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BULLETIN DES MUSÉES ROYAUX
sont déjà renseignées, les autres ne formeraient
qu’une sèche énumération de pièces qui n’ajoute-
rait absolument rien à l’opinion que le lecteur a pu
se faire de notre sculpteur ; d’autre part, la plupart
des figurines à citer manquent, sous l’un ou l’autre
rapport, de caractère réellement artistique, de
sorte que ce catalogue serait plutôt nuisible qu’utile
à la mémoire du sculpteur andennais.
E.-J. Dardenne,
Membre Correspondant de la
Commission Royale des Monuments.
*****
UN INSIGNE DE LA TOISON D'OR b
LES collections de l’art ancien aux Musées
royaux du Cinquantenaire viennent de s’en-
richir d’un insigne qui a été trouvé au mois de
juin 1905 par un ouvrier, dans un égout en ruines,
du château d’Esclaibes, petit village situé à cinq
kilomètres de Maubeuge. Il est haut de ômo6 envi-
ron ; il est en or fondu et ciselé et pèse un peu
plus de vingt grammes. L’insigne se compose de
deux pièces, à savoir : la toison de bélier ou mouton
et le briquet surmonté du caillou ; l’usure de meil-
leur aloi qu’on remarque à la bêlière et au point
d’attache des deux éléments de l’insigne dissipe
toutes les objections qu’on pourrait formuler con-
cernant l’authenticité de l’objet.
Quant à l’époque de l’insigne, il serait assez
difficile de lui assigner une date précise. A consi-
dérer le style du briquet, nous pencherions à y voir
un spécimen du xvte siècle. Il serait difficile d’ar-
guer de la forme de l’insigne. A l’exposition de la
Toison d’or à Bruges, nous avons passé en revue,
et avec la plus grande attention, les figurations
de ces insignes sur des portraits des xve, xvie et
xvne siècles, et nous avons constaté qu’il régnait
la plus grande diversité dans la manière de dessi-
ner ou de peindre ce glorieux insigne. Tantôt le
seul bélier figure, tantôt il est accompagné du
briquet et des cailloux. La forme, les dimensions,
le caractère de l’insigne varient d’un tableau à
l’autre. Il serait inexact de ne voir là que la consé-
quence d’une fantaisie d’artiste. Que les peintres
ne se soient pas astreints à une rigoureuse exacti-
tude, c’est vraisemblable; mais il serait inadmis-
sible de voir œuvre de fantaisie dans chaque repré-
sentation d’insigne. Les plus récents, même très
riches, s’accusent par leurs formes lourdes et
banales. Rappelons, à ce propos, qu’il y avait deux
sortes d’insignes : le collier complet et l’insigne
réduit à sa plus simple expression, comme c’est le
cas pour l’objet que nous publions ici. C’est
celui-là que le titulaire portait habituellement, se
réservant de ne prendre le collier que pour les
grandes cérémonies. Dans les représentations du
chapitre de la Toison d’or, on voit que les cheva-
liers le portent toujours déployé au-dessus de leur
robe rouge. Le collier est formé, outre la toison, de
pierres éclatant entre deux briquets ou fusils.
O11 remarquera que ces éléments n’ont pas
varié, si ce n’est par le style et le cachet propres
aux diverses époques. Et c’est à cette circonstance
seule que l’on doit d’en déterminer la date. Il eût
été impossible, d’ailleurs, d’en assurer la forme ne
varietur depuis l’origine de l’ordre, qui fut fondé,
par Philippe le Bon, comme on le sait, à Bruges, le
10 janvier 1429, en l’honneur de son mariage avec
Isabelle de Portugal.
Le collier a eu, dans le passé, une popularité
considérable dans les États de la maison de Bour-
gogne et de la maison hispano-habsbourgeoise. On
retrouve, par exemple, le briquet isolé comme mo-
tif dans des panneaux de coffres 2, dans des dres-
soirs. Dans une clôture en laiton du xvie siècle,
qui appartient à l’église Saint-Jacques, à Bruges,
et qui figura à l’exposition des dinanderies à
Dinant, on remarque une combinaison de plusieurs
briquets qui produisent un effet aussi ingénieux que
pittoresque. Mais le collier s’est surtout popularisé
parles imitations qui en ont été faites jusqu’à la
fin du xvme siècle.
Il est pour le moins douteux que, du vivant du
puissant duc de Bourgogne, on se soit permis de
plagier trop ostensiblement la marque honorifique
que le prince octroyait à de puissants seigneurs et
aux principaux officiers de sa maison qui jouis-
saient le plus de sa faveur. On mêla d’abord le
briquet ou fusil et le caillou à des éléments décora-
tifs (v. pl. 9) 3. Plus tard, on s’entendit au point
de se rapprocher assez près du prototype, mais on
introduisit des flèches, des arquebuses et on plaça
la croix de Saint-André, que l’on combinera même
avec des espèces de fleurons. L’exemple le plus
ingénieux, sous ce rapport, est le beau collier de
Diest. Dans le collier de Machelen (pl. 24) 4 on
voit des briquets et les cailloux placés séparément
et alternant avec des plaques reproduisant les ima-
ges de saint Laurent, de saint Antoine, ermite, de
saint Roch. Dans le collier des canonniers-arque-
busiers d’Ath (pl. 5) 5, les emblèmes chers à Phi-
1. L’insigne de la Toison d’Or, objet de cet article, est
exposé aujourd’hui au Musée de la Porte de Hal, dans la
collection de décorations et de médailles. (N. d. 1. R.)
2. Coffres ou bahuts de l’hôpital Notre-Dame à Alost,
aux Musées royaux du Cinquantenaire.
3. Cfr. p. 21, voir note préface dans l’album des Gildes
et corporations. (Exposition rétrospective de Liège, mai-juil-
let içoo.J
4-5. Ibidem.
BULLETIN DES MUSÉES ROYAUX
sont déjà renseignées, les autres ne formeraient
qu’une sèche énumération de pièces qui n’ajoute-
rait absolument rien à l’opinion que le lecteur a pu
se faire de notre sculpteur ; d’autre part, la plupart
des figurines à citer manquent, sous l’un ou l’autre
rapport, de caractère réellement artistique, de
sorte que ce catalogue serait plutôt nuisible qu’utile
à la mémoire du sculpteur andennais.
E.-J. Dardenne,
Membre Correspondant de la
Commission Royale des Monuments.
*****
UN INSIGNE DE LA TOISON D'OR b
LES collections de l’art ancien aux Musées
royaux du Cinquantenaire viennent de s’en-
richir d’un insigne qui a été trouvé au mois de
juin 1905 par un ouvrier, dans un égout en ruines,
du château d’Esclaibes, petit village situé à cinq
kilomètres de Maubeuge. Il est haut de ômo6 envi-
ron ; il est en or fondu et ciselé et pèse un peu
plus de vingt grammes. L’insigne se compose de
deux pièces, à savoir : la toison de bélier ou mouton
et le briquet surmonté du caillou ; l’usure de meil-
leur aloi qu’on remarque à la bêlière et au point
d’attache des deux éléments de l’insigne dissipe
toutes les objections qu’on pourrait formuler con-
cernant l’authenticité de l’objet.
Quant à l’époque de l’insigne, il serait assez
difficile de lui assigner une date précise. A consi-
dérer le style du briquet, nous pencherions à y voir
un spécimen du xvte siècle. Il serait difficile d’ar-
guer de la forme de l’insigne. A l’exposition de la
Toison d’or à Bruges, nous avons passé en revue,
et avec la plus grande attention, les figurations
de ces insignes sur des portraits des xve, xvie et
xvne siècles, et nous avons constaté qu’il régnait
la plus grande diversité dans la manière de dessi-
ner ou de peindre ce glorieux insigne. Tantôt le
seul bélier figure, tantôt il est accompagné du
briquet et des cailloux. La forme, les dimensions,
le caractère de l’insigne varient d’un tableau à
l’autre. Il serait inexact de ne voir là que la consé-
quence d’une fantaisie d’artiste. Que les peintres
ne se soient pas astreints à une rigoureuse exacti-
tude, c’est vraisemblable; mais il serait inadmis-
sible de voir œuvre de fantaisie dans chaque repré-
sentation d’insigne. Les plus récents, même très
riches, s’accusent par leurs formes lourdes et
banales. Rappelons, à ce propos, qu’il y avait deux
sortes d’insignes : le collier complet et l’insigne
réduit à sa plus simple expression, comme c’est le
cas pour l’objet que nous publions ici. C’est
celui-là que le titulaire portait habituellement, se
réservant de ne prendre le collier que pour les
grandes cérémonies. Dans les représentations du
chapitre de la Toison d’or, on voit que les cheva-
liers le portent toujours déployé au-dessus de leur
robe rouge. Le collier est formé, outre la toison, de
pierres éclatant entre deux briquets ou fusils.
O11 remarquera que ces éléments n’ont pas
varié, si ce n’est par le style et le cachet propres
aux diverses époques. Et c’est à cette circonstance
seule que l’on doit d’en déterminer la date. Il eût
été impossible, d’ailleurs, d’en assurer la forme ne
varietur depuis l’origine de l’ordre, qui fut fondé,
par Philippe le Bon, comme on le sait, à Bruges, le
10 janvier 1429, en l’honneur de son mariage avec
Isabelle de Portugal.
Le collier a eu, dans le passé, une popularité
considérable dans les États de la maison de Bour-
gogne et de la maison hispano-habsbourgeoise. On
retrouve, par exemple, le briquet isolé comme mo-
tif dans des panneaux de coffres 2, dans des dres-
soirs. Dans une clôture en laiton du xvie siècle,
qui appartient à l’église Saint-Jacques, à Bruges,
et qui figura à l’exposition des dinanderies à
Dinant, on remarque une combinaison de plusieurs
briquets qui produisent un effet aussi ingénieux que
pittoresque. Mais le collier s’est surtout popularisé
parles imitations qui en ont été faites jusqu’à la
fin du xvme siècle.
Il est pour le moins douteux que, du vivant du
puissant duc de Bourgogne, on se soit permis de
plagier trop ostensiblement la marque honorifique
que le prince octroyait à de puissants seigneurs et
aux principaux officiers de sa maison qui jouis-
saient le plus de sa faveur. On mêla d’abord le
briquet ou fusil et le caillou à des éléments décora-
tifs (v. pl. 9) 3. Plus tard, on s’entendit au point
de se rapprocher assez près du prototype, mais on
introduisit des flèches, des arquebuses et on plaça
la croix de Saint-André, que l’on combinera même
avec des espèces de fleurons. L’exemple le plus
ingénieux, sous ce rapport, est le beau collier de
Diest. Dans le collier de Machelen (pl. 24) 4 on
voit des briquets et les cailloux placés séparément
et alternant avec des plaques reproduisant les ima-
ges de saint Laurent, de saint Antoine, ermite, de
saint Roch. Dans le collier des canonniers-arque-
busiers d’Ath (pl. 5) 5, les emblèmes chers à Phi-
1. L’insigne de la Toison d’Or, objet de cet article, est
exposé aujourd’hui au Musée de la Porte de Hal, dans la
collection de décorations et de médailles. (N. d. 1. R.)
2. Coffres ou bahuts de l’hôpital Notre-Dame à Alost,
aux Musées royaux du Cinquantenaire.
3. Cfr. p. 21, voir note préface dans l’album des Gildes
et corporations. (Exposition rétrospective de Liège, mai-juil-
let içoo.J
4-5. Ibidem.