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Audiganne, Armand; Benoist, Philippe [Ill.]
Paris dans sa splendeur: monuments, vues, scènes historiques, descriptions et histoire$ddessins et lithographies par MM. Philippe Benoist [und 17 weitere] ; texte par MM. Audiganne [und 23 weitere] (3ième volume): Histoire de Paris - environs de Paris — Paris: Henri Charpentier, 1861

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https://doi.org/10.11588/diglit.71015#0090

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PARIS DANS SA SPLENDEUR.

incertaine. Les aqueducs, d’ailleurs, étaient délabrés, et vainement avait-on révoqué les concessions; l’eau ne venait plus.
Henri IV fit alors reprendre l’œqvre du XIIe siècle, et bientôt l’eau jaillit de nouveau à Saint-Lazare, à Saint-Martin-dcs-Champs,
aux Filles-Dieu, aux Innocents, à la fontaine Maubuée, partout enfin où les anciens tuyaux pouvaient la conduire; puis il lui
trace des routes nouvelles; nous n’avons point oublié sa préoccupation à l’égard des fontaines du Palais et de la Croix du Tirouër.
L’eau cependant ne suffisant pas, il fait établir par un Flamand, Jean Lintlaër, une pompe en aval de la seconde arche du
Pont-Neuf, du côté du quai de l’École. Le prévôt des marchands tente de s’opposer à cette innovation qui, selon lui, doit
embarrasser le cours du fleuve; mais Henri IV n’admet aucune remontrance, et Lintlaër pose définitivement, en 160 3, le
(
moulin servant à son artifice.
Cette construction, portée par de hauts pilotis, présentait, sur le Pont-Neuf, une façade de trois fenêtres, ornée d’un cadran et
surmontée d’un campanile. Au-dessous du cadran étaient deux figures de bronze doré, représentant Jésus-Christ et la Samaritaine
près du puits de Jacob. Entr’eux était un bassin également doré, où l’eau tombait en nappe d’une vaste coquille. On lisait,
au-dessous cette inscription empruntée à l’Écriture : Fons hortorum, puteus aquarum viventium (fontaine des jardins, puits des
eaux vivantes). Qui ne sent tout ce que dit cette association des idées du temps et de l’avenir, et, à l’occasion d’une nappe d’eau,
ce souvenir des eaux de la grâce qui donnent la vie à l’âme. Bientôt on ne représentera plus sur les fontaines cpie des Naïades ;
mais on aura beau leur prêter tout l’esprit de Santeuil, aucune ne sera populaire comme la Samaritaine.
Le prévôt des marchands que nous venons de voir en lutte avec Henri IV, était François Miron, homme d’intelligence et
d’énergie, qui savait tour-à-tour résister à la volonté royale, lorsqu’il le croyait utile aux intérêts de la cité, et se prêter avec
élan à ses intentions généreuses. Ce fut Miron qui acheva l’Hôtel-de-Ville et qui en livra la grande salle au ciseau de Biard. Biard
était, disait-on, élève de Michel-Ange. On peut voir encore à l’Hôtel-de-Ville ses Dieux Termes ornés de colliers de roses.
A la suite des magnificences municipales, nous devrions citer maintenant celles des grands seigneurs et surtout des financiers
qui rivalisaient avec le prince lorsqu’ils ne l’éclipsaient pas. Pierre de L’Estoile nous montre sans cesse Henri IV allant dîner et
coucher chez Zamet, à peu près comme Louis XI allait prendre le bain chez les bourgeois de Paris et s’asseoir à leur table. Il
est remarquable même que Marie de Médicis descendit chez Zamet, à son arrivée en France, et y demeura plusieurs jours avant
de prendre possession du Louvre. Qu’était cependant Zamet? un aventurier italien qui s’était enrichi parmi nous au commerce
de l’argent, ainsi que l’avaient fait tant d’autres de ses compatriotes depuis Catherine de Médicis. C’est à lui que Destpuches a
emprunté le mot de son Glorieux : Seigneur suzerain d'un million d'écus. Zamet se porta seigneur de dix-sept cent mille écus
dans le contrat de mariage de son fils qui, par un singulier contraste, fut un des plus pieux et des plus braves officiers de son
temps. Quant au père, il fut surtout le complaisant de Henri IV, après l’avoir été de Henri III et-avoir donné au duc de Mayenne des
dîners qui ne permettaient pas toujours au Lorrain de s’en aller seul. Henri IV perdait-il au jeu, ce qui lui arrivait souvent, et
craignait-il d’affronter les reproches de Sully? il recourait à Zamet qui avait toujours pour lui l’argent à la main et savait toujours
aussi le faire rentrer malgré le ministre. Ce Zamet avait de l’argent et des complaisances pour Gabriclle d’Estrées et la marquise
de Verneuil, pour tous les caprices et toutes les faiblesses du roi; et son hôtel n’était que trop souvent le théâtre peu discret
des scandales de la cour. Cet hôtel, situé rue de la Cerisaie, dans le voisinage de l’Arsenal, servit plus tard de demeure à
Pierre-le-Grand, lors de son voyage en France. « L’architecture en était florentine, dit M. Capefiguc, un peu lourde, mais d’une
voluptueuse ornementation. Un grand pavillon au centre, deux ailes entourant une cour vaste et commode; de larges appartements
pour recevoir la compagnie, de beaux cabinets et boudoirs pour la retraite, la sieste du midi; deux salles à manger, une pour la
collation, une autre pour le souper; un jardin bien planté, fruits, fleurs, haute futaie, et, à l’extrémité, une salle de bain tout
en marbre, exposée en plein midi comme à Rome, tout entourée de statues et de charmilles, de rosiers et de jasmins; puis un
petit salon pour le repos mystérieux de la galanterie amoureuse. »
En deux mots, Zamet comptait la dépravation comme une des jouissances du luxe. A quoi bon les peintures à la Boucher?
elles ont fait leur temps avec les dessus de portes de nos pères.
Tout près de l’hôtel Zamet se trouvait l’Arsenal qu’habitait Sully, et si les complaisances et les flatteries ne manquaient jamais
au roi dans la première de ces riches demeures, les leçons et les boutades lui faisaient rarement défaut dans la seconde. Revenu au
Louvre, il y rencontrait de nouveau, d’un côté, les séductions; de l’autre, les reproches, et, des deux côtés à la fois, les boutades.
Lorsque Marie de Médicis épousa le roi, elle n’avait plus de la jeunesse que l’éclat du teint; mais ses formes déjà épaisses
contribuaient peu à racheter le manque d’expression de son visage. Avec l’époux le plus vif, elle était la femme la plus compassée;
avec le ministre le moins complaisant et le plus exact, elle était la reine la plus exigeante et la plus quinteuse. Les Italiennes
qu’elle avait amenées la dominaient par l’esprit, par l’habitude, et formaient une cabale dangereuse tant au palais que dans l’Etat.
Henri IV se trouva vite à l’étroit et à la gêne dans ce cercle sans abandon et sans intimité, et, avec une faiblesse qui bravait
toutes les convenances, il fit venir la marquise de Verneuil au Louvre. La marquise avait précisément les qualités et les défauts
que Marie de Médicis n’avait pas! elle était enjouée, spirituelle, mordante, colère; mais jamais ses ressentiments et ses exigences
 
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