APPENDICE B5
landes. Ainsi tout ce qui a constitué le style Rubens en architecture, ou pour mieux dire celui des
jésuites, a été transporté dans le décor scénique.
FRANÇOIS BIBBIENA
NÉ EN 1659 ; MORT EN 1739.
Ce que nous disons ici de Ferdinand s’applique, à peu de chose près, à Francesco Bibbiena, son frère
puîné. Celui-ci avait étudié aussi à l’école de Carlo Cignani et de Pasinelli ; mais, suivant l’exemple de
Ferdinand, il ne tarda pas à abandonner la peinture pour l’architecture et la décoration théâtrale. Moins
âgé que son frère de deux ans seulement, il vécut longtemps avec lui dans une parfaite union, parta-
geant ses idées, son style, sa manière et souvent ses travaux. Il dirigea seul les brillantes fêtes qui
furent données à Naples lors de l’entrée de Philippe V dans cette ville. Ce prince voulut l’emmener à
Madrid en qualité d’architecte ; mais l’artiste s’excusa sur ce qu’il avait promis de se rendre à Vienne.
Il s’y rendit en effet et il y construisit pour l’empereur Léopold Ier un théâtre qui plut tellement, que
pour retenir auprès de lui l’architecte, Léopold lui offrit une pension de 6,000 florins. Mais Bibbiena
en demanda 8,000 comme un dédommagement nécessaire aux pertes qu’il subirait en refusant ailleurs
des entreprises importantes et lucratives. L’empereur hésitait à élever la pension jusqu’à cette somme,
lorsqu’il mourut, en 1703.
Joseph Ier, qui avait succédé à Léopold, ne marchanda point avec Bibbiena et le recompensa géné-
reusement des travaux dont il le chargea, lui laissant la liberté d’aller où l’appellerait l’emploi dé ses
talents. Francesco en profita pour se rendre à la cour de Lorraine, où il eut à bâtir un théâtre sur le
modèle de celui qui avait eu tant de succès en Autriche. Marié à Nancy, Bibbiena ne voulut pourtant
point se fixer en Lorraine : il retourna en Italie. C’est alors qu’il fut désigné par l’illustre antiquaire
Scipion Maffei à la Société philharmonique de Vérone, comme l’architecte le plus capable de bâtir le
théâtre que cette Société voulait élever. Francesco Bibbiena répondit pleinement à l’opinion que Maffei
avait conçue de lui. « Vérone peut se vanter, dit Quatremère, d’avoir un des théâtres les mieux entendus
qu’il y ait eu en Italie : portique extérieur, escaliers magnifiques aux quatre angles, salles et corridors
commodes, cet édifice réunit tout ce que le goût et l’utilifé peuvent demander. L’orchestre est séparé
du parterre, de peur que les spectateurs ne soient incommodés par le bruit des instruments. Le théâtre
est disposé de façon que l’on ne voit jamais les acteurs de côté. Entre la scène et le parterre se trouvent
placées les portes d’entrée, selon l’usage des théâtres antiques. »
Mais c’est sous le rapport de la décoration théâtrale que Francesco Bibbiena nous intéresse et qu’il
appartient à l'histoire des peintres.
Comme les œuvres de Ferdinand, son frère, celles de François Bibbiena sont marquées au coin d’une
magnificence qui est de nature à étonner le spectateur et à l’émouvoir. On y retrouve sans doute ce qui
caractérise l’architecture de décadence, des colonnes fuselées, boudinées, des colonnes dont le poids
énorme est supporté par des consoles : un gothique bâtard et de fantaisie avec des colonnettes
accouplées et torses, et des pinacles imaginaires ; un abus de l’alternance, soit dans les clavaux alter-
nativement saillants des archivoltes, soit dans les colonnes dont le tambour alterne avec une assise
cubique... Mais, il faut le dire encore une fois, ce qui serait insupportable en réalité, ou, comme l’on
dit, à l’exécution, se pardonne aisément dans les fictions du décorateur, qui ne font que paraître et
disparaître ; l’audace des encorbellements peut lui être permise tant que le spectateur n’en est pas
alarmé, c’est-à-dire tant que ces encorbellements n’ont pas l’air de supporter un poids véritable, comme
cela serait, par exemple, si une action du drame se passait au second étage d’un édifice figuré sur la
scène. Et du reste, les inventions, les compositions de Francesco Bibbiena sont empreintes d’imagina-
tion et de poésie. On aime à se promener dans les jardins enchantés dont son frère et lui nous ouvrent
landes. Ainsi tout ce qui a constitué le style Rubens en architecture, ou pour mieux dire celui des
jésuites, a été transporté dans le décor scénique.
FRANÇOIS BIBBIENA
NÉ EN 1659 ; MORT EN 1739.
Ce que nous disons ici de Ferdinand s’applique, à peu de chose près, à Francesco Bibbiena, son frère
puîné. Celui-ci avait étudié aussi à l’école de Carlo Cignani et de Pasinelli ; mais, suivant l’exemple de
Ferdinand, il ne tarda pas à abandonner la peinture pour l’architecture et la décoration théâtrale. Moins
âgé que son frère de deux ans seulement, il vécut longtemps avec lui dans une parfaite union, parta-
geant ses idées, son style, sa manière et souvent ses travaux. Il dirigea seul les brillantes fêtes qui
furent données à Naples lors de l’entrée de Philippe V dans cette ville. Ce prince voulut l’emmener à
Madrid en qualité d’architecte ; mais l’artiste s’excusa sur ce qu’il avait promis de se rendre à Vienne.
Il s’y rendit en effet et il y construisit pour l’empereur Léopold Ier un théâtre qui plut tellement, que
pour retenir auprès de lui l’architecte, Léopold lui offrit une pension de 6,000 florins. Mais Bibbiena
en demanda 8,000 comme un dédommagement nécessaire aux pertes qu’il subirait en refusant ailleurs
des entreprises importantes et lucratives. L’empereur hésitait à élever la pension jusqu’à cette somme,
lorsqu’il mourut, en 1703.
Joseph Ier, qui avait succédé à Léopold, ne marchanda point avec Bibbiena et le recompensa géné-
reusement des travaux dont il le chargea, lui laissant la liberté d’aller où l’appellerait l’emploi dé ses
talents. Francesco en profita pour se rendre à la cour de Lorraine, où il eut à bâtir un théâtre sur le
modèle de celui qui avait eu tant de succès en Autriche. Marié à Nancy, Bibbiena ne voulut pourtant
point se fixer en Lorraine : il retourna en Italie. C’est alors qu’il fut désigné par l’illustre antiquaire
Scipion Maffei à la Société philharmonique de Vérone, comme l’architecte le plus capable de bâtir le
théâtre que cette Société voulait élever. Francesco Bibbiena répondit pleinement à l’opinion que Maffei
avait conçue de lui. « Vérone peut se vanter, dit Quatremère, d’avoir un des théâtres les mieux entendus
qu’il y ait eu en Italie : portique extérieur, escaliers magnifiques aux quatre angles, salles et corridors
commodes, cet édifice réunit tout ce que le goût et l’utilifé peuvent demander. L’orchestre est séparé
du parterre, de peur que les spectateurs ne soient incommodés par le bruit des instruments. Le théâtre
est disposé de façon que l’on ne voit jamais les acteurs de côté. Entre la scène et le parterre se trouvent
placées les portes d’entrée, selon l’usage des théâtres antiques. »
Mais c’est sous le rapport de la décoration théâtrale que Francesco Bibbiena nous intéresse et qu’il
appartient à l'histoire des peintres.
Comme les œuvres de Ferdinand, son frère, celles de François Bibbiena sont marquées au coin d’une
magnificence qui est de nature à étonner le spectateur et à l’émouvoir. On y retrouve sans doute ce qui
caractérise l’architecture de décadence, des colonnes fuselées, boudinées, des colonnes dont le poids
énorme est supporté par des consoles : un gothique bâtard et de fantaisie avec des colonnettes
accouplées et torses, et des pinacles imaginaires ; un abus de l’alternance, soit dans les clavaux alter-
nativement saillants des archivoltes, soit dans les colonnes dont le tambour alterne avec une assise
cubique... Mais, il faut le dire encore une fois, ce qui serait insupportable en réalité, ou, comme l’on
dit, à l’exécution, se pardonne aisément dans les fictions du décorateur, qui ne font que paraître et
disparaître ; l’audace des encorbellements peut lui être permise tant que le spectateur n’en est pas
alarmé, c’est-à-dire tant que ces encorbellements n’ont pas l’air de supporter un poids véritable, comme
cela serait, par exemple, si une action du drame se passait au second étage d’un édifice figuré sur la
scène. Et du reste, les inventions, les compositions de Francesco Bibbiena sont empreintes d’imagina-
tion et de poésie. On aime à se promener dans les jardins enchantés dont son frère et lui nous ouvrent