NOTES SUR DES PEINTURES HINDOUES
DE LA BIBLIOTHÈQUE NATIONALE
Par E. BLOCHET
Les tableaux hindous reproduits dans cet article appartiennent aux collections du
Département des Estampes de la Bibliothèque nationale de Paris.
Les Hindous vishnouïtes n’enluminaient guère leurs livres, non que leur religion
leur en fît un scrupule : la loi des Indes n’interdisait point la reproduction des formes
vivantes, pas plus de la figure humaine que des animaux; elle était sortie de la pensée
limpide d’Ariens, frères de ces Hellènes qui devaient, aux rives de la mer Egée,
porter ,1’Art à sa perfection, et les arts à leur apogée ; elle naquit dans l’idée de
peuples, dont la langue, harmonieuse et souple, somptueuse comme celle d’Homère et
de Pindare, était riche de formes diaprées qui chatoient dans la phrase pour marquer
l’ondulation de la pensée, en coordonnant ses périodes, au lieu, comme les langues
sémitiques, de les laisser flotter dans un vide imprécis, qui traduit des concepts impar-
faits.
Les Hindous abusèrent de la liberté que leur concédait leur loi ; ils l’exagérèrent en
licence et en superfétation ; s’ils empruntèrent aux Hellènes les principes de leurs
arts, ils ne tardèrent pas à se séparer d’eux par leur horreur insurmontable de ce juste
milieu, de cette modération savante, qui leur parut de la médiocrité, qui leur sembla
de la misère, alors qu’elle réjouit les mânes de Confucius. Ils surchargèrent leurs
monuments de sculptures écrasantes; ils les multiplièrent, ils les empilèrent dans des
parties que les Grecs laissaient planes et sans décoration ; l’éntassement des figures
se presse sur les toits pyramidaux des temples, et les stoupas sont couverts de sculp-
tures enchevêtrées sur la pierre, que le ciseau des artistes fouilla sur toute sa surface.
Cette superfétation est orientale ; elle caractérisa, quoique à un degré moindre, la
méthode de Byzance ; elle se retrouve dans tous les monuments qui ont été érigés par
les Ariens d’Asie, mais les Hindous l’ont portée à son extrême, comme tous les peuples
qui ont vécu de leur civilisation. Les Perses, au temps des Achéménides, se montrèrent
plus discrets ; ils compliquèrent inutilement la simplicité des normes helléniques, que
DE LA BIBLIOTHÈQUE NATIONALE
Par E. BLOCHET
Les tableaux hindous reproduits dans cet article appartiennent aux collections du
Département des Estampes de la Bibliothèque nationale de Paris.
Les Hindous vishnouïtes n’enluminaient guère leurs livres, non que leur religion
leur en fît un scrupule : la loi des Indes n’interdisait point la reproduction des formes
vivantes, pas plus de la figure humaine que des animaux; elle était sortie de la pensée
limpide d’Ariens, frères de ces Hellènes qui devaient, aux rives de la mer Egée,
porter ,1’Art à sa perfection, et les arts à leur apogée ; elle naquit dans l’idée de
peuples, dont la langue, harmonieuse et souple, somptueuse comme celle d’Homère et
de Pindare, était riche de formes diaprées qui chatoient dans la phrase pour marquer
l’ondulation de la pensée, en coordonnant ses périodes, au lieu, comme les langues
sémitiques, de les laisser flotter dans un vide imprécis, qui traduit des concepts impar-
faits.
Les Hindous abusèrent de la liberté que leur concédait leur loi ; ils l’exagérèrent en
licence et en superfétation ; s’ils empruntèrent aux Hellènes les principes de leurs
arts, ils ne tardèrent pas à se séparer d’eux par leur horreur insurmontable de ce juste
milieu, de cette modération savante, qui leur parut de la médiocrité, qui leur sembla
de la misère, alors qu’elle réjouit les mânes de Confucius. Ils surchargèrent leurs
monuments de sculptures écrasantes; ils les multiplièrent, ils les empilèrent dans des
parties que les Grecs laissaient planes et sans décoration ; l’éntassement des figures
se presse sur les toits pyramidaux des temples, et les stoupas sont couverts de sculp-
tures enchevêtrées sur la pierre, que le ciseau des artistes fouilla sur toute sa surface.
Cette superfétation est orientale ; elle caractérisa, quoique à un degré moindre, la
méthode de Byzance ; elle se retrouve dans tous les monuments qui ont été érigés par
les Ariens d’Asie, mais les Hindous l’ont portée à son extrême, comme tous les peuples
qui ont vécu de leur civilisation. Les Perses, au temps des Achéménides, se montrèrent
plus discrets ; ils compliquèrent inutilement la simplicité des normes helléniques, que