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La chronique des arts et de la curiosité — 1870

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Nr. 4 (23 Janvier)
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https://doi.org/10.11588/diglit.26662#0020
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14

CHRONIQUE DES ARTS.

à l’anse, un sujet de chasse, au-dessous du-
quel sont tracés les noms ;

François Trebutien.

* Ces deux noms, qui donnent une valeur
toute particulière à ce pichet normand, sont
devenus, ainsi que nous le disions en com-
mençant, le prétexte de la monographie de
M. Raymond Bordeaux. Ce François Trebu-
tien, d’une famille du Cinglais, dans l’évêché
de Bayeux, « garde général des domaines et
bois du Roi », serait tout simplement le bi-
saïeul de l’un des conservateurs de la Biblio-
thèque publique de Caen, M. François-Guil-
laume Trebutien, qui s’est concilié la sym-
pathie et la. reconnaissance des amis des
lettres par la publication de la poétique
correspondance de Maurice et d’Eugénie de
Guérin.

Fidèle au culte des souvenirs, culte qu’il
a prouvé par les soins religieux donnés à
une publication que le succès le plus com-
plet consacrait dès l’abord, M. Trebutien
conservait pieusement cette relique de fa-
mille, et pria M. Raymond Bordeaux d’en
rechercher la signification. C’est à cette ami-
cale invitation qu’est due cette nouvelle
étude sur la céramique normande.

Ce qui pousse les amateurs à rechercher
avec tant d’ardeur les vases et les brocs nor-
mands, ce qui donne à ces pièces de céra-
mique une incontestable supériorité sur les
ustensiles ordinaires de table ou de cuisine,
ce qui leur assure une place honorable dans
les collections particulières ou publiques,
ce n’est pas seulement les peintures qui les
décorent, ce sont surtout, ainsi que l’observe
si justement M. Raymond Bordeaux, les
dates et les inscriptions qu’ils portent et qui
en font de véritables monuments pour l’his-
toire de la céramique.

Il y a très-peu de temps encore, cinq ou
six ans peut-être, les collectionneurs et les
marchands de curiosités supposaient que les
noms inscrits sur les vases et les brocs en
faïence rouennaise étaient la signature des
ouvriers et des peintres sur faïence. Mais la
curiosité s’éclairant à mesure qu’elle se gé-
néralisait, et les recherches se concentrant
sur la céramique, on remarquait que parmi
les noms peints en grandes lettres, au bas de
la panse de ces brocs, on ne retrouvait le
nom d’aucun des fabricants de faïence de
Rouen. Était-il permis de supposer plus
longtemps que ces noms si nettement mou-
lés appartenaient à des .ouvriers ou à des
peintres inconnus qui n’auraient signé qu’une
seule pièce? En outre, les artistes n’avaient-
ils pas l’habitude de dissimuler en quelque
sorte leur signature dans un des coins les
moins en évidence de leur ouvrage, et de
l’exprimer en caractères abrégés ou cursifs?
Ges légendes, si apparentes et tracées avec
tant de soin, ne pouvaient donc être que
desnoms dedédicaceou de propriété, n’ayant
rien de commun avec les monogrammes et
les marques de fabrique. C’est ce *jue
M. Raymond Bordeaux établit péremptoire-
ment dans le chapitre m de sa monographie,
et surtout dans le .chapitre îv, auquel
nous nous faisons un plaisir d’emprunter les
passages suivants :

« ... Recherchons dans quelles circon-
stances ces pièces ont été décorées, de quels
événements, elles ont été le memento, quel
rôle, en un mot, elles ont joué dans la vie
et les habitudes de nos pères. Fabriquées
exprès pour une ou deux personnes dési-
gnées, à une date précise, ce n’était pas évi-
demment de ces objets de luxe que l’on
choisit tout faits, suivant son goût ou sa
fantaisie, dans Rassortiment d’un marchand,
pour l’ornement de son habitation ou la dé-
coration d’une table somptueuse. Pièces iso-
lées et tout à fait personnelles, elles ne fai-
saient point partie des riches services de
vaisselle armoriée, destinés aux nombreux
convives d’un festin d’apparat. Elles se dis-
tinguent, en effet, au milieu des autres ob-
jets de vaisselle, à peu près comme une mé-

daille commémorative d’un événement se
distingue au milieu de simples monnaies.
L’image du saint patron du destinataire, fré-
quemment peinte sur la panse de ces mo-
numents de céramique, leur donne un ca-
ractère de solennité qui s’allie d’une façon
originale avec le rôle naturellement jovial
d’un vase à boire. La comparaison d’un bon
nombre de ces brocs inscrits et datés laisse
voir que beaucoup d’entre eux ont été fabri-
qués pour servir de cadeaux de noces, et
que d’autres plus rares ont dû être offerts
comme gages d’amitié ou de reconnaissance
pour quelque service rendu. Mais lorsque
deux noms se trouvent sur un même vase,
on peut dire hardiment que ce sont ceux de
deux jeunes époux et que la date au-des-
sous est celle de leur mariage.

« La coutume d’un pareil emploi de la
céramique remonte à la plus haute antiquité,
Visconti, dans un mémoire inséré dans l’ou-
vrage de M. Paneska sur les Antiques du ca-
binet Pourtalès, a publié les peintures d’un
beau vase grec, trouvé en 1801 dans un
tombeau de Nola. Suivant 'Visconti, ce vase,
vendu dix mille francs en 1865, lors de la
dispersion de la collection Pourtalès, était un
présent nuptial, où se trouvaient réunies les
figures des époux Politès etPhylonoé, et celle
de Dinomaché, mère de l’épousée. — Le
moyen âge chrétien fournit des exemples
d’usages semblables, et au xvr siècle, en
Italie, on fabrique en grand nombre ces cupe
amatorie que l’on voit figurer dans les mu-
sées...

« Il ne faut donc point s’étonner si les ou-
vriers italiens, qui ont introduit à Nevers
l’industrie de la faïence, ont continué ces
traditions. Un flacon ou gourde de forme
plate, à décor bleu, conservé au musée de
Sèvres, parmi les productions nivernaises ,
sous le n° 6276, est évidemment le souvenir
d’un mariage : on y lit les noms de « Jac-
ques Clerjault » et de « Marie Pinguegneau »,
et au-dessous on voit leç images de leurs
patrons. Saint Jacques est peint sur une face
de ce vase, et la vierge Marie sur l’autre.
Nous avons vu à Nevers, au musée céra-
mique, d’autres pièces de faïence, des brocs
â vin notamment, marqués ainsi de deux
noms conjoints...

« La fabrique de faïence rouennaise, pro-
cédant de Nevers, comme Nevers procède
de l’Italie, l’usage de pièces de vaisselle pour
présent nuptial aurait pu s’introduire de ce
côté, si déjà il n’avait été accrédité dans les
pays du Nord. Une gourde en faïence de
Bruges, ou plutôt en terre jaune vernissée,
figurée et décrite par M. Félix Devigne,
dans les Annales de la Société royale des
Beaux-Arts et de la Littérature de Garni
(tome VI, vol. de 1855), porte en grandes
lettres gothiques le nom significatif anta. Elle
est en forme d’aumônière et pouvait être
suspendue à la ceinture par Jes deux anses
qui accompagnent son étroit goulot. M. De-
vigne attribue au xvie siècle cette pièce ra-
rissime.

« Du reste, la vaisselle au moyen âge
portait fréquemment des inscriptions en
grandes lettres gothiques, parfois tracées en
relief et plus souvent en creux sur le bord
ou marly des assiettes et des plats. On voit
au musée de Sèvres une série abondante
d’anciennes terres de Beauvais à descriptions
gothiques. Des devises pieuses, de courtes
prières, se remarquent souvent ^ur ces dé-
bris du mobilier de nos aïeux. On a recueilli
à Rouen des portions de vieilles assiettes,
antérieures à' la faïence, ainsi décorées, et
notre ami, M. Pannier, possède un cu-
rieux fragment de ce genre, trouvé à Li-
sieux.

« Ce n’était pas seulement à la poterie ou
à la faïence que l’on s’adressait pour fabri-
quer des présents nuptiaux. D’autres usten-
siles de ménage servaient à inscrire les noms
de deux époux et à noter la date de leur
union. A l’exposition de Chartres, en 1858,
on vit figurer une curieuse marmite en fonte,

autour de laquelle on lisait : P. Henri Bel-
lesme et Marie Catrine Fillette, son épousé,
1722, Les ouvriers fondeurs de nos forges,
dans la haute Normandie, ont conservé long-
temps la çoutume de fabriquer ainsi des
marmites enjolivées de fleurs de lis et d’in-
scriptions à l’occasion du mariage de leurs
camarades ou même de leurs propres noces.
J’ai vu l’an- dernier, dans une auberge de
Beaumont-le-Roger, une grande marmite
toute constellée d’étoiles, de merlettes et
d’autres menues figures, conservée précieu-
sement comme un objet de famille. Elle
porte en effet cette inscription d’ortho-
graphe rustique :

FREDER1E * LEROVE * ET
MARGUERITE * ROB1LLARD * SON
EPOUSE * 1808 *

« Mais au xvme siècle, et dans la bonne
bourgeoisie, ce sont souvent les brocs à
cidre en faïence de Rouen qui paraissent
avoir été préférés pour cette destination ga-
lante. Il en est peu qui soient sans noms et
sans date; si plusieurs ne portent que des
rébus ou des devises bachiques, chose fré-
quente sur les brocs à vin de Nevers, la plu-
part présentent le nom de deux époux.
Ceux mêmes qui offrent seulement un nom
isolé peuvent être considérés comme une
pièce séparée d’une paire où le nom de
l’autre conjoint se trouvait sur un second
broc. L’exposition normande organisée à
Falaise, en 1864, quoique moins abondante,
au point de vue céramique, que les exposi-
tions de Rouen, d’Elbeuf, de Bernay et
d’Évreux, présentait cependant un échan-
tillon curieux de ces brocs conjugaux, tous
deux de forme identique, plus élancée et
plus gracieuse que d’ordinaire, avec un
goulot ondulé; leur panse est remplie par
un bouquet de fleurs jeté et dessiné légère-
ment, où le rouge et le bleu se marient.
Cette similitude de forme s’explique, car ces
deux pichets ont été fabriqués pour un
couple normand :

M1' Morinière. M0 Morinière,

Sur le broc du mari les fleurs sont plus
lourdes, les tiges moins grêles ; elles font
l’effet d’œillets. Comme aucune date n’y fi-
gure, il est permis de supposer qu’ils n’ont
pas été faits pour un présent de noces, mais
que les deux époux ont pu les commander
plus tard, durant leur union... »

Après une dissertation philologique aussi
solide qu’intéressante sur les cochelins, que
M. Eugène de Beaurepaire définit « des pré-
sents et spécialement des brocs ou des as-
siettes spécialement offerts auxmariés le jour
de la noce », M. Raymond Bordeaux passe
des inscriptions aux sujets des peintures,
aux ornements et aux motifs de décoration
semés sur la surface émaillée des vases rouen-
nais. Sujets religieux, sujets profanes, su-
jets cynégétiques, comme celui qui décore
le broc à cidre deM. F.-G.-S. Trebutien, de-
vises énigmatiques, peintures facétieuses,
inscriptions bachiques oti burlesques, attri-
buts de métiers ou de professions, rien n’est
oublié.

Ajoutons que cette monographie a été
imprimée à Caen, avec beaucoup de soin,
par M. Le Blanc-Hardel, qu’elle renferme,
outre de curieuses figures et images, de belles
chromolithographies dues à M. Bouet, et que
le nombre très-limité du tirage, en ne tar-
dant pas à rendre le livre introuvable, exci-
tera la convoitise de plus d’un bibliophile.

L. Desprez.

EXPOSÉ DE LA SITUATION DE L’EMPIRE.

(Fin)

BATIMENTS CIVILS.

Budget ordinaire. — En 1869, les crédits ont
été employés ainsi qu’il suit :

Archives de l’Empire. — L’appropriation au

service des archives du bâtiment neuf sur la rue
des Ouatre-Fils a été continuée; deux grandes
salles, situées,à chaque extrémité du bâtiment et
destinées à recevoir plpsieqrs séries de docu-
ments, ont été livrées au service.

Château de Saint-Germain. — Continuation
des travaux de restauration de la façade est et
démolition du pavillon sud-est. De nouvelles
salles seront prochainement ajoutées à celles oc-
cupées par le Musée gallo-romain.

Eglise des Invalides. — Les travaux entrepris
pour restaurer le dôme et la flèche qui le sur-
monte sont entièrement terminés. La décoration
et la dorure ont été rétablies avec une scrupu-
leuse exactitude, et cet édifice historique est
remis en son état primitif.

Ecole cl’arts et métiers d’Aix. — Les bâti-
ments étaient insuffisants, et quelques-uns tom-
baient en ruine ; les réparations et agrandisse-
ments, qui ont été commencés en 1867 et qui se
poursuivent activement, permettront de satis-
faire à tous les besoins du service.

École des Beaux-Arts. — L’administration de
1 École réclamait depuis longtemps, pour le cours
d’anatomie, l’installation à proximité de l’amphi-
théâtre d’une galerie destinée aux collections
anatomiques. Cette annexe indispensable a été
construite en 1869.

Chapelle expiatoire. -- Ce monument est au-
jourd’hui entouré d’un square, et, pour le mettre
à l’abri des infiltrations d’eau provenant du jar-
din, il a été entouré de trottoirs avec caniveaux
et de grilles.

Budget extraordinaire.—Patois du Louvre
et des Tuileries. — Ainsi qu’il avait été prévu,
tous les travaux extérieurs de ces édifices seront
achevés en 1869. Les grandes arcades qui met-
tent en communication la place du Carrousel et
le quai sont livrées à la circulation. Tous les
ravalements, les égouts, pavages, trottoirs,
grilles, etc., ont été complétés, et il ne reste
plus à terminer que les appropriations inté-
rieures, dont les principales dispositions sont
déjà très-avancées.

Manufacture de Sèvres. — En 1869, les bâ-
timents affectés au personnel et aux magasins ont
été appropriés au service, et les installations in-
. térieures sont commencées. Les clôtures et pa-
vages extérieurs ont été entrepris.

Bibliothèque impériale. — Les travaux de la
façade principale, sur la place Louvois, ont été
dirigés activement en 1869. Déjà la maçonnerie
s’élève au deuxième étage, et cette partie de la
grosse'construction pourra être terminée en
1870. La réfection des combles du bâtiment de
la galerie Mazarine a été continuée.

Conservatoire des Arts et Métiers. —Afin de
poursuivre le dégagementde cet édifice, une mai-
son sise rue Saint-Martin, 298, a été expropriée
par l’État et réunie aux dépendances du Conser-
vatoire, Les travaux en façade sur la rue Réau-
mur ont été continués.

Cour de Cassation. — L’année dernière, la se-
conde moitié des anciens bâtiments de la cour
avait été démolie pour faire place aux construc-
tions neuves. Aujourd’hui ces travaux sont en
cours d’exécution, et la maçonnerie s’élève à la
hauteur du premier étage.

Nouvel Opéra. — En 1869, le crédit affecté aux
travaux de cet édifice a été employé surtout à l’a-
chèvement extérieur du monument et aux travaux
de couverture. Le perron de la façade principale
et la rampe du pavillon de l’Empereur sont en
outre terminés.

Une balustrade formant clôture a été établie au-
tour de l’édifice, qui,selon toute probabilité, sera
débarrassé des planches qui l’entourent avant la fin
de cette année. L’administration, en usant ainsi
des crédits accordés, a voulu donner autant que
possible satisfaction aux intérêts du quartier
neuf qui avoisine l'Opéra.

Elle a pris toutes les mesures pour achever ce
monument avec la promptitude que comporteront
les allocations budgétaires.

Archives de VEmpire. — La publication des
inventaires se poursuit. L’administration a com-
mencé l’impression de l’Inventaire général som-
maire, et apporté dans sa rédaction d’utiles mo-
difications. Des remaniements importants ont dû
être faits afin d’éviter un morcellement arbitraire
des fonds qui étaient demeurés séparés depuis
leur entrée aux Archives.

L’impression du troisième volume de Y Inven-
taire des sceaux se termine, et l’on s’occupe
d’un travail photographique destiné à fournir les
éléments de l’atlas de planches qui doit accom-
pagner cet inventaire.

Le catalogue du Musée des Archives est pu-
blié jusqu'à l’année ■'1789; l’époque de la révo-
lution et du premier Empire est en voie d’im-
pression.

On a commencé le premier volume des’ Arrêts
du conseil d'État; le troisième volume des
Layettes du Trésor des Charles se poursuit assi-
dûment.

L’administration des Archives se préoccupe,
avec non moins d’attention, de la conservation
et delà mise en carton des documents. Un,grand
 
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