ET DE LA
admirer ; il lui suffit de voir revivre devant ses
yeux comme l'image de la société élégante qui
fréquentait, aux jours de loisir, les portiques de
Tanagre ou la voie Sacrée d'Athènes. En prenant
pour lui l'admiration, en laissant à d'autres les
recherches et l'étude, le public, il faut bien l'a-
vouer, s'est choisi la meilleure part.
Cependant.il arrive qu'un visiteur, plus curieux
que les autres, abaissant ses regards vers les ta-
blettes inférieures des mêmes vitrines, y décou-
vre, dans une lumière plus discrète, une série
d'étranges figures, plates, raides, bigarrées de cou-
leurs, n'ayant presque rien de la forme humaine.
11 apprend, non sans surprise, que ces rudes ébau-
ches -proviennent des mêmes nécropoles, seule-
ment de sépultures qui remontent à une antiquité
plus haute. Il commence alors à comprendre que
les petites merveilles qui le charmaient tout à
l'heure ne sont pas nées en un jour de la fantaisie
de quelques artistes, et qu'elles n'ont pas été faites
seulement pour le plaisir des yeux. Il s'aperçoit
qu'elles ont derrière elles un long passé, qu'elles
représentent une grande industrie populaire, très
ancienne, prodigieusement active, dont l'immense
production, qui a jonché tout le moode antique
de ses innombrables débris, répondait à des
usages et à des besoins qui ne sont plus les
nôtres,
Ce sont les raisons qui m'ont engagé à remon-
ter jusqu'aux origines de l'industrie des terres
cuites, non pas pour construire un système qui
rende compte de tous les faits, mais pour cher-
cher quelques indications sur les débuts de cette
forme populaire de la plastique et sur les idées
qui portèrent les anciens à en placer les pro-
duits dans leurs sépultures.
L'Egypte précède de si loin ce que nous con-
naissons de l'antiquité que l'on ne peut étudier
aucune industrie ancienne sans rechercher d'abord
à quel degré d'avancement les Egyptiens y étaient
parvenus. L'art de fabriquer des figurines et de
tes multiplier par le moulage leur était familier:
seulement ils n'y ont presque pas employé l'argile
ordinaire. Parmi les milliers de petites idoles et
de statuettes funéraires qui sont sorties de leurs
mains, on ne compte qu'un très petit nombre de
terres cuites, au sens où nous l'entendons. Il
semble qu'ils aient négligé ce procédé comme
trop commua, pour reporter toute leur activité
sur un genre de travail dont les produits plus
bus et la technique plus perfectionnée plaisaient
davantage à leur goût ingénieux. Les modeleurs
égyptiens se servaient de préférence d'une terre
blanche et sableuse; ils avaient emprunté à l'art
du verrier le secret de la revêtir d'une glaçure
brillante, à laquelle ils donnaient le plus souvent
une bplle teinte azurée, couleur rare et précieuse
aux yeux des anciens.
Ces terres vernissées, enduites d'une couche
silico-alcaline, sont bien connues sous les noms
égaîemenl impropres de tenes émaillées, de porce-
laines ou de faïences égyptiennes. Le même pro-
cédé, pratiqué très anciennement par les Assy-
riens, imité en Pbénicic et même chez les Grecs, a
produit un très grand nombre de petits ouvrages,
que Je commerce antique avait répandus à profu-
CURIOSITE 3
sion sur les côtes de la .Méditerranée. Us y étaient
recherchés par les populations du littoral, comme
de véritables bijoux, dont la coloration brillante
rappelait à leurs yeux les tons de la turquoise ou
du lapis. La vogue s'y attachait d'autant plus que
ces figurines prenaient volontiers la forme d'amu-
lettes religieuses ou funéraires, d'objets de parure
ou de toilette, servant comme ornements de col-
lier ou comme fioles à parfums. Cependant les
archéologues ont tort, croyons-nous, d'en faire
une classe à part, qu'ils rangent auprès des verres
antiques. Pour nous, toutes les fois que nous avons
rencontré ces terres vernissées dans nos collec-
tions, nous n'avons pas hésité à leur donner une
place à côté des figurines d'argile, dont elles ne se
distinguent que par une très légère différence de
procédé, et sur lesquelles elles ont exercé une in-
fluence incontestable.
Sans vouloir énumérer tous les genres de figu-
rines qui ont été trouvées sur le sol de l'Egypte,
nous ne saurions nous dispenser de passer rapi-
dement en revue un petit nombre de types carac-
' térisque's : ils nous appartiennent à ce titre que
i l'on est tenté, non sans raison, d'y chercher le
■ point de départ de plusieurs séries de représenta-
; tions qui ont joui d'une longue et singulière
; fortune dans l'histoire des terres cuites antiques.
\ C'est la meilleure introduction que l'on puisse
placer, croyons-nous, en tête d'une étude sur ces
petits monuments.
Un type commun entre tous, et qu'il faut citer
; en première ligne, est celui des statuettes funé-
I raires que le Livre des Morts commandait de dé-
poser dans les tombeaux, et qu'il nomme oushab-
tiou, c'est-à-dire répondants. Il n'est personne qui
n'ait remarqué, dans les collections égyptiennes,
! ces figurines, vêtues de la robe collante des mo-
; mies, les deux poings croisés sur la poitrine et
tenant ordinairement des instruments d'agricul-
; ture. Elles répondaient, en effet à l'appel du défunt,
; pour l'aider à cultiver les champs célestes, et
i multipliaient en quelque sorte saproprepersonne,
I afin de lui rendre possible cette tâche laborieuse.
Elles lui donnent aussi, par leurs inscriptions, le
nom d'Osiris, pour le faire participer à la résur-
rection du dieu dont elles reproduisent l'attitude
i consacrée et dont elles portent le vêtement mer-
'■ tuaire. Ces amulettes protectrices avaient ainsi un
\ triple rôle: elles étaient des images des morts;
; elles leur formaient une compagnie et une escorte
dévouée dans la solitude du tombeau ; elles pou-'
i vaient en môme temps être considérées comme
: autant de petites idoles d'un dieu garant de leur
; immortalité.
Sans doute une telle superposition d'idées, où
se jouait la subtilité de la théologie égytienne,
n'était guère faite pour entrer dans l'esprit des
peuples qui, de près ou de loin, empruntèrent à
l'Egypte l'usage des statuettes funéraires. Cepen-
dant on peut croire qu'il en resta toujours quel-
que chose; c'est peut-être là qu'il faut chercher
l'origine de l'irrémédiable indécision qui, malgré
tous les efforts des archéologues, ne cesse de ré-
gner sur le véritable caractère de certains types
traditionnels, parmi les figurines de terre cuite.
Peut-être la même hésitation a-t-elle existé sou-
vent pour les anciens eux-mêmes, et ne se sont-
ils pas donné' autant de peine que nous pour en
sortir.
Toujours est-il que, dans leurs imitations popu-
admirer ; il lui suffit de voir revivre devant ses
yeux comme l'image de la société élégante qui
fréquentait, aux jours de loisir, les portiques de
Tanagre ou la voie Sacrée d'Athènes. En prenant
pour lui l'admiration, en laissant à d'autres les
recherches et l'étude, le public, il faut bien l'a-
vouer, s'est choisi la meilleure part.
Cependant.il arrive qu'un visiteur, plus curieux
que les autres, abaissant ses regards vers les ta-
blettes inférieures des mêmes vitrines, y décou-
vre, dans une lumière plus discrète, une série
d'étranges figures, plates, raides, bigarrées de cou-
leurs, n'ayant presque rien de la forme humaine.
11 apprend, non sans surprise, que ces rudes ébau-
ches -proviennent des mêmes nécropoles, seule-
ment de sépultures qui remontent à une antiquité
plus haute. Il commence alors à comprendre que
les petites merveilles qui le charmaient tout à
l'heure ne sont pas nées en un jour de la fantaisie
de quelques artistes, et qu'elles n'ont pas été faites
seulement pour le plaisir des yeux. Il s'aperçoit
qu'elles ont derrière elles un long passé, qu'elles
représentent une grande industrie populaire, très
ancienne, prodigieusement active, dont l'immense
production, qui a jonché tout le moode antique
de ses innombrables débris, répondait à des
usages et à des besoins qui ne sont plus les
nôtres,
Ce sont les raisons qui m'ont engagé à remon-
ter jusqu'aux origines de l'industrie des terres
cuites, non pas pour construire un système qui
rende compte de tous les faits, mais pour cher-
cher quelques indications sur les débuts de cette
forme populaire de la plastique et sur les idées
qui portèrent les anciens à en placer les pro-
duits dans leurs sépultures.
L'Egypte précède de si loin ce que nous con-
naissons de l'antiquité que l'on ne peut étudier
aucune industrie ancienne sans rechercher d'abord
à quel degré d'avancement les Egyptiens y étaient
parvenus. L'art de fabriquer des figurines et de
tes multiplier par le moulage leur était familier:
seulement ils n'y ont presque pas employé l'argile
ordinaire. Parmi les milliers de petites idoles et
de statuettes funéraires qui sont sorties de leurs
mains, on ne compte qu'un très petit nombre de
terres cuites, au sens où nous l'entendons. Il
semble qu'ils aient négligé ce procédé comme
trop commua, pour reporter toute leur activité
sur un genre de travail dont les produits plus
bus et la technique plus perfectionnée plaisaient
davantage à leur goût ingénieux. Les modeleurs
égyptiens se servaient de préférence d'une terre
blanche et sableuse; ils avaient emprunté à l'art
du verrier le secret de la revêtir d'une glaçure
brillante, à laquelle ils donnaient le plus souvent
une bplle teinte azurée, couleur rare et précieuse
aux yeux des anciens.
Ces terres vernissées, enduites d'une couche
silico-alcaline, sont bien connues sous les noms
égaîemenl impropres de tenes émaillées, de porce-
laines ou de faïences égyptiennes. Le même pro-
cédé, pratiqué très anciennement par les Assy-
riens, imité en Pbénicic et même chez les Grecs, a
produit un très grand nombre de petits ouvrages,
que Je commerce antique avait répandus à profu-
CURIOSITE 3
sion sur les côtes de la .Méditerranée. Us y étaient
recherchés par les populations du littoral, comme
de véritables bijoux, dont la coloration brillante
rappelait à leurs yeux les tons de la turquoise ou
du lapis. La vogue s'y attachait d'autant plus que
ces figurines prenaient volontiers la forme d'amu-
lettes religieuses ou funéraires, d'objets de parure
ou de toilette, servant comme ornements de col-
lier ou comme fioles à parfums. Cependant les
archéologues ont tort, croyons-nous, d'en faire
une classe à part, qu'ils rangent auprès des verres
antiques. Pour nous, toutes les fois que nous avons
rencontré ces terres vernissées dans nos collec-
tions, nous n'avons pas hésité à leur donner une
place à côté des figurines d'argile, dont elles ne se
distinguent que par une très légère différence de
procédé, et sur lesquelles elles ont exercé une in-
fluence incontestable.
Sans vouloir énumérer tous les genres de figu-
rines qui ont été trouvées sur le sol de l'Egypte,
nous ne saurions nous dispenser de passer rapi-
dement en revue un petit nombre de types carac-
' térisque's : ils nous appartiennent à ce titre que
i l'on est tenté, non sans raison, d'y chercher le
■ point de départ de plusieurs séries de représenta-
; tions qui ont joui d'une longue et singulière
; fortune dans l'histoire des terres cuites antiques.
\ C'est la meilleure introduction que l'on puisse
placer, croyons-nous, en tête d'une étude sur ces
petits monuments.
Un type commun entre tous, et qu'il faut citer
; en première ligne, est celui des statuettes funé-
I raires que le Livre des Morts commandait de dé-
poser dans les tombeaux, et qu'il nomme oushab-
tiou, c'est-à-dire répondants. Il n'est personne qui
n'ait remarqué, dans les collections égyptiennes,
! ces figurines, vêtues de la robe collante des mo-
; mies, les deux poings croisés sur la poitrine et
tenant ordinairement des instruments d'agricul-
; ture. Elles répondaient, en effet à l'appel du défunt,
; pour l'aider à cultiver les champs célestes, et
i multipliaient en quelque sorte saproprepersonne,
I afin de lui rendre possible cette tâche laborieuse.
Elles lui donnent aussi, par leurs inscriptions, le
nom d'Osiris, pour le faire participer à la résur-
rection du dieu dont elles reproduisent l'attitude
i consacrée et dont elles portent le vêtement mer-
'■ tuaire. Ces amulettes protectrices avaient ainsi un
\ triple rôle: elles étaient des images des morts;
; elles leur formaient une compagnie et une escorte
dévouée dans la solitude du tombeau ; elles pou-'
i vaient en môme temps être considérées comme
: autant de petites idoles d'un dieu garant de leur
; immortalité.
Sans doute une telle superposition d'idées, où
se jouait la subtilité de la théologie égytienne,
n'était guère faite pour entrer dans l'esprit des
peuples qui, de près ou de loin, empruntèrent à
l'Egypte l'usage des statuettes funéraires. Cepen-
dant on peut croire qu'il en resta toujours quel-
que chose; c'est peut-être là qu'il faut chercher
l'origine de l'irrémédiable indécision qui, malgré
tous les efforts des archéologues, ne cesse de ré-
gner sur le véritable caractère de certains types
traditionnels, parmi les figurines de terre cuite.
Peut-être la même hésitation a-t-elle existé sou-
vent pour les anciens eux-mêmes, et ne se sont-
ils pas donné' autant de peine que nous pour en
sortir.
Toujours est-il que, dans leurs imitations popu-