DES ARTS DÉCORATIFS ET INDUSTRIELS.
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culte secret, ou tout au moins privé, jusqu’en
1841, époque àlaquelle elle prit place dans la petite
église de Termonde, occupée par les nouveaux
bénédictins belges.
Depuis lors, une nouvelle abbaye s’est élevée à
Afflighem, sur les ruines de l’ancienne. Les moines
réclamèrent naturellement à leurs frères de Ter-
monde la précieuse statue qu’ils tenaient en dépôt
et celle-ci a, de cette façon, repris, en 1898, dans le
sanctuaire brabançon, une place marquée par huit
siècles de vénération.
Ce n’est pas seulement à Afflighem que se mani-
festait le culte d’une Madone, que sa touchante
familiarité envers saint Bernard avait rendue tout
à fait sympathique et populaire dans nos croyantes
régions.
Les Vierges les plus célèbres, celles de Hal, de
Montaigu, et d’autres encore, faisaient, dans divers
endroits du pays, l’objet de confréries, ayant à
elles, dans l’église locale, un autel avec tous ses
accessoires, ainsi que des ornements leur apparte-
nant en propre et destinés à relever de leur note
spéciale les cérémonies pratiquées par l’Association.
La Vierge d’Afflighem était du nombre. On
l’honorait ainsi notamment à Bruxelles et c’était
en l’église de Sainte-Catherine que la confrérie,
érigée sous son nom, avait son autel particulier.
Parmi les ornements affectés au service de ce
dernier devait nécessairement figurer un voile de
bénédiction, servant pendant l’office du « salut »,
soit à envelopper le pied de l’ostensoir, soit peut-
être aussi à faire l’office de vélum devant le Saint-
Sacrement, quand les fidèles étaient amenés à lui
tourner le dos pour regarder la chaire du prédi-
cateur.
C’est un voile de l’espèce que représente la den-
telle, premier objet de cet article. La marque de
la confrérie y apparaît, indéniable, dans le tableau
qu’elle retrace de la scène de miracle relatée ci-
dessus.
La tradition s’y est relâchée sur certains points.
Ce n’est plus une statue en pied que nous avons
sous les yeux, mais une Vierge 11e montrant que la
tête et perdue, pour le surplus, dans cette carcasse,
en forme d’eteignoir, que nos pères imaginèrent
sans doute pour pouvoir y étaler plus pleinement
les broderies et les bijoux dont ils se plaisaient à
surcharger leurs Vierges préférées. Quant au saint,
il n’est plus debout, s'inclinant simplement devant
la sainte image; nous le voyons agenouillé aux
pieds de la Madone. Enfin les paroles prêtées à la
Vierge ne sont plus le Salve Bcrnarde, qui mar-
quait si bien, par son opposition avec l'Ave Maria,
la différence de rang entre la Vierge et son servi-
teur. Une telle nuance dut échapper sans doute à
l’auteur du dessin de la dentelle lequel, trouva plus
adéquat et plus frappant d’opposer plutôt un Ave
à l’autre.
Mais tout ceci n’a guère d’importance au point
de vue de l’exposé qui nous occupe et que nous
pouvons clore ici. Nous nous bornerons à ajouter
que le voile en question fut d’abord soigneusement
conserve à l’église Sainte-Catherine, bien qu’un
changement survenu dans la liturgie en eût sup-
primé l’usage. Mais le conseil de fabrique jugea
finalement qu’au lieu de legarderdans unearmoire,
sans profit pour personne, on l’honorerait davan-
tage en le faisant entrer dans les collections de
l’Etat,où il contribuerait du moins à glorifier notre
belle industrie nationale et à servir de cette façon
la cause de la dentelle.
C’est grâce à cette intelligente façon de voir que
M. et Mme Beernaert eurent l'occasion de nous
offrir le précieux document.
Par une curieuse coïncidence, la collection du
Cinquantenaire renferme une autre pièce de den-
telle, qui touche peut-être de plus près encore à
Notie Dame d’Afflighem. C’est un manteau de
Vierge, en point de Bruxelles, à l’aiguille, du mi-
lieu du xvme siècle, faisant partie du fonds donné
par Mme Montefiore Levi et constituant un des
morceaux les plus importants de cette collection.
Nous ne nous arrêterons pas à en donner ici une
description d’ensemble. Le seul point sur lequel
nous voulions insister en ce moment, c’est que,
dans le bas du manteau, aux deux extrémités du
bord inférieur, 011 voit tracés, à droite, les mots :
Ave Maria à gauche, les mots : SalveBernar.
Il est inutile, pensons-nous, après ce que nous
avons dit plus haut, d’insister sur la circonstance
à laquelle ces inscriptions font allusion. Il s’agit
évidemment du miracle dont saint Bernard fut le
héros et l’on peut en conclure qu’il devait y avoir
certainement quelque attache entre le manteau de
dentelle et Notre-Dame d’Afflighem. Cette attache
aurait pu consister, nous semblait-il,dans l’existence
d’une confrérie semblable à celle que nous avons
rencontrée dans l’église Sainte-Catherine, àBruxel-
les. Nous ne savions, du reste, rien de formel à cet
égard,lorsqu'une circonstance fortuite vint nous en
apprendre davantage touchant la provenance de
notre dentelle. M. Roose, clerc de l’église Saint-
Martin, à Alost, aperçut un jour le manteau, au
cours d'une visite qu’il faisait au Musée et, le
reconnaissant aussitôt, vint nous prévenir de ce
qu’il savait à son sujet.
Lorsque les moines se virent forcés d’abandonner
Afflighem en 1796, ils eurent soin, avons-nous
dit, d’emporter avec eux leurs objets les plus pré-
cieux. Les uns se dirigèrent vers Termonde : ils
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culte secret, ou tout au moins privé, jusqu’en
1841, époque àlaquelle elle prit place dans la petite
église de Termonde, occupée par les nouveaux
bénédictins belges.
Depuis lors, une nouvelle abbaye s’est élevée à
Afflighem, sur les ruines de l’ancienne. Les moines
réclamèrent naturellement à leurs frères de Ter-
monde la précieuse statue qu’ils tenaient en dépôt
et celle-ci a, de cette façon, repris, en 1898, dans le
sanctuaire brabançon, une place marquée par huit
siècles de vénération.
Ce n’est pas seulement à Afflighem que se mani-
festait le culte d’une Madone, que sa touchante
familiarité envers saint Bernard avait rendue tout
à fait sympathique et populaire dans nos croyantes
régions.
Les Vierges les plus célèbres, celles de Hal, de
Montaigu, et d’autres encore, faisaient, dans divers
endroits du pays, l’objet de confréries, ayant à
elles, dans l’église locale, un autel avec tous ses
accessoires, ainsi que des ornements leur apparte-
nant en propre et destinés à relever de leur note
spéciale les cérémonies pratiquées par l’Association.
La Vierge d’Afflighem était du nombre. On
l’honorait ainsi notamment à Bruxelles et c’était
en l’église de Sainte-Catherine que la confrérie,
érigée sous son nom, avait son autel particulier.
Parmi les ornements affectés au service de ce
dernier devait nécessairement figurer un voile de
bénédiction, servant pendant l’office du « salut »,
soit à envelopper le pied de l’ostensoir, soit peut-
être aussi à faire l’office de vélum devant le Saint-
Sacrement, quand les fidèles étaient amenés à lui
tourner le dos pour regarder la chaire du prédi-
cateur.
C’est un voile de l’espèce que représente la den-
telle, premier objet de cet article. La marque de
la confrérie y apparaît, indéniable, dans le tableau
qu’elle retrace de la scène de miracle relatée ci-
dessus.
La tradition s’y est relâchée sur certains points.
Ce n’est plus une statue en pied que nous avons
sous les yeux, mais une Vierge 11e montrant que la
tête et perdue, pour le surplus, dans cette carcasse,
en forme d’eteignoir, que nos pères imaginèrent
sans doute pour pouvoir y étaler plus pleinement
les broderies et les bijoux dont ils se plaisaient à
surcharger leurs Vierges préférées. Quant au saint,
il n’est plus debout, s'inclinant simplement devant
la sainte image; nous le voyons agenouillé aux
pieds de la Madone. Enfin les paroles prêtées à la
Vierge ne sont plus le Salve Bcrnarde, qui mar-
quait si bien, par son opposition avec l'Ave Maria,
la différence de rang entre la Vierge et son servi-
teur. Une telle nuance dut échapper sans doute à
l’auteur du dessin de la dentelle lequel, trouva plus
adéquat et plus frappant d’opposer plutôt un Ave
à l’autre.
Mais tout ceci n’a guère d’importance au point
de vue de l’exposé qui nous occupe et que nous
pouvons clore ici. Nous nous bornerons à ajouter
que le voile en question fut d’abord soigneusement
conserve à l’église Sainte-Catherine, bien qu’un
changement survenu dans la liturgie en eût sup-
primé l’usage. Mais le conseil de fabrique jugea
finalement qu’au lieu de legarderdans unearmoire,
sans profit pour personne, on l’honorerait davan-
tage en le faisant entrer dans les collections de
l’Etat,où il contribuerait du moins à glorifier notre
belle industrie nationale et à servir de cette façon
la cause de la dentelle.
C’est grâce à cette intelligente façon de voir que
M. et Mme Beernaert eurent l'occasion de nous
offrir le précieux document.
Par une curieuse coïncidence, la collection du
Cinquantenaire renferme une autre pièce de den-
telle, qui touche peut-être de plus près encore à
Notie Dame d’Afflighem. C’est un manteau de
Vierge, en point de Bruxelles, à l’aiguille, du mi-
lieu du xvme siècle, faisant partie du fonds donné
par Mme Montefiore Levi et constituant un des
morceaux les plus importants de cette collection.
Nous ne nous arrêterons pas à en donner ici une
description d’ensemble. Le seul point sur lequel
nous voulions insister en ce moment, c’est que,
dans le bas du manteau, aux deux extrémités du
bord inférieur, 011 voit tracés, à droite, les mots :
Ave Maria à gauche, les mots : SalveBernar.
Il est inutile, pensons-nous, après ce que nous
avons dit plus haut, d’insister sur la circonstance
à laquelle ces inscriptions font allusion. Il s’agit
évidemment du miracle dont saint Bernard fut le
héros et l’on peut en conclure qu’il devait y avoir
certainement quelque attache entre le manteau de
dentelle et Notre-Dame d’Afflighem. Cette attache
aurait pu consister, nous semblait-il,dans l’existence
d’une confrérie semblable à celle que nous avons
rencontrée dans l’église Sainte-Catherine, àBruxel-
les. Nous ne savions, du reste, rien de formel à cet
égard,lorsqu'une circonstance fortuite vint nous en
apprendre davantage touchant la provenance de
notre dentelle. M. Roose, clerc de l’église Saint-
Martin, à Alost, aperçut un jour le manteau, au
cours d'une visite qu’il faisait au Musée et, le
reconnaissant aussitôt, vint nous prévenir de ce
qu’il savait à son sujet.
Lorsque les moines se virent forcés d’abandonner
Afflighem en 1796, ils eurent soin, avons-nous
dit, d’emporter avec eux leurs objets les plus pré-
cieux. Les uns se dirigèrent vers Termonde : ils