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Audiganne, Armand; Benoist, Philippe [Ill.]
Paris dans sa splendeur: monuments, vues, scènes historiques, descriptions et histoire$ddessins et lithographies par MM. Philippe Benoist [und 17 weitere] ; texte par MM. Audiganne [und 23 weitere] (3ième volume): Histoire de Paris - environs de Paris — Paris: Henri Charpentier, 1861

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https://doi.org/10.11588/diglit.71015#0217

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ENVIRONS DE PARIS.

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calmées dans notre société, et, en tous cas, on n’afflige plus le Bois de ces sanglantes tragédies. On va plus loin : le bruit
de la vie effarouche la mort, et l’on n’ose plus passer le lacet fatal à ces arbres si bien soignés. Les habitués du Bois se sont
transformés comme le Bois lui-même.
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Les belles eaux sont le charme du paysage, la grâce et la fraîcheur de la terre. Le site le plus exquis a déjà moins d’attrait,
si l’on ne voit point quelque part les grands étangs dormir au soleil, ou les ruisselets courir en jasant sur les fontinales, entre
les cressons et les mousses fleuries. Les eaux jouent un rôle important dans la décoration grandiose de la nature, dès que l’homme
s’en est emparé. J’aime cette image du poète norvégien qui appelle les lacs les yeux bleus de la terre.
Les eaux manquaient à l’ancien Bois de Boulogne, tuf aride et sablonneux. Aucune source naturelle ne l’arrosait; mais l’empereur
Napoléon III rapportait de l’exil le souvenir de ces mille rivières artificielles qui serpentent dans les beaux parcs de l’aristocratie
anglaise, et il s’est dit, comme le héros de Shakspeare : J’élèverai les eaux, I will rise waters.
C’est ici que les difficultés commençaient. On a d’abord construit une montagne artificielle : c’est la butte Mortemart, couronnée
à la cime par un robuste cèdre, petit-fils de ceux qu’lliram planta jadis sur le sommet du Liban. Au pied de la butte, on a creusé
des canaux profonds qui, passant sous la grille de la Muette, montent jusqu’aux dernières hauteurs de la colline de Chaillot. Là,
ces canaux reçoivent l’eau de la Seine, qui leur est envoyée par les puissantes machines établies à Paris sur le quai de la
Conférence. Attirées par les lois de la statique jusqu’au sommet de la butte Mortemart, les eaux en jaillissent, abondantes et vives,
retombent deux fois en cascades, s’endorment dans la coupe allongée des lacs, s’écoulent en rivières, et s’enfuient en mille
ruisseaux, dont nous allons suivre le cours.
Cette cascade, épanchée sur un double lit de rochers, les promeneurs du Bois de Boulogne l’ont nommée la Source, parce
qu’elle est comme la mère de toutes nos eaux. Ces grands rochers, épars dans un désordre qui met aux portes de Paris une
miniature du chaos, portent à leurs flancs une végétation sauvage d’arbres vigoureux, entre lesquels flottent de longues lianes
fouettées par le vent et trempées dans l’humide poussière des cascades. A leurs pieds, celui des deux lacs que l’on appelle le
Lac Supérieur, déroule mollement sa nappe de moire frissonnante. Tout à l’entour, d’admirables gazons, épais et moelleux comme
des tapis de velours, dessinent leurs vertes arabesques sur les deux rives, tandis que la vue, au delà, s’arrête sur un rideau
mouvant dejeunes arbres, ou s’égare dans des perspectives aériennes. Plus loin, le Lac Supérieur s’étend, du rond delà Source,
où l’on ne va guère, jusqu’au rond des Cascades, où l’on va beaucoup.
Ce rond des Cascades, qui unit les deux lacs, est, en effet, une sorte de carrefour où viennent aboutir les plus jolies routes
du Bois. La foule des promeneurs y afflue sans cesse, et c’est là que le cicerone conduit d’abord son touriste, provincial ou
étranger. Sur leurs couches inégales les rochers reçoivent l’eau du premier lac, qui passe sous la chaussée, et la déversent au
milieu d’un nuage de blanche écume, dans le Lac Inférieur, creusé en contre-bas. De petits sentiers, irréguliers, capricieux,
coupés par des grottes de rocailles et des corbeilles de fleurs, autour desquelles ils serpentent, descendent à travers des pelouses
ondulées jusqu’à la margelle des eaux, et par de frais détours conduisent le promeneur aux quais de gazons et aux anses fleuries,
où stationne l’escadrille de la flotte bleue, appareillée pour le voyagé des îles.
Car il y a des îles sur la rivière ! Il y en a deux d’inégale grandeur, mais qui luttent entr’elles de grâces sauvages et de
beautés pittoresques. Ce sont, du reste, de véritables îles, complètement entourées d’eau, et qu’aucun isthme ne réunit à la
terre ferme. Impossible d’éviter les ennuis de la traversée La traversée dure une minute et coûte 50 centimes! — Un
pont rustique, qui de chaque côté a pour piles des masses de rochers, fait communiquer de l’une à l’autre. L’île du Nord est
presqu’entièrement couverte de bois touffus, pour la plupart d’essence résineuse; l’autre renferme des arbustes rares, des gazons
et des fleurs. Nulle part la végétation n’est plus luxuriante ni plus belle. Au milieu des masses de verdure sombre et vigoureuse
d’une plantation de pins, un chalet suisse, d’une construction élégante, offre aux passagers son abri restaurant; des kiosques,
au ventre rebondi, aux toits relevés comme un chapeau chinois, opposent au chalet le contraste de leur fabrique orientale. C’est
à qui saura mieux égayer le paysage.
Les lacs du Bois de Boulogne joignent l’utile à l’agréable : ils ont prêté leurs eaux transparentes aux expériences de M. Coste,
l’habile pisciculteur, qui tient des partis en réserve pour les carpes menacées de coiffer sainte Catherine, et qui tente, nouveau
de Foy, par l’appât d’une riche dot, les brochets récalcitrants et célibataires. Cinquante mille têtes de menu fretin, rejetons pleins
d’espérance des truites du Léman, des saumons du Rhin et des sterlets du Danube, y croissent et s’y développent dans une sécurité
trompeuse. On les voit jouer et s’ébattre dans le cristal des ondes — comme dirait un poète — puis tout-à-coup les mailles de
l’épervier tombent sur l’essaim folâtre; puis elles se relèvent, ruisselantes et gonflées..... et bientôt les têtes choisies ont l’honneur
Honneur dont le fretin se serait bien passé !
d’aller figurer sur un plat d’argent, derrière la vitrine tentatrice de Chevet, ou de Potel et Chabot

2me P. — Ap.

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