LA LITTÉRATURE AFRICAINE. '235
ville d'Œa (Tripoli), il retrouva un de ses anciens cama-
rades d'Athènes qui le retint au passage et lui donna
l'occasion de se faire entendre et applaudir. Apulée,
charmé de l'accueil qu'il recevait, resta quelques jours,
puis quelques mois, et finit même par se laisser marier
à la mère de son ami, une riche veuve, qui s'était éprise
du jeune sage. Par malheur, la discorde se mil bientôt
clans la famille; les fils de la veuve, qui paraissaient
d'abord s'être réjouis d'avoir Apulée pour beau-père,
effrayés de voir l'ascendant qu'il prenait sur sa femme et
craignant pour leur fortune, l'accusèrent d'avoir employé
des maléfices pour si; faire aimer. 11 avait beau répondre
que cet amour s'expliquait le plus naturellement du
monde, qu'une femme, qui n'était plus jeune et qui n'avait
jamais été belle1, pouvait bien s'éprendre d'un brillant
jeune homme, que ses ennemis accusaient d'être trop
beau garçon pour un philosophe, sans qu'on soupçonnât
d'autre maléfice que sa figure et son esprit; il n'en fut
pas moins traîné devant les tribunaux. C'était une grave
affaire : la loi romaine traitait sans pitié les magiciens.
Heureusement les raisons que donnaient les ennemis
d'Apulée pour l'afccuser étaient ridicules, et il n'eut pas
de peine à les réfuter. Il gagna vraisemblablement sa
cause devant les juges; mais j'imagine que le public ne
dut pas être tout à fait convaincu de son innocence. Un
homme qui savait tant de choses, qui disséquait des pois-
sons, qui magnétisait les enfants, qui guérissait les
femmes épileptiques, lui était suspect. Malgré le char-
1. Mcdiocri forma, al non xlate mediocri. Apol., 92.
ville d'Œa (Tripoli), il retrouva un de ses anciens cama-
rades d'Athènes qui le retint au passage et lui donna
l'occasion de se faire entendre et applaudir. Apulée,
charmé de l'accueil qu'il recevait, resta quelques jours,
puis quelques mois, et finit même par se laisser marier
à la mère de son ami, une riche veuve, qui s'était éprise
du jeune sage. Par malheur, la discorde se mil bientôt
clans la famille; les fils de la veuve, qui paraissaient
d'abord s'être réjouis d'avoir Apulée pour beau-père,
effrayés de voir l'ascendant qu'il prenait sur sa femme et
craignant pour leur fortune, l'accusèrent d'avoir employé
des maléfices pour si; faire aimer. 11 avait beau répondre
que cet amour s'expliquait le plus naturellement du
monde, qu'une femme, qui n'était plus jeune et qui n'avait
jamais été belle1, pouvait bien s'éprendre d'un brillant
jeune homme, que ses ennemis accusaient d'être trop
beau garçon pour un philosophe, sans qu'on soupçonnât
d'autre maléfice que sa figure et son esprit; il n'en fut
pas moins traîné devant les tribunaux. C'était une grave
affaire : la loi romaine traitait sans pitié les magiciens.
Heureusement les raisons que donnaient les ennemis
d'Apulée pour l'afccuser étaient ridicules, et il n'eut pas
de peine à les réfuter. Il gagna vraisemblablement sa
cause devant les juges; mais j'imagine que le public ne
dut pas être tout à fait convaincu de son innocence. Un
homme qui savait tant de choses, qui disséquait des pois-
sons, qui magnétisait les enfants, qui guérissait les
femmes épileptiques, lui était suspect. Malgré le char-
1. Mcdiocri forma, al non xlate mediocri. Apol., 92.