclave, soumis
et timide, il surgissait plein de colère, avide de vengeance, animé de sentiments haineux et jaloux, disposé à la brutalité et au
meurtre. Alors aussi, comme depuis, comme toujours peut-être, sa force était au service de quelques ambitieux habiles et sans
foi, dont il épousait aveuglément les querelles. Mais ces premiers efforts de la démocratie allaient être bientôt comprimés.
Le parti populaire ne se contenta pas des concessions qu’il avait obtenues; plein de défiance dans les promesses du Dauphin,
lieutenant général du royaume, et appréhendant cet esprit de domination absolue qui paraît, en effet, avoir été la base du
caractère des Valois, il songea, on peut le supposer du moins, à transférer la couronne à Charles de Navarre, qui en était privé
en vertu de l’interprétation donnée à la loi salique. Cet arrangement, s’il eût réussi, aurait eu pour résultat de réunir les deux
royautés de France et de Navarre sur une même tête, et de donner à la France, pour résister aux Anglais, un roi plus capable
et plus habile que Jean. Mais le parti populaire était dans l’erreur en se confiant aux promesses libérales dont Charles-le-Mauvais
se montrait fort prodigue. Il est probable que si cet ambitieux eût été appelé à régner, il se serait joué de ses serments, et
aurait étouffé dans le sang des magistrats de Paris le souvenir de ses promesses; la conduite qu’il tint plus tard, la perfidie de
son caractère, la scélératesse de ses mœurs permettent de le croire. Toutefois, comme à l’époque dont nous parlons, ce jeune
prince n’avait pu encore se faire connaître pour ce qu’il devint dans la suite, il était encore possible de se tromper sur son compte
et de placer en lui des espérances.
En des temps calmes, la conduite de Marcel, de Robert-le-Cocq et des États généraux aurait été flétrie du nom de révolte;
mais, dans les circonstances oû se trouvait alors le pays, la France étant pillée au dedans, menacée au dehors et exposée à périr
sur toutes ses faces, le parti qui appelait à sa tête Charles de Navarre, petit-fils de Louis-le-Hutin et prince capétien, pouvait
alléguer pour sa défense la loyauté de ses intentions et la nécessité de sauver le royaume. On s’est trop hâté de condamner des
hommes qui agirent et pensèrent sur un volcan, et dont les actes ont été vraisemblablement défigurés par des chroniqueurs
timides, écrivant sous la dictée des Valois.
Les circonstances présentaient une gravité inaccoutumée ; ce n’était point seulement à Paris que se produisait l’effervescence
démocratique; autour de cette grande cité, et dans plusieurs provinces voisines, la Jacquerie étendait d’affreux ravages. Les
paysans, livrés à tous les excès criminels qu’engendrent la haine, la faim, les souffrances, recommençaient au XIVe siècle la
guerre des esclaves qui, à une autre époque, avait fait trembler le patriciat romain. Le Dauphin, dès qu’il s’était cru libre, avait
révoqué la charte de 1337; pressé par un double ennemi, menacé par Paris et les Jacques, il convoqua de nouveau, pour le
7 novembre, la session des États. Les députés revinrent avec leurs défiances et leurs prétentions. On ouvrit la prison oû, depuis
plusieurs années, était renfermé le roi de Navarre, et ce prince, transformé en prétendant révolutionnaire, se rendit à Amiens,
puis à Paris, oû il entra triomphalement le 20 novembre. Jean de Meulan, évêque de la ville, et le prévôt Marcel allèrent au
devant de lui et le conduisirent au Pré-aux-Clercs, près de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés, oû se trouvait rassemblée une
immense multitude. Le roi de Navarre monta sur une estrade et harangua le peuple, se présentant à la foule comme une victime
de la tyrannie du roi Jean, comme l’instrument naturel et nécessaire des besoins de la France. Son discours fut si long, disent
les chroniques, « qu’on avait soupé dans Paris quand il cessa. » Peu de jours après, Charles-le-Mauvais se rendit à Rouen et y
provoqua des manifestations non moins hostiles. Tandis qu’il cherchait, dans l’intérêt de sa cause, à exploiter les souffrances
publiques, à Paris, le Régent-Dauphin était sous le joug de la démocratie turbulente constamment dirigée par Étienne Marcel; on
déclamait tout haut contre son autorité et sa personne ; on lui imputait à crime les calamités, les dévastations, les brigandages qui
désolaient le royaume; on invitait les bons citoyens à secouer le joug d’un tel maître. Chaque jour était marqué par des assemblées
séditieuses dont nos clubs modernes ont à peine égalé la violence. Comme il fallait un signe de ralliement aux démagogues du
XIVe siècle, on adopta le chaperon ou capuce rouge et bleu, et bientôt les amis du Dauphin eux-mêmes, craignant d’être exposés
aux fureurs du peuple, se résignèrent à adopter cette coiffure qui leur parut une sauvegarde. Toutes les révolutions passent par
le même chemin.
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Le Régent-Dauphin résistait de son mieux. Tantôt il convoquait des assemblées, oû il cherchait à justifier ses actes; tantôt il
se concertait avec des seigneurs non moins menacés que la royauté elle-même, et il rendait des édits destinés à mettre un terme
aux usurpations populaires, comme aussi à se procurer, même au moyen de l’altération des monnaies, l’argent dont il avait
besoin pour gouverner.
Un séditieux, qui avait tué le trésorier des finances, fut arrêté et puni de mort au nom du Dauphin. Il y eut des soulèvements
dans Paris. Le 23 février, date qui reparaîtra dans les annales des révolutions, le prévôt des marchands assembla, en armes, à
Saint—Éloi, tous les corps de métiers, et les invita à le suivre, pour aller avec lui forcer le Dauphin de rendre justice au peuple.
Suivi de cette multitude, Marcel se dirigea vers le palais du Dauphin, monta jusqu’à la chambre du prince, suivi de quelques

P. — P. A.

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