HISTOIRE.
PARIS ANCIEN.
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achevé (1607), mais de larges voies en facilitèrent les abords. C’est, en effet, de cette époque quecdatent la place et la rue
Dauphine, ainsi que les deux quais des Orfèvres et des Morfondus (de l’Horloge). Les maisons de la place Dauphine furent, en
outre, toutes bâties d’après un plan uniforme. Il en fut de même de celles de la place Royale qui remplaça l’ancien palais des
Tournelles, abandonné depuis la mort de Henri. Il (1604-1612). Le style de ces constructions avait d’ailleurs un caractère à lui
et qui s’éloignait notablement des traditions du XVIe siècle. Ainsi l’élégance du dessin et la délicatesse du ciseau font place à une
certaine grandeur massive. De larges pavillons, de hauts toits comme au moyen-âge, mais sur lesquels ne se dessinent plus les
pignons aigus des lucarnes gothiques; des murs de briques avec chaînes" de pierre à bossages formant une marqueterie rouge
et blanche, tels sont les traits les plus habituels de l’architecture sous Henri IV et les premières années de Louis XIII. La place
Royale nous en offre aujourd’hui encore un type imposant et curieux.
« Si vous revenez à Paris d’ici à deux ans, écrivait Malherbe en 1508 à M. de Peiresc, vous ne le connoîtrez plus. Le pavillon
du bout de la galerie est presque achevé (galerie d’Apollon); la galerie du pavillon au bâtiment des Tuileries est fort avancée
(grande galerie du Louvre); l’eau du Pont-Neuf est aux Tuileries (pompe de la Samaritaine) » La pensée de ces travaux
était une de celles qui revenaient le plus souvent à l’esprit du roi. « Demain je voirray tous mes artisans, mes bastiments
et mes jardins, » écrivait-il à la reine, le 27 novembre 1601. Et dans sa correspondance avec. Sully, il revient sans cesse sur
ses constructions, sur le Louvre, Saint-Germain, les portes Saint-Bernard et du Temple., les fontaines du Palais et de la Croix
du Tirouër. 11 entre jusque dans le détail du transport des terres, afin que les maçons puissent besoigner.
Nous apprenons par Malherbe que Henri IV se proposait de raser tout l’espace d’entre le Louvre et'les Tuileries. Gaspard de
Saulx-Tavannes nous parle également d’une grande cour admirable entre les deux palais, puis d’une place en avant de
Saint-Germain-l’Auxerrois, d’une galerie pareille à celle qui regarde sur la rivière. « Mais, à la vérité, pour faire de tels
bastiments,zajoute-t-il, il faudroit que le roy de France fust au moins seigneur de tous les Pays-Bas et bornast son Estât de la
• . . > ■ - -
rivière du Rhin, occupant les comtés de Bourgogne et de Savoie, etc., etc. »
Henri IV n’en demandait pas tant. Avec les années tout lui semblait possible. « Que ne suis-je assuré, disait-il, du temps qu’il
me faudroit pour deux grands ouvrages! Je bastirois le Louvre et clorrois les fauxbourgs de Paris de murailles, et je me pourrois
vanter d’avoir faict la plus belle maison et la plus grande ville du monde. » — « Toutes les autres villes, en comparaison de Paris,
ajoute Matthieu, ne lui sembloient que des bicoques, et tenoit pour fable tout ce qu’on lui disoit de Quincey, du Grand-Caire,
de Gambalu et de Cassagale. »"
Malheureusement le temps ne lui fut pas accordé; mais la grande galerie du bord de l’eau fut du moins conduite jusqu’au
campanile qui fait face au pont des Saints-Pères, et Malherbe nous représente le dieu de Seine, debout,
j ' - ' A regarder croître l’ouvrage
Dont ce prince embellit ses bords.
Et non loin du palais du roi s’élevait en même temps le palais du pauvre. Comment, en effet,’ ne pas donner ce nom à l’hôpital
Saint-Louis, ce modèle grandiose de construction intelligente et charitable! Figurez-vous une cour plantée de 104 mètres sur
chaque face, entourée de bâtiments divisés en huit corps-de-logis et huit pavillons: les corps-de-logis pour les salles des malades,
les pavillons pour les vestibules, les escaliers, les chauffoirs, les chapelles, et, autour de cette cité de la souffrance, de larges
allées qui isolent en quelque sorte la contagion. * .
L’hôpital Saint-Louis était destiné aux pestiférés, à ces malheureux, dit Fléchier, qui dèordinaire étaient perdus parce qu’ils
étaient abandonnés. Lorsque la peste cessa d’exercer ses ravages, on l’affecta aux convalescents de l’Hôtel-Dieu. Il est réservé
aujourd’hui au traitement des maladies cutanées. . ; ■
Mais ce n’était pas assez de remédier au mal, il fallait encore le prévenir, et telle fut, on ne peut en douter, une des pensées
qui dirigea Henri IV dans ses projets d’embellissement de Paris. Ainsi, les vastes places (et il se proposait d’en faire six) faisaient
pénétrer l’air et le soleil dans des quartiers qui les connaissaient à peine. Les larges rues et surtout les quais facilitaient ces grands
courants qui emportent avec eux les miasmes des villes; l’enlèvement des boues et des immondices détruisait en partie ces
* . *
miasmes dans leur germe.
La réparation des anciennes fontaines et la construction de plusieurs nouvelles complétèrent enfin cet intelligent système
d’assainissement et d’embellissement tout ensemble. Le manque de pestiférés qui se fit sentir, dès le temps de Mazarin, à l’hôpital
Saint-Louis en est le plus bel éloge. Henri attachait un tel prix à cette libre circulation de l’eau, que le prévôt des marchands et
les échevins ayant conçu l’idée dans la suite, d’imposer légèrement les fontaines pour faire face aux dépenses du festin que la ville
se proposait d’offrir aux ambassadeurs suisses : « Trouvez quelque autre expédient, leur dit le roi; il n’appartient qu’à Jésus-Christ
de changer l’eau en vin. » * ' > .
Avant ce prince, Paris possédait dix-huit fontaines publiques alimentées par les aqueducs des Prés-Saint-Gervais et de
Belleville. Mais depuis longtemps les sources, amoindries par des concessions successives, ne donnaient qu’une eau rare et
2"’ P. — P. A.
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achevé (1607), mais de larges voies en facilitèrent les abords. C’est, en effet, de cette époque quecdatent la place et la rue
Dauphine, ainsi que les deux quais des Orfèvres et des Morfondus (de l’Horloge). Les maisons de la place Dauphine furent, en
outre, toutes bâties d’après un plan uniforme. Il en fut de même de celles de la place Royale qui remplaça l’ancien palais des
Tournelles, abandonné depuis la mort de Henri. Il (1604-1612). Le style de ces constructions avait d’ailleurs un caractère à lui
et qui s’éloignait notablement des traditions du XVIe siècle. Ainsi l’élégance du dessin et la délicatesse du ciseau font place à une
certaine grandeur massive. De larges pavillons, de hauts toits comme au moyen-âge, mais sur lesquels ne se dessinent plus les
pignons aigus des lucarnes gothiques; des murs de briques avec chaînes" de pierre à bossages formant une marqueterie rouge
et blanche, tels sont les traits les plus habituels de l’architecture sous Henri IV et les premières années de Louis XIII. La place
Royale nous en offre aujourd’hui encore un type imposant et curieux.
« Si vous revenez à Paris d’ici à deux ans, écrivait Malherbe en 1508 à M. de Peiresc, vous ne le connoîtrez plus. Le pavillon
du bout de la galerie est presque achevé (galerie d’Apollon); la galerie du pavillon au bâtiment des Tuileries est fort avancée
(grande galerie du Louvre); l’eau du Pont-Neuf est aux Tuileries (pompe de la Samaritaine) » La pensée de ces travaux
était une de celles qui revenaient le plus souvent à l’esprit du roi. « Demain je voirray tous mes artisans, mes bastiments
et mes jardins, » écrivait-il à la reine, le 27 novembre 1601. Et dans sa correspondance avec. Sully, il revient sans cesse sur
ses constructions, sur le Louvre, Saint-Germain, les portes Saint-Bernard et du Temple., les fontaines du Palais et de la Croix
du Tirouër. 11 entre jusque dans le détail du transport des terres, afin que les maçons puissent besoigner.
Nous apprenons par Malherbe que Henri IV se proposait de raser tout l’espace d’entre le Louvre et'les Tuileries. Gaspard de
Saulx-Tavannes nous parle également d’une grande cour admirable entre les deux palais, puis d’une place en avant de
Saint-Germain-l’Auxerrois, d’une galerie pareille à celle qui regarde sur la rivière. « Mais, à la vérité, pour faire de tels
bastiments,zajoute-t-il, il faudroit que le roy de France fust au moins seigneur de tous les Pays-Bas et bornast son Estât de la
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rivière du Rhin, occupant les comtés de Bourgogne et de Savoie, etc., etc. »
Henri IV n’en demandait pas tant. Avec les années tout lui semblait possible. « Que ne suis-je assuré, disait-il, du temps qu’il
me faudroit pour deux grands ouvrages! Je bastirois le Louvre et clorrois les fauxbourgs de Paris de murailles, et je me pourrois
vanter d’avoir faict la plus belle maison et la plus grande ville du monde. » — « Toutes les autres villes, en comparaison de Paris,
ajoute Matthieu, ne lui sembloient que des bicoques, et tenoit pour fable tout ce qu’on lui disoit de Quincey, du Grand-Caire,
de Gambalu et de Cassagale. »"
Malheureusement le temps ne lui fut pas accordé; mais la grande galerie du bord de l’eau fut du moins conduite jusqu’au
campanile qui fait face au pont des Saints-Pères, et Malherbe nous représente le dieu de Seine, debout,
j ' - ' A regarder croître l’ouvrage
Dont ce prince embellit ses bords.
Et non loin du palais du roi s’élevait en même temps le palais du pauvre. Comment, en effet,’ ne pas donner ce nom à l’hôpital
Saint-Louis, ce modèle grandiose de construction intelligente et charitable! Figurez-vous une cour plantée de 104 mètres sur
chaque face, entourée de bâtiments divisés en huit corps-de-logis et huit pavillons: les corps-de-logis pour les salles des malades,
les pavillons pour les vestibules, les escaliers, les chauffoirs, les chapelles, et, autour de cette cité de la souffrance, de larges
allées qui isolent en quelque sorte la contagion. * .
L’hôpital Saint-Louis était destiné aux pestiférés, à ces malheureux, dit Fléchier, qui dèordinaire étaient perdus parce qu’ils
étaient abandonnés. Lorsque la peste cessa d’exercer ses ravages, on l’affecta aux convalescents de l’Hôtel-Dieu. Il est réservé
aujourd’hui au traitement des maladies cutanées. . ; ■
Mais ce n’était pas assez de remédier au mal, il fallait encore le prévenir, et telle fut, on ne peut en douter, une des pensées
qui dirigea Henri IV dans ses projets d’embellissement de Paris. Ainsi, les vastes places (et il se proposait d’en faire six) faisaient
pénétrer l’air et le soleil dans des quartiers qui les connaissaient à peine. Les larges rues et surtout les quais facilitaient ces grands
courants qui emportent avec eux les miasmes des villes; l’enlèvement des boues et des immondices détruisait en partie ces
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miasmes dans leur germe.
La réparation des anciennes fontaines et la construction de plusieurs nouvelles complétèrent enfin cet intelligent système
d’assainissement et d’embellissement tout ensemble. Le manque de pestiférés qui se fit sentir, dès le temps de Mazarin, à l’hôpital
Saint-Louis en est le plus bel éloge. Henri attachait un tel prix à cette libre circulation de l’eau, que le prévôt des marchands et
les échevins ayant conçu l’idée dans la suite, d’imposer légèrement les fontaines pour faire face aux dépenses du festin que la ville
se proposait d’offrir aux ambassadeurs suisses : « Trouvez quelque autre expédient, leur dit le roi; il n’appartient qu’à Jésus-Christ
de changer l’eau en vin. » * ' > .
Avant ce prince, Paris possédait dix-huit fontaines publiques alimentées par les aqueducs des Prés-Saint-Gervais et de
Belleville. Mais depuis longtemps les sources, amoindries par des concessions successives, ne donnaient qu’une eau rare et
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