PARIS SOUS LA PREMIERE RESTAURATION
AVRIL 1814 — MARS 1815.
|—fljh andis que l’empereur Napoléon Ier, partageant le sort de la France, assistait à Fontainebleau à la défection de ses
| courtisans et à la ruine de sa fortune, les événements marchaient vite à Paris, où les puissances étrangères dictaient
| la loi. Le czar Alexandre, devenu maître de la situation, adressa une proclamation au peuple. 11 annonça que la
France pouvait se choisir un souverain, et il fit entrevoir que les conditions imposées par l’Europe au pays, seraient
9 d’autant plus favorables, que l’on ferait choix « d’un gouvernement sage ; » toutefois, il déclara que les monarques alliés
ne traiteraient plus avec l’empereur Napoléon, mais qu’ils respecteraient l’intégrité de l’ancienne France, telle qu’elle
avait existé avant 1789. Ces déclarations, publiées par l’empereur de toutes les Russics, tant en son nom qu’en celui
des autres souverains étrangers dont les armées avaient envahi la France, ne laissaient évidemment à notre pays qu’une
ombre de liberté. Le Sénat se chargea d’émettre la réponse du pays. Cette assemblée, délibérant sous la main du czar,
fex® proclama la déchéance de Napoléon et se rendit ensuite auprès d’Alexandre pour lui offrir ses hommages; le 6 avril, la
même assemblée vota à la hâte une constitution qui ne fut acceptée de personne, et proclama, en même temps, que les
Bourbons étaient rappelés sur le trône de leurs ancêtres. Trois jours après, un arrêté du gouvernement provisoire ordonna
que la cocarde blanche redeviendrait nationale; le 11 avril, l’empereur Napoléon abdiqua, et le 12,.S. A. R. Monsieur,
comte d’Artois, frère de Louis XVIII, et lieutenant général du royaume, fit à Paris son entrée solennelle. Arrivé aux portes de
Notre-Dame, vers trois heures, le prince fut reçu sous un dais par le clergé, puis il assista à un Te Deum. A l’issue de la
cérémonie, il se rendit aux Tuileries, et en prit possession au nom du roi son frère,
f
Le 23 avril, le comte d’Artois, subissant à la fois l’influence prépondérante de M. de Talleyrand, les nécessités de la guerre et
les dures conséquences de nos défaites, signa avec les puissances alliées les conventions qui, sans régler définitivement le sort
de l’Europe, mettaient fin aux hostilités sur terre et sur mer. Les dispositions de ce traité nous dessaisirent de cinquante-trois
places fortes occupées par nos troupes au delà des limites de l’ancienne France. Nous abandonnâmes un matériel immense, de
grands dépôts, douze mille six cents bouches à feu, dont onze mille trois cents en bronze, trente-et-un vaisseaux de haut rang et
douze frégates. Lorsque cette convention eut été signée, les armées alliées se mirent en marche pour s’éloigner de notre patrie.
Le 24 avril, Louis XVIII s’embarqua à Douvres sur un yacht anglais portant pavillon d’amiral de France, et qu’escortait une
escadre de la marine britannique. Le 29, il vint coucher à Compïègne; le 1er mai, il eut une entrevue avec le czar; le 2, il
donna à Saint-Ouen une déclaration célèbre indiquant son intention de tenir compte des droits acquis et de doter la France d’un
gouvernement constitutionnel. Le 3 mai, ce même prince fit son entrée à Paris; il était assis dans une calèche découverte attelée
de huit chevaux; à sa gauche était S. A. R. Mme la duchesse d’Angoulême, fille de Louis XVI; devant lui on remarquait le
prince de Condé et le duc de Bourbon. La foule s’était portée au devant du roi sur la route de Saint-Denis. La physionomie de
Louis XVIII était calme et sérieuse. En passant devant la Conciergerie, dernière prison de sa mère, et en revoyant le palais des
Tuileries, d’où son père avait fui le 10 août, Mme la duchesse d’Angoulême se trouva mal à plusieurs reprises. La population
parisienne, pleine de respect, s’associait à ces émotions douloureuses et à ces terribles souvenirs. Le 30 mai, fut signé à Paris
le désastreux traité de 1814, qui fit rentrer la France dans les limites de 1792 et ratifia les concessions déjà faites par la
convention du 23 avril. L’étranger victorieux, dans nos murs, prenait sa revanche de vingt-deux années d’humiliations qui, pour
les armes françaises, avaient été vingt-deux années de gloire. L’épée à la main, il prononçait à son tour, dans la patrie de Brcnnus,
le redoutable vœ métis. Trois jours après, le 2 juin, le czar quitta Paris et reprit la route de la Moscovie.
Le 4 juin, Louis XVIII promulgua et octroya, de sa libre volonté et comme étant revêtu du pouvoir constituant, une charte
imitée des lois fondamentales de l’Angleterre. Les débris du Sénat et le Corps Législatif de 1813 assistaient à la séance royale.
Louis XVIII parla avec une dignité calme des événements qui s’étaient accomplis; il essaya de justifier la paix qui venait d’être
conclue, mais il ne réussit point à consoler la France d’avoir perdu le Rhin, l’Italie, et de n’être plus ce grand empire qui,
borné au Nord par la mer Baltique, atteignait, au Midi, Naples et la Turquie d’Europe. Le chancelier, M. Dambray, qui prit ensuite
la parole, ne fut point heureux dans l’exposé des principes auxquels la France était contrainte de revenir. Reconnaissant et
respectueux envers le roi, il perdit tout-à-fait de vue les droits du peuple, et eut la singulière idée de qualifier la nouvelle
AVRIL 1814 — MARS 1815.
|—fljh andis que l’empereur Napoléon Ier, partageant le sort de la France, assistait à Fontainebleau à la défection de ses
| courtisans et à la ruine de sa fortune, les événements marchaient vite à Paris, où les puissances étrangères dictaient
| la loi. Le czar Alexandre, devenu maître de la situation, adressa une proclamation au peuple. 11 annonça que la
France pouvait se choisir un souverain, et il fit entrevoir que les conditions imposées par l’Europe au pays, seraient
9 d’autant plus favorables, que l’on ferait choix « d’un gouvernement sage ; » toutefois, il déclara que les monarques alliés
ne traiteraient plus avec l’empereur Napoléon, mais qu’ils respecteraient l’intégrité de l’ancienne France, telle qu’elle
avait existé avant 1789. Ces déclarations, publiées par l’empereur de toutes les Russics, tant en son nom qu’en celui
des autres souverains étrangers dont les armées avaient envahi la France, ne laissaient évidemment à notre pays qu’une
ombre de liberté. Le Sénat se chargea d’émettre la réponse du pays. Cette assemblée, délibérant sous la main du czar,
fex® proclama la déchéance de Napoléon et se rendit ensuite auprès d’Alexandre pour lui offrir ses hommages; le 6 avril, la
même assemblée vota à la hâte une constitution qui ne fut acceptée de personne, et proclama, en même temps, que les
Bourbons étaient rappelés sur le trône de leurs ancêtres. Trois jours après, un arrêté du gouvernement provisoire ordonna
que la cocarde blanche redeviendrait nationale; le 11 avril, l’empereur Napoléon abdiqua, et le 12,.S. A. R. Monsieur,
comte d’Artois, frère de Louis XVIII, et lieutenant général du royaume, fit à Paris son entrée solennelle. Arrivé aux portes de
Notre-Dame, vers trois heures, le prince fut reçu sous un dais par le clergé, puis il assista à un Te Deum. A l’issue de la
cérémonie, il se rendit aux Tuileries, et en prit possession au nom du roi son frère,
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Le 23 avril, le comte d’Artois, subissant à la fois l’influence prépondérante de M. de Talleyrand, les nécessités de la guerre et
les dures conséquences de nos défaites, signa avec les puissances alliées les conventions qui, sans régler définitivement le sort
de l’Europe, mettaient fin aux hostilités sur terre et sur mer. Les dispositions de ce traité nous dessaisirent de cinquante-trois
places fortes occupées par nos troupes au delà des limites de l’ancienne France. Nous abandonnâmes un matériel immense, de
grands dépôts, douze mille six cents bouches à feu, dont onze mille trois cents en bronze, trente-et-un vaisseaux de haut rang et
douze frégates. Lorsque cette convention eut été signée, les armées alliées se mirent en marche pour s’éloigner de notre patrie.
Le 24 avril, Louis XVIII s’embarqua à Douvres sur un yacht anglais portant pavillon d’amiral de France, et qu’escortait une
escadre de la marine britannique. Le 29, il vint coucher à Compïègne; le 1er mai, il eut une entrevue avec le czar; le 2, il
donna à Saint-Ouen une déclaration célèbre indiquant son intention de tenir compte des droits acquis et de doter la France d’un
gouvernement constitutionnel. Le 3 mai, ce même prince fit son entrée à Paris; il était assis dans une calèche découverte attelée
de huit chevaux; à sa gauche était S. A. R. Mme la duchesse d’Angoulême, fille de Louis XVI; devant lui on remarquait le
prince de Condé et le duc de Bourbon. La foule s’était portée au devant du roi sur la route de Saint-Denis. La physionomie de
Louis XVIII était calme et sérieuse. En passant devant la Conciergerie, dernière prison de sa mère, et en revoyant le palais des
Tuileries, d’où son père avait fui le 10 août, Mme la duchesse d’Angoulême se trouva mal à plusieurs reprises. La population
parisienne, pleine de respect, s’associait à ces émotions douloureuses et à ces terribles souvenirs. Le 30 mai, fut signé à Paris
le désastreux traité de 1814, qui fit rentrer la France dans les limites de 1792 et ratifia les concessions déjà faites par la
convention du 23 avril. L’étranger victorieux, dans nos murs, prenait sa revanche de vingt-deux années d’humiliations qui, pour
les armes françaises, avaient été vingt-deux années de gloire. L’épée à la main, il prononçait à son tour, dans la patrie de Brcnnus,
le redoutable vœ métis. Trois jours après, le 2 juin, le czar quitta Paris et reprit la route de la Moscovie.
Le 4 juin, Louis XVIII promulgua et octroya, de sa libre volonté et comme étant revêtu du pouvoir constituant, une charte
imitée des lois fondamentales de l’Angleterre. Les débris du Sénat et le Corps Législatif de 1813 assistaient à la séance royale.
Louis XVIII parla avec une dignité calme des événements qui s’étaient accomplis; il essaya de justifier la paix qui venait d’être
conclue, mais il ne réussit point à consoler la France d’avoir perdu le Rhin, l’Italie, et de n’être plus ce grand empire qui,
borné au Nord par la mer Baltique, atteignait, au Midi, Naples et la Turquie d’Europe. Le chancelier, M. Dambray, qui prit ensuite
la parole, ne fut point heureux dans l’exposé des principes auxquels la France était contrainte de revenir. Reconnaissant et
respectueux envers le roi, il perdit tout-à-fait de vue les droits du peuple, et eut la singulière idée de qualifier la nouvelle