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La chronique des arts et de la curiosité — 1883

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Nr. 11 (17 Mars)
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https://doi.org/10.11588/diglit.17399#0093
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El DE LA CURIOSITE

CORRESPONDANCE DE BELGIQUE

Exposition de M. Eug. Smits

Lu peintre de grande réputation et de talent très
particulier, M. Eugène Smits, a réuni au palais des
Beaux-Arts une soixantaine d'esquisses et de ta-
bleaux. Ce n'est point une exposition pour le pu-
blic, bien que le public y soit couvié, niais pour
l'obole qu'il apporte à une œuvre de charité :
l'article ni son tempérament ne sont de ceux
auxquels applaudisse la foule. Rien ne ressemble ,
moins à un étalage bruyant et n'a moins le carac-
tère d'uue exposition faite pour le public que
cette suite de délicats panneaux, orchestrés
comme des symphonies de couleur, et dans cha-
cun desquels le peintre a mis un rêve, une sen-
sation de la nature et une part de lui-même.
L'homme s'indique, du reste, tout entier dans son
œuvre : recueilli, sévère, abstracteur de lumières
chimériques et surnaturelles ; on comprend qu'il
ne vise point aux coups de pistolets qui crèvent
les yeux, mais que les prunelles, ses intérieures
prunelles de songeur, tournées vers les lointains
de la vie, il cherche à exprimer, par le jeu des
colorations, les mouvements de sou être à travers |
les impressions que lui fournit la nature.

Il a le don. en effet, de spiritualiser en de vi- !
vantes analogies, perceptibles pour les esprits dé-
licats, les tangibles vulgarités de la matière. C'est,
à sa manière, un peintre aux sens aiguisés et sub- j
tils, s'nppliquaut à mettre dans ses usures, par
delà et par-dessous le contour réel, la personna- j
lité intime et muette, celle qui palpite tout au fond
de l'être. A tout instant, son art éveille la pensée
de poésies fortes et tendres, pareilles à des inusi-
ques. et, pour accentuer la comparaison ébauchée j
plus haut, je l'assimile lui-même à un délicat j
symphoniste, traduisant par le moyen des tons les \
symboliques harmonies des choses.

Il y a, parmi les œuvres exposées, un trio de
filles roses et lunaires — Trois filles dans un pré
— qui. on ne sait pourquoi, ou plutôt en vertu
de ses évidentes analogies, fait songer à un vieil
air soupiré sur la mandoline. Telle autre toile —
Spirite. par exemple, fait sentir comme les silen-
ces assoupis d'un berçant nocturne. Ailleurs, il fait
chantera l'automne roux — Chemin dans la forêt
de Groenf-nduel — le fauve andante des grands
souffles du vent. Ailleurs, encore, il donne à une
pâle jeune fille, alanguie aux bras de sa chaise
longue — Rêverie sur la lagune —le charme atten-
dri d'un amoureux canzone chuchoté daus l'es-
pace. Quelquefois une robe, un bout de tenture,
une coloration de fond, mourante et torpide, em-
porte l'imagination au regret des tendresses expi-
rées ; et, d'autres fois, sulfureuse et violente,
inspire l'idée de3 orageuses passions qui assaillent
le cœur, vers l'automne de la vie. On pense alors
à cette noble prose cadencée où Baudelaire « chan-
tant les couleurs somptueusement fanées d'un
gilet d'artiste », osa les comoarer à la mélancolie
ardente des fins de saison et à l'irritante beauté
des femmes très mûres.

Parmi l'universelle tendance à substituer, à ce
«m'ou pourrait appeler l'imagination dans le ton,
l'observation rigoureuse des lois naturelles, Eu-
gène Smits a gardé la religion des paradis artifi-

ciels. Je ne sais quelle migration d'âmes errantes
à travers le temps a fait s'arrêter en lui le vol
inquiet de quelqu'une de ces frémissantes organi-
sations d'artistes, ainsi qu'on vit s'épanouir Venise
dans l'outre-mer et la pourpre des grandes toiles.
Un des très rares dans le groupe des peintres de
l'école belge actuelle, il s'est complu à peindre
l'allégorie, sinon avec le faste elles rntilauces des
grands décors imaginés par les maîtres du genre,
du moins avec un sens très déterminé du coloris
qu'exige la peinture symbolique.

De son long commerce avec Véronèse particu-
lièrement, il lui est resté dans l'esprit comme une
ehaleur qui lui fait voir les choses à travers un
mensonge piorieux. ju5que dans ses portraits,on
voit la vérité immédiate méconnue au profit d'une
vraisemblance radieuse: c'est qu'entre la nature et
l'artiste s'est interposée une lumière qui n'est pas
celle de notre ciel brumeux, et qu'il regarde ses
modèles à travers un foyer attisé ailleurs qu'à
l'étude des réalités.

C'est, en effet, chez lui une faculté innée pour
faire exprimer aux choses une magnificence sou-
vent en désaccord avec leur essence: il les déna-
ture pour en tirer des significations mystérieuses,
daus lesquelles il met le but et la condition de son
art; et telles sont les impérieuses exigences de
l'absolu qu'il a dans le cerveau, qu'on a pu voir
souvent eu lui un beau virtuose, d'une superbe
inattendrie. Il prodigue dans ses œuvres les fau-
ves toisons, le3 carnations ambrées, les brocarts
chamarrés, les satins scintillants, les fonds enver-
meillés, toute la chatoyante lumière que, chez les
Vénitiens, allument les joailleries des robes et des
pourpoints.

L'exposition du palais des Beaux-Arts.à la vérité,
Je montre, cette fois, dans un aspect plus restreint ;
c'est un coin de sou atelier qu'il nous eutrebàille,
avee le négligé des préparations premières et des
recherches faites pour se satisfaire soi-même. Mais
il n'en faut pas plus pour permettre de jucrer un
artiste à sa valeur, et j'estime singulièrement in-
téressante, encore qu'il s'y mêle des morceaux
d'une indication un peu trop sommaire, la réunion
de ees fragments et de ces tableaux, daus lesquels
un coloriste de race ça et là raconte avec éloquence
le miracle d'une peau veloutée, d'une chevelure
ardente, d'un beau ton de robe, ou, comme dans
cette admirable petite étude d'un paon, la splen-
deur d'un-rayon de soleil anhnalisé.

L.

.----«.rtr-^aeiraw-

NOUVELLES SALLES A CRÉER

AU MUSÉE DU LOUVRE

Nous recevons communication d'un rapport
important, adressé au directeur des musées
par l'un de ses collaborateurs les plus actifs
et les plus estimés. Nous en publions aujour-
d'hui la première partie :

Monsieur le directeur,

Conformément à vos instructions, en date du

19 février 1883, je me suis rendu le lendemair,

20 février, à Versailles, et j'ai l'honneur de vous
transmettre le résultat de mes observations.

Les statues du parc se trouvent actuellement
 
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