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https://doi.org/10.11588/diglit.3857#0355
jzo CEREMONIES, MCEURS ET COUTUMES
avoit touché le seu dans un linge, sous le scellé du Juge , qui ne devoit être levé
qu'au bout de trois jours.
On voit après ce tems des exemples sort mémorables de ces sortes d'épreuves,
dont le succès étoit admiré du vulgaire. Cependant les merveilles étonnantes qu'on
en publioit, ne pouvoient les saire approuver aux perfonnes éclairées. On en revint
enfin. A la sin du XL siécle Yve de Chartres écrivit, plusieurs Lettres (a) contre
ces usages. Les Papes Etienne V. Cèle/lin III. Innocent III. Honorius III. les condam-
nèrent. En même tems les Théologiens convinrent qu'on y tentoit Dieu j 8c tout le
monde en parut ensin perfuadé.
Cependant vers la sin du quinzième siécle l'usage de ces épreuves sembla vouloir
sè renouveller à Florence. En voici l'occafion. Jérôme Savonaroie^ Dominicain célè-
bre , & Vicaire Général de la Congrégation de S. Marc, avoit étonné un grand
nombre de perfonnes par la sévérité de les discours, par la vivacité avec laquelle
il préchoit la néceffité de la réformation de tout le Clergé , 8c fur tout par des
prédictions qu'il faifoit de tems en tems. Le Pape Alexandre VI. le cenfura au mois
de Mai 1497. principalement à caufe de fes Prophéties ^ & s'adoucisfant enfuite fur
des lettres de quelques Magiftrats de Florence, il lui défendit feulement de prêcher.
Peu de tems après il parut une excommunication en sorme contre Savonaroie. Pen-
dant tout le tems que celui-ci n'ofa prêcher, il subftitua en fa place un Religieux
de fon Ordre, nommé Dominique de Pcfcia, qui prit allez, le caractère véhément
& le ftile prophétique de Savonaroie , & qui prêcha publiquement que l'excommu-
nication lancée contre ce Do&eur étoit nulle. Un Religieux des Frères Mineurs ,
appelle ( b ) le P. François de la Pouille, prêcha vigoureufement au contraire que
l'excommunication étoit valide.
Si l'on en croit Pic de la Mirande, Auteur de la vie Savonaroie , le Dominicain
s'ossrit à prouver la vérité de fes propositions par le feu. D'autres Ecrivains contem-
porains tels que Nardi, l'Ammirato 6c Pérufin , sont entendre que le Francifcain
sut le premier à demander cette épreuve. Quoiqu'il en foit, ils convinrent qu'on en
viendroit à cette expérience, 8c surent cités devant la Seigneurie. Là , après plu-
sieurs difputes , le Cordelier ne voulant entrer dans le feu qu'avec le P. Savonaroie,
on dresfa un Acte (c) le 6 Mars 1498. dans lequel il fut arrêté, que le P. Domi-
nique de Pefcia entreroit dans un feu duquel il prétendoit fortir fain ôc fauve, pour
foutenir la caufe de Savonaroie -, de qu'en même tems un Frère Mineur préfenté par
le P. François de la Pouille y entreroit ausfî, assluant qu'il s'y brûleroit avec le Do-
minicain pour détromper le Peuple.
Cet Acte étant devenu public donna lieu à plusieurs disputes pour 8c contre, qui
engagèrent les Magiftrats de Florence à consulter Rome fur ce point. Le Pape
Alexandre VI. asïembla le Confistoire, où il fut déclaré que ces fortes d'épreuves
ne pouvoient être permises. Mais cette décision vint trop tard. Le premier d'Avril
à l'iffue d'un fermon pathétique du Dominicain, tous les Religieux 8c les AsTociés
du Couvent de S. Marc, & un grand nombre de Citoiens dirent hautement, qu'ils
croient prêts d'entrer dans le feu: quelques-uns même s'y engagèrent par écrit.
Deux ou trois Cordeliers s'obligèrent aussi par écrit à la même épreuve h 8c le Peu-
ple étant impatient de voir lequel d'entre eux fe brûleroit, la Seigneurie fans atten-
dre la réponse de Rome, ordonna que l'expérience seroit faite le Samedi fuivant,
6 -d'Avril, veille du Dimanche des Rameaux, à une heure après midi. Cette nou-
velle se répandit de toutes parts, & l'on prépara un bûcher d'une dimension éton-
nante dans la grande Place de Florence, où un monde insini de la Ville & de tous
les lieux voisins se rendit, ensorte qu'il fallut mettre beaucoup de Troupes fous les
armes, pour garder les avenues ôc empêcher le tumulte.
Le jour venu, quatre Huissiers de la Seigneurie allèrent annoncer l'heure aux
principaux Acteurs du fpectacle. Le Cordelier se rendit à la Place sans Cérémonie:
mais Savonaroie 8c le Père Dominique qui avoient passé tout le matin à chanter
solemnellement l'Osfice àc la Messe 3 sortirent de l'Eglise en Proceffion, suivis d'un
très grand monde. Le P. Dominique qui devoit entrer dans le seu aiant un Crucisix:
à la main, marchoit entre un Diacre 8c un Soudiacre ; 8c le P. Savonaroie portoit
le S. Sacrement. Dès qu'ils surent arrivés a la Place, le Franciscain François de la
Pouille défapprouvant ce grand appareil, demanda que le P. Dominique n'entrât
(a)Epi(t. 74. i°S- & 151. I (c) On peut voir cet A&e dans les additions
( b ) Irancisco àa Ponglia. j ^ ia Yia <je Savonaroie , imprimées en 1674.
point
avoit touché le seu dans un linge, sous le scellé du Juge , qui ne devoit être levé
qu'au bout de trois jours.
On voit après ce tems des exemples sort mémorables de ces sortes d'épreuves,
dont le succès étoit admiré du vulgaire. Cependant les merveilles étonnantes qu'on
en publioit, ne pouvoient les saire approuver aux perfonnes éclairées. On en revint
enfin. A la sin du XL siécle Yve de Chartres écrivit, plusieurs Lettres (a) contre
ces usages. Les Papes Etienne V. Cèle/lin III. Innocent III. Honorius III. les condam-
nèrent. En même tems les Théologiens convinrent qu'on y tentoit Dieu j 8c tout le
monde en parut ensin perfuadé.
Cependant vers la sin du quinzième siécle l'usage de ces épreuves sembla vouloir
sè renouveller à Florence. En voici l'occafion. Jérôme Savonaroie^ Dominicain célè-
bre , & Vicaire Général de la Congrégation de S. Marc, avoit étonné un grand
nombre de perfonnes par la sévérité de les discours, par la vivacité avec laquelle
il préchoit la néceffité de la réformation de tout le Clergé , 8c fur tout par des
prédictions qu'il faifoit de tems en tems. Le Pape Alexandre VI. le cenfura au mois
de Mai 1497. principalement à caufe de fes Prophéties ^ & s'adoucisfant enfuite fur
des lettres de quelques Magiftrats de Florence, il lui défendit feulement de prêcher.
Peu de tems après il parut une excommunication en sorme contre Savonaroie. Pen-
dant tout le tems que celui-ci n'ofa prêcher, il subftitua en fa place un Religieux
de fon Ordre, nommé Dominique de Pcfcia, qui prit allez, le caractère véhément
& le ftile prophétique de Savonaroie , & qui prêcha publiquement que l'excommu-
nication lancée contre ce Do&eur étoit nulle. Un Religieux des Frères Mineurs ,
appelle ( b ) le P. François de la Pouille, prêcha vigoureufement au contraire que
l'excommunication étoit valide.
Si l'on en croit Pic de la Mirande, Auteur de la vie Savonaroie , le Dominicain
s'ossrit à prouver la vérité de fes propositions par le feu. D'autres Ecrivains contem-
porains tels que Nardi, l'Ammirato 6c Pérufin , sont entendre que le Francifcain
sut le premier à demander cette épreuve. Quoiqu'il en foit, ils convinrent qu'on en
viendroit à cette expérience, 8c surent cités devant la Seigneurie. Là , après plu-
sieurs difputes , le Cordelier ne voulant entrer dans le feu qu'avec le P. Savonaroie,
on dresfa un Acte (c) le 6 Mars 1498. dans lequel il fut arrêté, que le P. Domi-
nique de Pefcia entreroit dans un feu duquel il prétendoit fortir fain ôc fauve, pour
foutenir la caufe de Savonaroie -, de qu'en même tems un Frère Mineur préfenté par
le P. François de la Pouille y entreroit ausfî, assluant qu'il s'y brûleroit avec le Do-
minicain pour détromper le Peuple.
Cet Acte étant devenu public donna lieu à plusieurs disputes pour 8c contre, qui
engagèrent les Magiftrats de Florence à consulter Rome fur ce point. Le Pape
Alexandre VI. asïembla le Confistoire, où il fut déclaré que ces fortes d'épreuves
ne pouvoient être permises. Mais cette décision vint trop tard. Le premier d'Avril
à l'iffue d'un fermon pathétique du Dominicain, tous les Religieux 8c les AsTociés
du Couvent de S. Marc, & un grand nombre de Citoiens dirent hautement, qu'ils
croient prêts d'entrer dans le feu: quelques-uns même s'y engagèrent par écrit.
Deux ou trois Cordeliers s'obligèrent aussi par écrit à la même épreuve h 8c le Peu-
ple étant impatient de voir lequel d'entre eux fe brûleroit, la Seigneurie fans atten-
dre la réponse de Rome, ordonna que l'expérience seroit faite le Samedi fuivant,
6 -d'Avril, veille du Dimanche des Rameaux, à une heure après midi. Cette nou-
velle se répandit de toutes parts, & l'on prépara un bûcher d'une dimension éton-
nante dans la grande Place de Florence, où un monde insini de la Ville & de tous
les lieux voisins se rendit, ensorte qu'il fallut mettre beaucoup de Troupes fous les
armes, pour garder les avenues ôc empêcher le tumulte.
Le jour venu, quatre Huissiers de la Seigneurie allèrent annoncer l'heure aux
principaux Acteurs du fpectacle. Le Cordelier se rendit à la Place sans Cérémonie:
mais Savonaroie 8c le Père Dominique qui avoient passé tout le matin à chanter
solemnellement l'Osfice àc la Messe 3 sortirent de l'Eglise en Proceffion, suivis d'un
très grand monde. Le P. Dominique qui devoit entrer dans le seu aiant un Crucisix:
à la main, marchoit entre un Diacre 8c un Soudiacre ; 8c le P. Savonaroie portoit
le S. Sacrement. Dès qu'ils surent arrivés a la Place, le Franciscain François de la
Pouille défapprouvant ce grand appareil, demanda que le P. Dominique n'entrât
(a)Epi(t. 74. i°S- & 151. I (c) On peut voir cet A&e dans les additions
( b ) Irancisco àa Ponglia. j ^ ia Yia <je Savonaroie , imprimées en 1674.
point